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Mis à jour
le 12/03/24
 Mercure
 

 

Carte d’identité
diamètre4 879,4 km
0,3825 Terre
 demi grand-axe57,909 106 km
0,3871 UA
aplatissement0excentricité0,205631
période de rotation58 j 15 h 30 mn 34 sinclinaison de l’orbite 7° 0′ 18″
inclinaison axe de rotationannée sidérale87 j 23 h 14 mn 33 s
diamètre angulaire12,4″vitesse orbitale47,8725 km/s
masse3,3022 1023 kg
0,055274 Terre
révolution synodique115,8775 j
masse volumique5,43 g/cm3
0,9846 Terre
jour solaire moyen175 j 22 h 33 mn
sens mixte (rétro majoritaire)
vitesse de libération 4,25 km/salbédo0,106
pesanteur3,70 m/s/s
0,38 Terre
températuremin -185℃
max +430℃
nombre de satellites0atmosphèrepression 0 bars
-

Les éléments en gras sont tirés du livre Allen’s astrophysical quantities, quatrième édition

 

Mercure est une petite planète tellurique. Son diamètre est compris entre ceux de la Terre (Mercure 2,6 fois plus petite) et de la Lune (Mercure 1,4 fois plus grosse) :

TerreMercureLune
12.758 km4.880 km3.473 km

Energie reçue

C’est la planète la plus proche du Soleil : elle en est en gros à 50 millions de km, 3 fois plus proche que la Terre. Elle reçoit donc 32 = 9 fois plus de lumière et de chaleur que nous (application de la formule générale) :

Du fait de sa proximité au Soleil, celui-ci y parait énorme dans le ciel : au périhélie, son diamètre angulaire atteint 1° 44' (plus de trois fois plus gros que sur Terre), alors qu’à l’aphélie, il est seulement de 1° 8' (deux fois plus gros)…

Mouvements

Mouvement orbital et rotation

L’orbite de Mercure est très particulière, pour ne pas dire anormale. Elle est très excentrique (e = 0,2058) et de plus, assez inclinée sur le plan de l’écliptique (7°), plan partagé à peu près par les autres planètes (Pluton excepté, s’il s’agit d’une planète). Cette double particularité devrait trouver une explication dans une théorie de la formation du système solaire.

L’excentricité produit de gandes variations de la distance de Mercure au Soleil : entre 46 et 70 millions de km (voir formule).

A faible distance de la grande masse solaire, Mercure a dû subir des marées très importantes. On sait que les marées ont bloqué la rotation de la Lune de telle manière qu’elle soit synchrone avec son mouvement orbital : résultat, la Lune tourne toujours la même face vers la Terre. On pourrait penser qu’il en soit de même pour Mercure par rapport au Soleil, et que la planète tourne toujours la même face vers son étoile. Mais dès qu’on a pu mesurer la période de rotation de Mercure, on a montré qu’il n’en est rien. La rotation sidérale est de 58,26 j et la révolution sidérale de 87,969 j. Le rapport entre les deux est 87,969 / 58,26 = 1,509. Deux années valent trois jours sidéraux !

Quand au jour solaire, qui est la combinaison des deux mouvements, il dure 176 jours, c’est-à dire exactement deux ans… Curieuse planète.

Nous avons l’habitude d’avoir 365 jours dans une année.
Sur Mercure, nous aurions deux ans dans une journée…

Les marées produites par l’attraction du Soleil ont agit en freinant la rotation de Mercure. Si l’orbite de la planète était circulaire, ce ralentissement l’aurait amenée à tourner toujours la même face vers le Soleil. Seulement, l’orbite est assez fortement elliptique. La planète passant très rapidement à son périhélie, et beaucoup moins vite à son aphélie, le ralentissement n’a pas agit avec la même intensité en ces deux points. La rotation de la planète a alors trouvé un équilibre en effectuant trois tours en deux de ses années.

De plus, les énormes variations de vitesse de la planète entre son périhélie et son aphélie y créent un phénomène spectaculaire (si quelqu’un s’y trouvait pour l’admirer…). En certains points de la planète, on peut voir le Soleil se lever, monter un peu dans le ciel, puis s’arrêter, et se recoucher ! Puis on le voit se lever à nouveau et enfin monter dans le ciel et aller se coucher de l’autre côté. En d’autres points de la planète, ce balancement du Soleil se manifeste en un autre point du ciel, par exemple au méridien : il est alors midi trois fois par jour… Difficile de régler sa montre ! Faut-il construire des horloges qui avancent jusqu’à midi et demi, s’arrêtent, retardent jusqu’à 11 heures et demi, puis repartent enfin pour un cours normal de fin de journée ? (elles seraient en contradiction avec la flèche du temps de la Physique…)

Ce phénomène très intéressant résulte de la combinaison du mouvement orbital à vitesse variable, et de la rotation de la planète sur elle-même à vitesse constante. Dans le cas de Mercure, il se produit régulièrement parce que les deux mouvements sont dans le rapport 3/2. On trouvera par ailleurs une explication détaillée. Il découle de ces deux mouvements un jour solaire de 176 jours (terrestres). Cette valeur est énorme par rapport aux autres planètes, sauf Vénus.

Il existe d’autres exemples de blocage par les marées dans le système solaire : en particulier, dans le couple Pluton-Charon, chacun des deux partenaires est stabilisé, et tourne toujours la même face vers l’autre.

Avance du périhélie

Pour finir, disons que Mercure a posé un gros problème de mécanique céleste : lorsque Newton a établi la loi de la gravitation universelle, on l’a appliquée pour expliquer le mouvement des planètes. Pour Mars, ce fut un succès total. Mais pour Mercure, le mouvement réel différait très légèrement du mouvement prédit : le périhélie de Mercure avance un tout petit peu à chaque révolution de la planète, de quelques 574" d’arc par siècle. A ce rythme-là, il lui faudra 226.000 ans pour faire un tour complet. La Mécanique de Newton explique une avance de 531" par siècle, mais il reste un résidu de 43" d’arc par siècle, vraiment inexplicable dans cette théorie. Cette valeur est très petite, mais elle suffit pour faire douter d’une théorie !

