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Mis à jour
le 18/08/17
 Exoplanètes
 

Il y a très longtemps que l’on envisage l’existence de planètes tournant autour d’autres étoiles. Mais il y a loin de l’imagination à la découverte. Les romans de science-fiction ont tout d’abord envisagé la vie sur les autres planètes du système solaire, avant de transporter leurs exploits dans d’autres systèmes, ignorant la difficulté du voyage. Mais tout ceci n’avait pas de fondements.

Les astronomes ont tenté, par tous les moyens à leur disposition, de détecter des planètes lointaines. Mais la difficulté est bien trop grande pour pouvoir les observer directement. Il fallait ruser, apprendre à contourner des problèmes que les moyens techniques ne permettaient pas de résoudre. Pour comprendre l’ampleur de la tache, il faut se rendre compte de la différence d’éclat entre une étoile et une planète : Vénus est très brillante, pas trop loin du Soleil, et nous présente une magnitude de -4,4 lorsqu’elle est la plus brillante ; le Soleil a une magnitude apparente de -26,8. La différence de magnitude de plus de 22, indique que le Soleil est plus d’un milliard de fois plus brillant que Vénus.

Si nous nous trouvions sur une planète autour d’une étoile lointaine, la proximitié de Vénus au Soleil et cette énorme différence d’éclat nous rendraient la planète totalement invisible, noyée dans l’éclat de l’étoile. Bien sûr, il en est ainsi lorsque nous tournons nos regards vers une autre étoile, dans l’espoir de voir une planète semblable à Vénus en orbite autour d’elle.

Comment détecter l’invisible ? Il faut évidemment trouver un moyen indirect. Il y en a plusieurs, mais deux d’entre eux sont réellement utilisables, et ont abouti à des succès.

 

Méthodes de détection

Ces méthodes sont indirectes en ce sens qu’elles mettent en évidence une modification d’aspect de l’étoile, produite par la planète, et non la planète elle-même. Une caractéristique essentielle de ces méthodes est l’aspect périodique des variations, qui attestent leur origine.

Vitesses radiales

La première méthode concerne la perturbation gravitationnelle que la planète fait subir à son étoile. Il est faux de dire que la Terre tourne autour du Soleil. En fait, Terre et Soleil tournent tous deux autour de leur centre de gravité commun. Il se trouve que dans ce cas, le centre de gravité est très proche du centre du Soleil, et le déplacemenet de celui-ci est négligeable. Il l’est un peu moins si on considère Jupiter à la place de la Terre.

Pour utiliser une analogie, imaginez que vous soyez dans une petite barque, auprès d’un supertanker. En poussant avec une rame la coque de ce dernier, votre barque va s’en éloigner, le pétrolier ne bougeant pas. Si vous faites la même opération en poussant une autre barque, vous verrez que les deux frêles embarcations s’éloigneront l’une de l’autre de la même quantité. C’est la masse (par l’inertie) qui détermine le mouvement : l’objet le plus massif se déplace moins que l’autre.

Lorsqu’une planète est en orbite autour d’une étoile, les deux bougent, mais la moins massive plus que l’autre. Si l’écart de masse entre la planète et l’étoile est de 1.000 fois, la planète bougera 1.000 fois plus que l’étoile. Or nous disposons d’un moyen très fin de détecter les mouvements d’une étoile. Si on prend un spectre de sa lumière, on y voit des raies d’absorption. Si l’étoile se rapproche de nous, ces raies seront décalées vers le bleu par effet Doppler. Si elle s’éloigne, le décalage se fera vers le rouge. Il suffit donc de disposer d’un spectrographe assez sensible pour détecter le déplacement qu’une planète impose à son étoile.

Mais ce genre de détecteur est difficile à construire, et le premier qui a été réalisé est ELODIE, installé à l’Observatoire de Haute Provence. ELODIE est sensible à des mouvement de l’ordre de 10 m/s, l’ordre de grandeur des perturbations qu’une planète comme Jupiter peut faire subir à une étoile comme le Soleil, à condition de n’en être pas trop éloignée.

Et c’est ainsi que la première exoplanète a été découverte à l’Observatoire de Haute Provence, par une équipe de deux astronomes Suisses, Michel Mayor et Didier Queloz, en collaboration étroite avec Jean-Pierre Sivan alors directeur de l’Observatoire de Haute Provence. En orbite autour de l’étoile 51 Pegasi, elle est nommée 51 Pegasi B.

51 Pegasi se trouve à 48 AL de nous, c’est une étoile du même type que notre Soleil, très légèrement plus massive, et âgée de 7,5 milliards d’années. La planète trouvée est une géante gazeuse, mais située à seulement 0,05 UA de l’étoile, dont elle fait le tour en 4,23 jours. Cette grande proximité (Mercure est à 0,4 UA du Soleil, huit fois plus loin), lui confère une température de l’ordre de 1.000 K. Personne ne s’attendait à trouver une planète semblable à Jupiter, plus proche que Mercure… La découverte ultérieure d’autres planètes du même genre a obligé à créer un nom pour cette classe d’objets : les Jupiter chauds.