Il a fallu attendre la Relativité Générale d’Einstein pour que cette avance du périhélie soit expliquée. Il faut bien comprendre que la théorie de Newton donne une certaine approximation sur le réel, et que celle d’Einstein est un peu plus précise : lorsqu’on regarde une plaine, on a l’impression qu’elle est plate ; quand on fait quelques kilomètres à la surface de la Terre, on a cette même illusion. C’est pourquoi les Hommes ont pensé pendant très longtemps que leur domaine était plat. Mais si on entreprend le même voyage que Phileas Fogg, on sera obligé de reconnaître que l’apparence est trompeuse. Mais pour cela, il aura fallu faire le tour du monde… On sera donc passé d’une expérience locale, à toute petite échelle, à une expérience qui englobe un domaine beaucoup plus vaste. Newton a pensé sa théorie en fonction d’un domaine limité, l’orbite de la planète Mars ; dans ce domaine, elle est suffisamment exacte. Lorsqu’on l’applique à un domaine plus vaste, le système solaire, on se place en dehors du cadre fixé pour la définir, il n’est donc pas étonnant qu’on ait quelques difficultés. La masse du Soleil est beaucoup plus grande que celle de la Terre, et sa grande proximité de Mercure en accentue les effets ; ceci explique cette différence de cadre.

Observation

Observation élémentaire

En temps normal, elle est très difficile, car la planète, très proche du Soleil, ne s’en écarte jamais beaucoup pour nous. Elle n’est visible que le soir immédiatement après la disparition du Soleil, ou le matin très peu de temps avant son apparition. Le ciel est donc brillant. Dans son mouvement autour du Soleil, elle est en général cachée devant ou derrière le Soleil. En résumé, on ne peut la voir que quelques jours le matin, puis quelques jours le soir 44 jours plus tard, puis à nouveau le matin… Elle reste malgré tout plus ou moins noyée dans les lueurs du levant ou du couchant, toujours très basse sur l’horizon, et sa lumière doit traverser une épaisse couche d’atmosphère terrestre avant de nous parvenir. Elle en sort très dégradée. De petite taille, sa dimension angulaire reste de l’ordre de 10". Il est impossible d’y voir des détails, même avec de puissants instruments.


Mercure, la Lune et Vénus, calanque de Sugiton, Marseille 23/03/04 photo J. Gispert
Mercure est le petit point brillant juste au-dessus de la colline, noyé dans les dernières lueurs du Soleil

On peut photographier Mercure avec un appareil ordinaire sur pied, en faisant une pose de 3 à 5 secondes sur un film standard, ou un CCD de bonne qualité. Bien sûr, la planète n’apparaîtra que comme un point. Il est possible d’obtenir de beaux clichés si elle n’est pas seule dans le ciel au moment de la prise de vue (Vénus, Saturne, la Lune…).

Passages de Mercure devant le Soleil

Mercure passe entre la Terre et le Soleil environ tous les 3 mois; mais nous ne voyons pas un passage sur le disque solaire à chaque fois à cause de l’inclinaison entre les plans orbitaux de Mercure et de la Terre. Le passage n’a lieu que lorsque le Soleil, Mercure et la Terre sont sur la même ligne (intersection du plan orbital de la planète et de l’écliptique) ou ligne des nœuds.

Les passages de Mercure se produisent à des intervalles de 13 ans, 7 ans, 10 ans, 3 ans, et le cycle recommence. L’orientation de la ligne des nœuds fait que les passages de Mercure ont lieu aux alentours du 7 mai, ou du 9 novembre. Les derniers ont eu lieu le 12 novembre 1986, le 14 novembre 1999 et le 7 mai 2003.

Passage de Mercure du 8 mai 2003 photo J. Gispert

La planète est le petit point en bas de l’image. Les autres taches, au centre et au bord gauche, sont des taches solaires. On distingue nettement l’assombrissement au bord. Cette image montre bien l’énorme différence de taille entre le Soleil et la petite planète… La couleur du Soleil est produite par le filtre.

Pendant l’observation, on percevait très nettement que le disque de Mercure était plus noir que le centre des taches solaires. Ce dernier semble bien noir lors des observations courantes, mais la présence de Mercure montre que ce n’est qu’une illusion due au filtre utilisé, et que le centre des taches est seulement beaucoup moins brillant que la photosphère.

Voici les dates de quelques passages de Mercure, passés ou à venir :

DateInstant UTdistanceDuréevisible en
9/5/19708 h 16 mn 11 s1' 47.05"7 h 57 mn 4 sEurope, Afrique nord, Amérique nord
10/11/197310 h 32 mn 15 s0' 22.27"5 h 31 mn 13 sEurope sud, Afrique ouest, Amérique est
13/11/19864 h 6 mn 60 s7' 46.43"4 h 49 mn 38 sAmérique nord et centrale
6/11/19933 h 56 mn 15 s15' 22.59"1 h 45 mn 54 sAsie sud-est, Océanie
15/11/199921 h 40 mn 44 s15' 58.90"0 h 59 mn 52 sAmérique Nord
7/5/20037 h 52 mn 37 s11' 41.32"5 h 23 mn 59 sEurope, Asie nord-ouest
8/11/200621 h 40 mn 53 s6' 58.78"4 h 59 mn 38 sAmérique sud
9/5/201614 h 57 mn 14 s5' 11.48"7 h 33 mn 51 sEurope, Afrique nord
11/11/201915 h 19 mn 31 s1' 11.82"5 h 30 mn 11 sAfrique sud, océan Indien
13/11/20328 h 53 mn 38 s9' 27.98"4 h 27 mn 55 sAmérique du sud
7/11/20398 h 46 mn 1 s13' 38.12"3 h 0 mn 12 sAmérique du sud
7/5/204914 h 23 mn 48 s8' 24.81"6 h 45 mn 6 sEurope, Asie
9/11/20522 h 29 mn 22 s5' 14.56"5 h 14 mn 1 sEurope, Asie ouest, Afrique nord

Source : IMCCE. Tous les passages entre -2999 et 2999 : passages de Mercure.

Observation spatiale

Depuis la Terre, l’observation se limite essentiellement au radar, qui permet de déterminer les mouvements de la planète autour du Soleil, et sur elle-même. Les télescopes optiques permettent seulement d’obtenir des informations globales, par spectroscopie, sur la constitution chimique du sol. Il a fallu attendre la première sonde, Mariner 10, pour avoir des images, et une première approche de la géologie de Mercure. Lancée le 3 novembre 1973, pourvue de moteurs de correction de trajectoire seulement (pour des raisons de poids), cette sonde ne pouvait se mettre en orbite. Elle a seulement survolé Mercure trois fois, les 29 mars et 21 septembre 1974, et 16 mars 1975.

Mariner 10 était une sonde légère, compatible avec les moyens de lancement de son époque. Pour se mettre en orbite autour de Mercure, après un lancement direct depuis la Terre (trajectoire de Hohmann), la vitesse d’arrivée est telle qu’il faut une impulsion de freinage de 13 km/s pour une insertion en orbite (il ne faut que 11,2 km/s pour quitter la Terre…). C’est pourquoi Mariner 10 n’a fait que passer, et que Mercure n’a pas été ciblée pendant longtemps après. Il a fallu les méthodes d’assistance gravitationnelle pour résoudre le problème, en acceptant un très long voyage…

Au cours de ces trois survols, elle a transmis 3.500 photos, à des résolutions différentes (de distances diverses), qui ont permi de cartographier 45 % de la surface (malheureusement, la résonnance orbitale de Mercure implique que les trois survols ont vu la même face de la planète).

Les apports essentiels de cette sonde sont :

La sonde Messenger (MErcury Surface, Space ENvironment, GEochemistry and Ranging) a été lançée le 3 août 2004. Elle a utilisé largement l’assistance gravitationnelle, avec rebond sur la Terre, puis deux fois sur Vénus, et trois fois sur Mercure. Ces trois derniers survols (14 janvier 08, 6 octobre 08 et 29 septembre 09) participent à l’étude de la planète, en apportant de nouvelles données. La mise en orbite a eu lieu le 18 mars 2011. Elle n’a nécessité qu’une implusion de freinage de 0,86 km s-1, grâce à l’assistance gravitationnelle, au prix d’un voyage de 7 ans !

La sonde est équipée d’instruments scientifiques lui permettant d’analyser la composition chimique du sol, les ions qui constituent son exosphère, le vent solaire, la magnétosphère, et bien sûr des caméras permettant d’imager le sol à haute résolution afin de comprendre la géologie, et la formation de la planète. Les comptages de cratères peuvent, en particulier, donner de précieux renseignements sur l’âge des terrains. La publication de résultats scientifiques a commencé. Les plus importants sont donnés plus loin.

Avant l’ère spatiale, Mercure était quasiment inconnue. Après les trois sruvols de Mariner 10, on connaissait 45 % de sa surface, mais cette sonde était légère, et ne disposait que de peu d’instruments scientifiques. Les choses changent radicalement maintenant avec l’entrée en course de Messenger.

Le voyage vers Mercure est très coûteux (voir mécanique), c’est pourquoi cette planète avait été pratiquement délaissée.

Voyage de Messenger vers Mercure :

Descendant vers le Soleil, la sonde augmente sa vitesse orbitale. Donc, elle fait le tour du Soleil en un temps de plus en plus bref (88 jours au niveau de l’orbite de Mercure). Elle atteint la vitesse maximale de 63 km/s par rapport au Soleil lors de sa descente vers la planète. Or la vitesse orbitale de Mercure n’est que de 47,9 km/s. La sonde doit donc beaucoup ralentir pour se mettre en orbite !

Atmosphère

Mercure ne possède pas d’atmosphère véritable, car sa masse (donc sa gravité) est trop faible pour retenir une enveloppe gazeuse. La vitesse de libération à la surface de Mercure est seulement de 4,3 km/s. Tout corps atteignant cette vitesse verticalement à sa surface la quitte pour toujours. C’est le cas en particulier pour un atome de gaz de son atmosphère. Or la température très élevée à la surface de Mercure donne à son atmosphère éventuelle une très haute température, et donc une grande vitesse d’agitation à ses atomes. Ceux-ci atteindront bien vite des vitesses supérieures à la vitesse de libération et s’échapperont. On le voit, Mercure n’est pas capable de retenir durablement une atmosphère.

Cependant, la sonde Mariner 10 a détectée une très légère atmosphère résiduelle ; on préfère parler d’exosphère. Si on veut lui assigner une pression, il faut dire qu’elle est 100.000 milliards de fois plus faible que celle de l’atmosphère terrestre… Elle est composée essentiellement d’hydrogène, d’hélium, d’oxygène, de sodium, de potassium et d’argon. Le sodium et le potassium sont arrachés au sol par les particules énergétiques du vent solaire.

Mercure a dû perdre son atmosphère primitive très tôt, bien avant la fin du bombardement météoritique. De ce fait, les cratères visibles à sa surface ne semblent pas avoir été altérés par une quelconque érosion.

Sa température superficielle atteint les 430 ℃ au soleil, mais descend à -185 ℃ dans la nuit ! Cet énorme écart de températures est dû au manque d’atmosphère (qui sinon transporterait la chaleur d’un côté à l’autre par le mécanisme des vents). Lorsque, dans le mouvement autour du Soleil, une roche passe du jour à la nuit ou de la nuit au jour, sa température change de presque 600 ℃ ! Les phénomènes de dilatation et de contraction cassent la roche, et produisent une poussière qui doit couvrir le sol. Cette poussière est nommée régolithe, et on en trouve sur la Lune, car les conditions y sont assez semblables. Une autre forme d’érosion est aussi produite par les micrométéorites, qui parviennent au sol puisqu’il n’y a pas d’atmosphère. Enfin, des particules rapides éjectées par le Soleil viennent encore fragmenter les roches.

Constitution

Mercure est une planète tellurique, la plus proche du Soleil. Elle est donc constituée essentiellement de roches, c’est-à-dire de silicates, avec un noyau de fer-nickel.

Mercure n’ayant pas de satellite, sa masse a été déterminée par les perturbations qu’elle inflige à Vénus. Mais c’est une petite planète, et ces perturbations sont très faibles. La masse ainsi mesurée n’est pas très précise. C’est donc lors des survols par Mariner 10 qu’on a pu déterminer sa masse précisément, en analysant la trajectoire de la sonde. La masse de Mercure est de 0,055 fois celle de la Terre.