L’existence de ces planètes pose un grave problème aux spécialistes de la formation du système solaire, car elle remet en cause les principes sur lesquels la théorie était basée.

Cette méthode favorise la détection des planètes qui perturbent gravitationnellement leur étoile ; donc celles qui sont à la fois massives et proches. Ceci explique que l’on ait découvert beaucoup de Jupiter chauds : il s’agit d’un biais observationnel.

Passages

Une autre méthode envisageable consiste à analyser la quantité de lumière reçue d’une étoile. Si une planète, tournant autour de cette étoile, vient à lui passer devant, elle interceptera une partie de sa lumière en faisant une petite tache mobile à sa surface. La lumière de l’étoile diminuera pour nous légèrement pendant la durée du passage. Ce phénomène se nomme passage de la planète devant l’étoile (et non pas transit, qui n’est que la traduction anglaise). On observe depuis longtemps des passages de Mercure et Vénus devant le Soleil.

Cette technique nécessite aussi un instrument très sensible : Jupiter mesure 140.000 km de diamètre, le Soleil 1.400.000 km. Le rapport de rayons entre les deux est de 10. Par conséquent, le rapport de surface est de 100. Si Jupiter passe devant le Soleil pour les habitants d’une planète lointaine, la luminosité du Soleil baissera pour eux de 1%. Ceci est mesurable, et permet d’espérer trouver des planètes autour d’autres étoiles, à la condition que l’orbite soit orientée de façon à permettre les passages : il faut que le plan de l’orbite de la planète passe pratiquement par la Terre.

Cette méthode a permis de trouver quelques planètes extrasolaires. Si on considère la Terre à la place de Jupiter, d’un diamètre de 13.000 km, donc 100 fois plus petit que celui du Soleil, la baisse de luminosité de notre étoile ne sera que de 1/10.000, c’est-à-dire de 0,01 %. Là encore, les grosses planètes sont favorisées…

Pour que cette méthode donne un résultat, il faut que le plan orbital de la planète passe par la Terre, à très peu près. Ce qui fait que peu de systèmes sont favorable à cette observation ; on estime la proportion à 5 % des étoiles possédant une planète. La probabilité de détection est inversement proportionnelle à la distance de la planète à l’étoile, donc cette méthode favorise encore la détection des planètes proches de leur étoile. La masse n’intervient pas, sauf qu’elle est liée au rayon de la planète et donc à la surface qu’elle éclipse.

Microlentille

Une méthode basée sur la déviation des rayons lumineux par une masse, ou effet de lentille gravitationnelle, est aussi envisageable. Si une planète passe entre son étoile et nous, sa masse va courber les rayons lumineux issus de l’étoile, en dévier vers nous des rayons qui ne nous seraient pas parvenus autrement. Aussi, l’effet d’une lentile gravitationnelle est d’augmenter la luminosité de l’astre émetteur (l’étoile), pendant la durée de l’alignement. Bien que faible, cet effet est suffisant dans quelques cas pour obtenir un résultat. 4 planètes ont été découvertes par cette voie.

L’intérêt de la méthode réside dans la possibilité de détecter des planètes de faible masse (celle de la Terre), et à des distances importantes de leur étoile.

 

Passages supérieurs

Une méthode semblable à celle des passages consiste à observer la planète lorsqu’elle passe derrière son étoile. A ce moment-là, comme Vénus, elle est éclairée de face par l’étoile, et nous montre sa face lumineuse. Son éclat est donc maximal. Une technique fine consiste à analyser la lumière de l’étoile lorsque la planète en est loin, puis à analyser la lumière du système lorsque la planète va passer derrière. On retranche le spectre précédent, et on obtient ainsi un spectre de la planète.

Difficile à mettre en œuvre, cette méthode a de l’avenir, et devrait permettre, si ce n’est de découvrir de nouvelles exoplanètes, tout au moins d’analyser celles que l’on connaît par d’autre méthodes.

 

Après la découverte…

… il s’agit d’étudier ce qu’on a trouvé !

Masse des exoplanètes

La masse est le premier critère à considérer. Si la masse est importante, il ne s’agit pas d’une planète. L’objet peut être une autre étoile de faible luminosité (naine rouge par exemple), ou bien une naine brune (trop petite pour fusionner l’hydrogène, mais capable de fusionner le peu de deutérium présent depuis sa formation). Or déterminer la masse est un exercice difficile.

La méthode de détection par les vitesses radiales ne donne pas directement la masse de la planète.

Dans ce schéma, on voit une étoile, et une planète qui lui tourne autour. L’étoile est représentée en deux positions extrêmes : celles qui vues de la Terre, la rapprochent ou l’éloignent le plus. Le point situé entre ces deux positions est le point où devrait se trouver l’étoile si elle n’était pas perturbée. Donc, dans son mouvement, l’étoile oscille entre les deux positions extrêmes représentées en jaune, et se rapproche ou s’éloigne de cette position centrale d’une distance d.