Son diamètre ayant par ailleurs été mesuré précisément, on en a déduit sa masse volumique : elle vaut 5,43 g/cm3. Cette valeur est à rapprocher de celle de la Terre, 5,52 g/cm3. Mais la masse de la Terre étant bien plus grande, il s’y produit une compression au centre, et certains matériaux sont comprimés. De ce fait, leur densité augmente. On peut calculer quelle serait la masse-volumique des planètes sans cette compression. On parle de la masse volumique décomprimée. On trouve de l’ordre de 4 seulement pour la Terre, et de 5,5 pour Mercure.

Une telle densité implique pour Mercure la présence d’un noyau très important constitué de matériaux lourds, fer et nickel, comme pour la Terre. Ce noyau a un diamètre estimé de 70 % du diamètre de la planète. C’est la planète du système solaire qui contient le plus de fer (au moins relativement à sa taille). On estime que la densité centrale de la planète atteint 9,8 g/cm3.

Surface

Généralités

Cratères, âge - Mercure présente des cratères semblables à ceux de la Lune sur toute sa surface. Les âges de ces cratères sont variés : certains, les plus vieux, présentent des remparts érodés par les météorites, alors que d’autres ont des remparts acérés, et sont donc beaucoup plus jeunes. Ces derniers montrent aussi des rayons de couleur claire et issus du centre. On trouve de tels rayons autour du cratère de Copernic sur la Lune.

Le Bassin de Caloris, creusé par un violent impact, mesure 1.550 km de diamètre, et il est cerné par des anneaux concentriques atteignant 3.000 mètres d’altitude. Son sol est essentiellement lisse, mais présente des rides concentriques. Il a été produit par des coulées de lave à la suite de l’impact. Au point antipodal de Caloris se trouve une zone de fractures qui ont été provoquées par les ondes sismiques lors de l’impact de la météorite qui a creusé Caloris. Ces ondes, se propageant depuis l’impact, ont fait le tour de la planète et se sont focalisées dans cette zone qui couvre à peu près 100 km. Des éjecta sont visibles jusqu’à 800 km du centre du bassin.

Les plaines de Mercure sont pour certaines très vieilles, et très cratérisées. Formées au début du système solaire, elles ont subi le bombardement intense des innombrables météorites qui encombraient le ciel. D’autres plaines sont beaucoup moins cratérisées, ce qui indique une formation plus récente : les plus grosses météorites étaient déjà tombées, il en restait beaucoup moins et de moins grosses. Aussi, la cratérisation est beaucoup moins intense. Les comptages de cratères constituent d’ailleurs la méthode essentielle de datation des terrains sur les planètes où des sondes ne se sont pas encore posées, pour analyser des échantillons de terrains.

Volcanisme - On voit aussi sur le sol de Mercure de nombreuses coulées de lave, qui ont dû se produire à la suite des impacts de météorites. Depuis le survol par Messenger, on a la preuve qu’il existe de vrais volcans sur Mercure. Mais on ne sait pas encore s’ils ont été produits sous le choc des impacts ou non.

Falaises et failles - D’autres éléments de la géologie mercurienne sont très importants, et caractéristiques de cette planète : de nombreuses falaises et failles qui se sont formées sous la poussée des terrains avoisinants. Les failles recouvrent de nombreux cratères, ce qui montre qu’elles sont plus jeunes. L’explication de ces failles tient dans un rétrécissement de la planète, qui a dû perdre 1 à 2 kilomètres de diamètre au cours de son refroidissement, et après la formation du noyau. La matière qui la composait, à l’état liquide ou pâteux, était dilatée par la chaleur. Au cours du refroidissement, cette matière s’est donc contractée, et la planète était alors trop grosse. La croûte a dû se refroidir la première, étant en contact avec l’espace froid. Elle était soutenue par un noyau encore chaud, donc dilaté. Lorsque ce noyau s’est à son tour contracté, la croûte s’est trouvée trop grande, mal soutenue de l’intérieur.Il s’est produit alors des effondrements en certains endroits, et ailleurs des compressions (si le diamètre de la sphère diminue, sa circonférence diminue aussi, donc les terrains se trouvent comprimés). Tout ceci a produit les falaises qu’on observe de nos jours, hautes de plusieurs milliers de mètres et longues de centaines de kilomètres, et de manière générale des rides sur le terrain.

On peut rapprocher Mercure d’un des satellites de Jupiter qui a subi un processus exactement inverse : en refroidissant, il s’est dilaté, ce qui a produit des accidents de terrain de même nature.

Glace - En 1991, on a découvert que Mercure pourrait avoir de la glace aux pôles. Des études ont été faites par radar depuis la Terre : un instrument impressionant a été réalisé en couplant le radiotélescope de Goldstone, avec son antenne de 70 m de diamètre, avec deux autres instruments, celui de Green Bank et celui d’Arecibo. L’antenne de Goldstone a été utilisée en émission, avec une forte puissance, afin que l’es ondes atteignent la planète (100 millions de km au moins), s’y réfléchissent, et reviennent sur Terre avec une puissance suffisante pour être analysables.

Une surface d’une centaine de kilomètres de diamètre serait recouverte au pôle nord, un peu moins au pôle sud. Les échos radar renvoyés par la planète montrent une intensité explicable par leur réflexion sur de la glace.


Photo radar de Mercure

Vu les conditions qui règnent à la surface de Mercure, la présence de glace n’était absolument pas envisagée ! Il faut donc trouver une explication.

La photo a été obtenue par radar en combinant le radiotélescope d’Arecibo (300 m de diamètre) pour envoyer un faisceau radar puissant vers Mercure (plus de 100 millions de km), et le VLA qui a capté l’écho. L’image n’est pas de très bonne qualité, mais elle montre tout de même clairement un écho particulièrement puissant au pôle nord, et un autre un peu moins brillant proche du pôle sud. Ces échos peuvent avoir plusieurs explications possibles, mais la plus probable, en considérant la localistation et la réflectivité, est donnée par une surface de glace.

L’axe de rotation de la planète est presque parfaitement perpendiculaire à son plan orbital (2°). Il s’ensuit qu’aux pôles, le Soleil est perpétuellement à l’horizon, et la température moyenne y est de -135 ℃. Il suffit alors qu’il y ait un cratère, dont le fond est un peu plus bas, et protégé par le rempart, pour que le Soleil n’y atteigne jamais le sol. Alors, les très basses températures y sont constantes, et la glace peut y subsister, tout au moins ne pas y être rapidement détruite par le Soleil. Mais il y a un autre problème, lié à l’absence d’atmosphère. Exposée au vide de l’espace, la glace devrait se sublimer, même à très basse température. Les expériences de laboratoire montrent que 2 mètres de glace se subliment tous les 1.000 ans à -135 ℃. Autrement dit, il ne devrait plus en rester depuis longtemps. Mais à -160 ℃, la vitesse de sublimation est considérablement plus basse : 1 mètre seulement se sublime en un milliard d’années. Il est possible que la température soit assez basse au fond des cratères pour stabiliser la glace. Il est aussi possible qu’une source d’eau soit disponible dans la planète : une très lente remontée d’eau pourrait alors renouveler la glace qui se sublime. ℃

Composition chimique - D’après sa forte densité, nous avons déjà envisagé que Mercure contienne un gros noyau de Fe-Ni. Mais un autre argument est important : les éléments légers qui étaient présents dans le nuage primitif avant la formation des planètes n’ont pu subsister si près du Soleil. Ils ont été chassés plus loin, dans une zone moins chaude. Mercure doit donc en contenir moins que les autres planètes telluriques, ce qui contribue à augmenter sa masse-volumique. La croûte doit être constituée essentiellement de silicates.

Champ magnétique - La sonde Mariner 10, la seule à s’être approchée de Mercure avant 2011, a noté la présence d’un faible champ magnétique autour de la planète, dont l’intensité est de l’ordre de 1/100e de celui de la Terre, et qui est incliné de 11° par rapport à l’axe de rotation. Ce champ magnétique, bien que très faible, est suffisant pour piéger des particules du vent solaire (10 fois plus dense près de Mercure qu’au voisinage de la Terre) générant ainsi une magnétosphère. Il est très dépendant de l’activité solaire en raison de la proximité de ces deux astres et varie sans cesse selon l’activité solaire et suivant la position de la planète sur son orbite (périhélie, aphélie).

Ce champ peut avoir deux explications différentes :

Le noyau est liquide - Pour justifier un noyau liquide, la petite taille de Mercure ne permet pas d’invoquer la désintégration nucléaire pour maintenir une température centrale élevée, comme dans le cas de la Terre. Mercure n’avait pas assez d’éléments radioactifs à longue période pour cela. Mais de récentes observations faites par radar (Goldstone, Green Bank et Arecibo ; Goldstone émettant un signal puissant vers Mercure, l’écho reçu par les trois instruments) ont mesuré la vitesse de rotation de Mercure avec une très grande précision (un cent millième). On a ainsi mis en évidence de petites variations, qui ne peuvent s’expliquer que par l’existence d’un noyau liquide (par analogie, pensez à faire tourner sur la table un œuf dur et un œuf cru). La question est maintenant : comment un tel noyau peut-il exister ?

S’il était constitué de fer-nickel, comme on pouvait le penser, il serait solidifié à l’heure qu’il est… Cependant, par analogie, considérons la fabrication du verre. Le verre est fait essentiellement de silice (sable) qui fond à 1.700 ℃. Faire fondre de la silice pure est un exploit ! (les astronomes le font, tout au moins les verriers qui travaillent pour l’astronomie). Mais il y a une solution simple, qui a été trouvée empiriquement par les verriers de l’antiquité : on mélange le sable avec du natron (carbonate de calcium), et le miracle s’opère. Le mélange fond à 1.000 ℃, ce qui est une température bien plus facile à atteindre et à maintenir. L’élément ajouté s’appelle un fondant. Si on considère le fer, sa température de fusion est de 1.800 ℃. Mais si on ajoute certains ingrédients, elle baisse. On peut imaginer par exemple que le noyau de Mercure contienne une petite proportion de soufre. Ceci suffirait à abaisser le point de fusion du mélange suffisamment pour que le noyau de la petite planète soit encore liquide aujourd’hui.

Le problème du champ magnétique et de la vitesse de rotation variable serait ainsi résolu.

Géologie

Vue générale

Cette photo est une mosaïque prise par la sonde américaine Mariner 10 d’une distance de 75.000 km. Lancée en 1974, la sonde est passée à proximité de Vénus, dont elle a pris quelques photos, puis a survolé Mercure 3 fois, en mars et septembre 1974 et en mars 1975.

Sous son aspect général, la planète ressemble fort à la Lune. Toutes deux de petite taille, elles n’ont pas pu retenir d’atmosphère, ce qui se voit sur le cliché : remarquez le bord parfaitement net.

Il s’en est suivi une absence presque totale d’érosion, et donc la préservation des cratères formés il y a très longtemps, juste après la formation du système solaire.

La surface est régulièrement cratérisée, et les cratères sont de toutes tailles. Comme sur la Lune, on voit d’assez nombreux pitons centraux. On distingue aussi des traces d’éjectas plus clairs autour de certains cratères, notamment autour du cratère Kuiper vers le centre de l’image.

Photo Mariner 10, NASA


Bassin Caloris crédits : NASA, Johns Hopkins Univ. APL, Arizona State U., CIW

En déplaçant la souris sur la photo, vous verrez les noms des principaux cratères (actuellement nommés).

La photo du bassin de Caloris est en fausses couleurs : la sonde possède des caméras qui photographient à travers 11 filtres différents. L’étude des différences entre les photos réalisées à travers ces filtres permet de déterminer des propriétés du sol. Elle montre en particulier des différences de composition minéralogique. Le sol de Caloris est ici coloré en orange, alors que le reste de la planète est bleuté.

Le sol du bassin se nomme Caloris Planitia

On remarque près du centre, le cratère Appolodorus, entouré par les failles radiales de Pantheon Fossae. Les noms rappellent le Panthéon construit par l’architecte appolodorus, l’apect étant semblable. Le fond du cratère est clair, formé par des éjectas provenant du sous-sol. Le cratère n’est pas au centre des failles, mais déporté de 40 km. D’autre part, on voit des éjectas qui comblent partiellement les failles, donnant à penser que le cratère est plus récent. De plus, les failles sont produites par une extension de la croûte, probablement par une poussée volcanique souterraine (comme Tharsis sur Mars).

La découverte, peut-être la plus importante, qui a été faite dans cette région est la présence d’un volcan. Il apparaît en orange vif sur la gauche du bassin, sur le bord.

Remarquez aussi le cratère Cunningham, qui présente des rayons de couleur claire.

Plus à gauche, le cratère Kertesz montre un fond bleu, alors que les terrains environnants sont orange.

Enfin, en haut du bassin, on voit le cratère Sander qui montre un fond encore plus lumineux.

Caloris

Cette photo montre la moitié du bassin Caloris, qui se trouve sur la gauche de l’image. Ce bassin a été formé par l’impact d’un objet de grandes dimensions. Il a produit un série d’anneaux concentriques dont on voit une partie sur l’image.

L’intérieur du bassin, moins cratérisé que les régions l’entourant, est un peu plus jeune. De la lave s’est épanchée lors de l’impact, puis s’est figée en formant une surface plane. Par la suite, d’autres impacts moins importants ont formé par dessus de nouveaux cratères.

Les anneaux concentriques ont dû se former dans un matériau visqueux, dans lequel se sont propagées des ondes. Ces ondes, partant du point d’impact, se sont propagées en s’en éloignant, ont franchi l’équateur de la planète, puis ont convergé au point exactement opposé. En ce point, on observe les traces de l’onde de choc produite.

NASA, Atlas of Mercury, 1978

Cratère Apollodorus, et Pantheon Fossae

Ce beau cratère est situé au centre de Caloris Basin. Il n’avait pas été photographié par Mariner 10. Surnommé provisoirement l’araignée, en raison de son apparence, il présente des caractères jusque là inconnus sur Mercure. Les grabens (failles) qui irradient depuis le cratère ont donné le nom définitif : le Panthéon, à Rome, présente un dôme classique, avec une ouverture circulaire au centre, d’où partent des nervures délimitant un plafond en caisson. Le cratère et ses grabens évoquent cette structure. Apollodorus était l’architecte du Panthéon.

Apollodorus mesure 41 km de diamètre. La question est de savoir si l’impact a joué un rôle dans la formation des grabens, ou si le cratère résulte d’un impact indépendant.

Le grand cratère vu partiellement en bas à droite de l’image est Atget. On doit noter la coloration très sombre de son plancher, qui contraste fortement avec le matériau du fond d’autres cratères non loin, toujours dans Caloris.

 

Photo Messenger, survol du 14/01/08, NASA

Cette photo montre le premier volcan photographié sur Mercure. Elle a été prise par Messenger le 14 janvier 2008, d’une altitude de 10.500 km, au cours du premier survol de Mercure. Les dépressions irrégulières visibles sont des cheminées volcaniques. On distingue également le flot de laves, qui se sont répandues autour du volcan, sans aller trop loin. Le cratère d’impact situé juste à gauche du volcan est partiellement rempli de laves. Le volcan se situe au bord interne du bassin de Caloris.

L’aire montrée sur cette photo mesure 460 par 640 km, elle est vue d’une distance de 78.000 km. La résolution est de 1,7 km par pixel.

En haut et à gauche on voit l’escarpement Discovery qui s’étend sur plusieurs centaines de km et atteint 3 km de hauteur. Ces escarpements sont expliqués dans le texte plus haut.

A droite de l’escarpement, on voit un grand cratère de 120 km de diamètre, dans lequel se trouve un cratère de 40 km, dont le rempart a été encore modifié par un troisième impact plus récent.

En bas à droite, un grand bassin de 240 km de diamètre a été recouvert par de nombreux impacts ultérieurs. Son rempart a été dégradé par les chutes de petites météorites.

En bas à gauche, juste dans le coin, on distingue une chaîne de petits cratères, produits par des chutes secondaires lors d’un gros impact en dehors de l’image.

NASA/JPL/Northwestern University

Cette photo montre bien les âges des différents cratères, depuis le vieux bassin érodé (par les impacts ultérieurs), jusqu’aux trois petits cratères intérieurs manifestement jeunes (car non érodés).

On notera de plus un escarpement à l’intérieur du cratère d’en haut, d’une dizaine de km de largeur. Cet escarpement est limité en bas par le rempart du cratère. Ceci montre qu’il est postérieur à la formation du cratère, et qu’il provient probablement d’un écroulement.

NASA/JPL/Northwestern University

A gauche, un grand bassin dont les bords sont très dégradés, mais dont le fond est bien plat. Il a probablement été rempli par une coulée de lave.

Les petits cratères sont rares sur ce terrain, ce qui atteste de sa jeunesse.

Remarquez les vallées qui coupent certaines parties de l’image.

NASA/JPL/Northwestern University

Résultats depuis la satellisation

La sonde Messenger est maintenant en orbite autour de Mercure, depuis le 18 mars 2011, et les données se sont accumulés. Il faut du temps pour les dépouiller, les traiter et les comprendre. Les premiers résultats ont été publiés, et une collection de 7 articles est parue dans la revue Science le 21 octobre 2011. Ils ne modifient pas de façon critique les résultats exposés plus haut, mais ils affinent bien des points, contraignant bien davantage les modèles, et donc éliminant certaines hypothèses. En particulier, nous avons maintenant une vision un peu renouvelée de la formation de la planète, et de sa constitution par rapport aux trois autres planètes telluriques.

La première constatation a été relative au grand bassin d’impact Caloris. Lors des survols de Mariner, il n’était visible qu’en partie, et son diamètre a été évalué à 1.300 km. Messenger a montré qu’il était en réalité bien plus grand : 1.550 km de diamètre, comme indiqué plus haut.

Les instruments

Pour présenter ces résultats, il est nécessaire de connaître un peu les instruments qui sont à bord, et qui nous distillent leurs obervations. Ceci permet de comprendre les possibilités et les limites de la sonde. Les principaux instruments sont :

Le simple examen de cette liste montre que les spectromètres se taillent la part du lion. La raison est simple. Ils permettent d’analyser à distance le spectre de la surface, avec ses propriétés d’absorption, et de le comparer à des spectres connus. Comme on détermine la composition des étoiles par spectroscopie, on peut mesurer la composition élémentaire du sol de la planète. La composition élémentaire est le pourcentage de chaque élément chimique qui entre dans la composition du sol. Ce sont les abondances des divers éléments. A partir de là, on essaye de reconstituer la composition minéralogique du sol, c’est-à-dire la façon dont ces éléments peuvent être associés en molécules pour produire des minéraux. Il y a en général plusieurs solutions, ce qui introduit des ambiguïtés : plusieurs modèles différents peuvent s’accorder aux même données. Il ne faudra donc pas attendre des résultats définitifs de ces observations, mais un nombre de modèles d’autant plus petit que les données sont plus complètes.

Les mesures sont souvent relatives. On détermine l’abondance de deux éléments l’un par rapport à l’autre. Le silicium est le constituant du sable de nos plages, du quartz des granites, plus généralement des silicates. C’est un élément très abondant, aussi l’utiliste-t-on souvent comme étalon, en rapportant les abondances des autres éléments à la sienne. On peut ainsi donner le rapport Ca/Si, ou Al/Si. Ces mesures sont plus précises que des mesures absolues.

Le magnétomètre est destiné à revoir les résultats de Mariner 10. Le champ magnétique est important à deux titres : d’abord parce qu’il interagit avec le vent solaire (particules chargées), ensuite parce que sa présence doit s’expliquer. La seule explication valable actuellement est l’effet dynamo produit par un noyau liquide en rotation. Mais les théories antérieures ne le prévoyaient pas, parce que Mercure semblait refroidie depuis longtemps.

L’altimètre et les caméras permettent de cartographier la planète en 3D, et donc de produire une carte topographique. Les photos montrent également de précieux détails géologiques de la surface, permettant de caractériser les formations et l’évolution de la planète.

Volcanisme

Le volcanisme a été mis en évidence lors des survols de Mercure par Messenger. Mais depuis la mise en orbite, on a pu constater l’extension globale de ce phénomène.

La zone polaire nord montre un grand bassin d’impact nommé Goethe, et des plaines lisses couvrant 6 % de la surface de la planète. Ces plaines sont d’origine volcanique, produites par des épanchements de lave fluide. Les comptages de cratères montrent que leur âge est de l’ordre de 3,8 milliards d’années, indiquant qu’elles se sont formées juste après la fin du Bombardement Tardif. Toutes ces plaines sont de même nature, et leur couleur est différente de celle des terrains contigus beaucoup plus cratérisés. On y voit des cratères fantômes, presque totalement remplis par la lave qui les a entourés. Seuls les sommets du rempart affleurent. Certains de ces cratères, de grande taille, permettent d’estimer l’épaisseur de la lave entre 1 et 2 kilomètres.

La question est de savoir comment se sont formées ces plaines. Par un impact, ou par volcanisme ? Leur aspect rappelle celui de certaines mers lunaires, creusées par de violents impacts ayant réveillé un volcanisme par l’apport de chaleur. Cette possibilité n’est donc pas exclue. Mais par ailleurs, on recherche des fissures, des cheminées volcaniques ayant pu alimenter les écoulements de lave, ainsi que ces écoulements eux-même. Bien que les caméras soient à même de les repérer, aucun n’a été observé dans les plaines du nord.

Les plaines ont été recouvertes par des laves fluides, chaudes, jaillissant en abondance. Ces laves ressemblent aux basaltes et aux komatiites terrestres. Il fallait de grands volumes disponibles en un temps géologiquement bref pour couvrir de telles surfaces. Des édifices volcaniques ont été trouvés autour des plaines : des creux de 5 à 10 km de diamètre sans rempart, ne ressemblant pas à des cratères d’impact (par exemple celui-ci, vu plus haut). Ce sont probablement des effondrements, produits par l’affaissement d’une chambre magmatique proche de la surface, au cours de son refroidissement. C’est le mécanisme par lequel se forment les caldeiras. Mais avant de s’effondrer, ces fissures ont sans doute été la source des flots de lave.

On observe aussi des collines de forme allongée, comme une larme. Ces formes sont visibles également sur Mars, mais c’est un écoulement d’eau qui les y a produites. Sur Mercure, ce sont des laves fluides qui ont sculpté les reliefs antérieurs.

Enfin, les plaines s’arrêtent par des bourrelets lobés laissés, lorsque les laves, déjà refroidies, n’avaient plus la fluidité suffisante pour couler.

Source : Flood volcanism in the northern high latitude of Mercury revealed by MESSENGER. J. W. Head & al. Science vol. 333 september 2011

Composition du sol

Le spectromètre X détecte la fluorescence X du sol, induite par le rayonnement X du Soleil. L’influence de ces rayons se fait sentir sur quelques micromètres de la surface, c’est donc une analyse extrêmement superficielle qui est obtenue. Le rayonnement X du Soleil est très variable, et son intensité affecte les résultats. Pour standardiser les différentes mesures, il faut connaître l’intensité du rayonnement qui les a produites. Pour cela, un détecteur a été placé sur la sonde, en direction du Soleil, qui mesure l’intensité du rayonnement excitateur. La comparaison des mesures à l’intensité de l’excitation qui les a produites permet de normaliser les données en provenance du sol.

Mais la fluorescence est faible, et ne permet de mesurer que quelques éléments chimiques en période d’activité normale du Soleil. Aussi, les données les plus importantes sont-elles collectées pendant les éruptions solaires, lorsque le rayonnement excitateur est à son maximum.

Enfin, la surface concernée par chaque mesure varie en fonction de l’altitude de la sonde, qui va de 50 à plus de 3.000 km.

La nature du sol est globalement semblable à celle de la Terre ou de la Lune. Mais la sonde a observé des différences très significatives, sur les abondances de certains éléments.

Magnésium, aluminium, calcium -   L’abondance du magnésium est plus élevée que sur la Terre et sur la Lune ; par contre, les abondances d’aluminium et de calcium sont plus faibles. Ces différences indiquent une plus faible proportion de feldspath plagioclase sur Mercure. C’est donc une première indication minéralogique : les terres hautes de la Lune en sont riches, parce que ces minéraux légers ont flotté sur un océan de magma. Ce scénario devrait donc être éliminé pour Mercure.

Soufre -   L’abondance de soufre est plus élevée que ce que l’on croyait (4 % en poids). Elle est 10 fois supérieure à celle des roches superficielles terrestres. Le soufre est un élément volatil, qui est éliminé par une température élevée. De sa grande abondance, on déduit facilement que Mercure n’a pas pu être fortement chauffée lors de sa formation. Les modèles qui prévoyaient un tel chauffage sont donc éliminés. Sont éliminés aussi les modèles qui envisageaient que ce soit la poussière qui plus tard donnerait naissance à Mercure, qui aurait été chauffée par un jeune Soleil particulièrement violent. Mais une telle ambiance n’aurait pas permi aux poussières de se condenser.

Potassium -   Le potassium est un élément assez volatil également. Les mesures ont été faites par rapport au thorium, qui au contraire est un réfrataire. Elles donnent ainsi une mesure représentative de l’abondance des volatils relativement aux réfractaires. Ce ratio est semblable à celui des autres planètes telluriques.

Fer, titane -   A l’inverse, les roches de Mercure sont déficitaires en fer (4 % en poids), et en titane (0,8 % en poids).

Les abondances de magnésium (forte), aluminium et calcium (faibles), pourraient indiquer soit que la surface de Mercure a été évaporée par le Soleil après sa formation, soit qu’un impact géant l’ait éjectée. Mais le soufre aurait été affecté pareillement, et donc ceci est exclu par l’abondance du soufre. Les hypothèses de formation de Mercure à chaud, évoquées plus haut, sont également démenties par l’abondance du soufre, élément volatil.

Dans des conditions réductrices, le soufre s’incorpore aux silicates et se stabilise ainsi, alors que des conditions oxydantes le rendent encore plus volatil sous forme d’oxyde. Tout ceci indique que Mercure a dû se former à partir de matériaux assez riches en éléments volatils, et dans des conditions réductrices. Finalement, les chondrites à enstatite sont les matériaux connus les plus proches. Elles ne sont toutefois pas assez riches en fer pour expliquer la forte densité de Mercure. Mais connait-on parfaitement les planétésimaux qui ont formé les planètes telluriques ? Les météorites qui tombent sur Terre au hasard des perturbations gravitationnelles sont nos sources. Elles ne sont peut-être pas totalement représentatives, et des chondrites à enstatite plus riches en fer pourraient exister. On peut aussi envisager un apport de poussières de type cométaires, qui sont elles aussi réductrices.

Ces résultats accroissent notre connaissance de la planète, mais il reste bien des incertitudes. L’une d’elle est produite par un résultat du spectromètre à neutron, qui montre une absorption en neutrons semblable à celle des mers lunaires, où elle est produite par le fer et le titane. Mais la présence de samarium et/ou de gadolinium sur Mercure pourrait tout aussi bien expliquer cette absorption. Ce sont des données que la sonde actuelle ne permet pas de récolter. Il reste du travail pour les successeurs !

Source : The major-element composition of Mercury’s surface from MESSENGER X-ray spectrometry. L. R. Nittler & al. Science vol. 333 september 2011

Eléments radioactifs sur Mercure

Le spectromètre à rayons gamma permet de mesurer les abondances du potassium K, du thorium Th, et de l’uranium U (ce sont les éléments qui permettent l’étude qui suit). Comme pour la spectrométrie X, il faut une source excitatrice, et il y en a deux ici. La première est la radioactivité naturelle des roches de Mercure, qui produit les rayons gammas observés lors des désintégrations. La seconde est fournie par le rayonnement cosmique de haute énergie en provenance de la Galaxie. Les caractéristiques de l’orbite, associées à une proximité du sol nécessaire pour avoir un signal exploitable, limitent les mesures aux latitudes au nord du 20e parallèle sud, mais les terrains couverts sont de natures diverses.

Les concentrations mesurées sont : 1.150 ± 220 ppm de potassium, 220 ± 60 ppm de thorium, et 90 ± 20 ppm d’uranium. Le rapport K / Th (volatil / réfractaire) mesuré est semblable à celui des autres planètes telluriques. Ce résultat rejoint les conclusions obtenue sur l’abondance du soufre.

En mesures absolues, les quantités de K et Th ressemblent davantage à celles des météorites martiennes, qu’à la surface de Mars elle-même, qui en contient 4 fois plus. Cette différence provient de l’origine mantellique des météorites martiennes, la surface résultant en partie de processus volcaniques. Ces abondances différentes montrent donc que Mercure et Mars n’ont pas subi la même évolution.

Si Mercure s’était formée à haute température, le rapport K / Th serait beaucoup plus faible, le potassium s’étant évaporé. De façon analogue, l’uranium serait parti, car il se serait combiné à l’oxygène pour former l’oxyde UO3, qui est gazeux, et donc très volatil.

Les mesures relatives du potassium (volatil) par rapport aux autres (réfractaires) indique donc l’abondance des volatils. Ces résultats renforcent ceux déduits de la spectrométrie X, en particulier la formation de la planète à une température modérée. Ils justifient également le chauffage interne de la planète par radioactivité, pemettant un volcanisme intense jusqu’à la fin du bombardement tardif (3,8 Ga), suivi d’une activité sporadique.

Le modèle qui répond le mieux aux données des spectromètres X et gamma considère une formation de Mercure à partir de chondrites carbonées, du sous-type CB (le plus riche en métaux).

Intérieur

Ces données imposent également des contraintes sur la composition intérieure de Mercure. En effet, ces éléments radioactifs sont ceux qui chauffent l’intérieur de la planète en se désintégrant, chaleur à même de fondre le manteau si elle est suffisante. Or trois caractéristiques de la planète s’expliquent par un passé chaud de l’intérieur :

Les mesures du spectromètre gamma indiquent, il y a 4 milliards d’années, une production d’énergie thermique radioactive 4 fois plus forte qu’aujourd’hui. Cette date correspond à peu près à la fin du Bombardement Tardif. C’est l’époque où se sont formées les grandes plaines lisses, par inondation de laves fluides. Et à partir de là, le volcanisme global s’est arrêté, laissant la place à des épisodes éruptifs localisés. Bien que tout ceci soit cohérent, il reste des difficultés car on ignore en quelle mesure les proportions internes de K, Th et U sont semblables aux proportions mesurées à la surface.

Source : Radioactive elements on Mercury’s surface from MESSENGER : implications for the planet’s formation and evolution. P.N. Peplowski & al., Science vol. 333 september 2011

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