L’orbite étant inclinée sur la ligne de visée d’un angle i, la méthode des vitesses radiales ne nous montre, depuis la Terre, que la projection de ce déplacement sur la ligne de visée, projection dont la longueur est d sin i.

Le déplacement réel est proportionnel à la masse de la planète, donc d ∝ M. (le symbole ∝ se lit "proportionnel à").

Le déplacement apparent d' = d sin i donne d = d' / sin i. Portons cette valeur dans la proportionnalité ci-dessus :

d' / sin i ∝ M d’où d' ∝ M sin i

On mesure d', mais on ne connaît pas i. La mesure de d' nous donne donc la masse apparente, qui est par définition M' = M sin i.

Pour une planète donnée, si l’inclinaison est proche de 0° (orbite de la planète perpendiculaire à la ligne de visée), le sinus est proche de 0. M = M' / sin i peut être très grande !

On pourrait penser que ce problème rend caduque toute observation de planète par cette méthode. Mais la probabilité que l’inclinaison soit presque nulle est presque nulle ! Si donc M' n’est pas trop grande, même divisée par un sinus assez petit, le résultat sera certainement compatible avec une nature planétaire de l’objet. Si on affirme une telle existence, la probabilité d’erreur est vraiment très faible.

A l’heure actuelle, on connait 215 planètes extrasolaires. Il est certain que sur un tel nombre, les fausses détections, s’il y en a, sont très peu nombreuses. Pour quelques planètes, il subsiste un doute : leur masse pourrait en faire des naines brunes, voire des naines rouges.

Distance

Le second paramètre important est la distance de la planète à son étoile. Celle-ci détermine la température, et par là les conditions physiques qui règnent sur la planète.

Les caractéristiques orbitales sont plus faciles à déterminer que la masse. Les différentes méthodes donnent la période : périodicité des perturbations de l’étoile, ou bien des passages de la planète… Le spectre de l’étoile centrale permet, grâce à ses propriétés astrophysiques, de déterminer sa masse avec une bonne précision. La mécanique permet alors de calculer le demi-grand axe de l’orbite. C’est ainsi qu’on a compris que les planètes découvertes étaient bien plus près de leur étoile que ce qu’on avait immaginé avant.

Comment concevoir qu’une planète gazeuse se soit formée si près de la fournaise de son étoile ? L’agitation thermique des atomes à cette distance aurait dû empêcher la condensation. Alors, les théoriciens ont imaginé que ces planètes se soient formées à une distance suffisante pour autoriser leur condensation, puis aient migré vers leur orbite actuelle. Cette théorie de la migration est tout à fait compatible avec la mécanique céleste.

Alors, pourquoi notre système y aurait-il échappé ? La réponse est surprenante : la migration a eu lieu aussi dans le système solaire. Pour affirmer cette théorie, il faudra tout de même des études plus poussées, s’appuyant sur de nouvelles données.

 

Planètes chtoniennes

La température de l’atmosphère, dans les Jupiter chauds, atteint les 1.200°. L’agitation thermique des atomes d’hydrogène, principaux constituants de l’atmosphère, leur confère une vitesse suffisante pour échapper à la planète, toute massive qu’elle soit. Donc, l’atmosphère s’évapore. Si nous observons une telle planète, elle doit être jeune.

Et que devienennt-elles avec le temps ? Elles devraient perdre leur atmosphère, et ne conserver que leur noyau rocheux et métalique. Assez semblable finalement à une planète tellurique. Ce sont ces planètes gazeuses ayant perdu leur atmosphère que l’on appelle planètes chtoniennes. L’adjectif chtonien évoque les divinités infernales.

La planète HD 209458b, pour laquelle le nom Osiris est proposé, est située à 150 AL de nous, et tourne autour de l’étoile en 3,25 jours (son année). Cette planète passe devant son étoile, permettant de prendre des spectres. On y a détecté de l’hydrogène, mais aussi du sodium, de l’oxygène et du carbonne. Mais surtout, il est démontré que l’atmosphère s’évapore rapidement, la planète laissant derrière elle un immense nuage de gaz que la chaleur de l’étoile va disperser dans l’espace. C’est le prototype des planètes chtoniennes.

Planètes-océan

Une planète-océan est un objet théorique, car les moyens d’observation actuels ne permettent pas d’en détecter, si elles existent. Il s’agit de planètes géantes, assez proches de leur étoile pour que l’eau soit liquide à leur surface.

On observe de grandes quantités de glace à la surface de certains corps du système solaire : Europe par exemple est probablement recouvert d’une carapace de glace de 100 km d’épaisseur, surmontant peut-être un océan d’eau salée. Les comètes sont constituées en grande partie de glace d’eau. Il est probable que les planètes géantes, formées dans la même région du système solaire, possèdent aussi beaucoup d’eau.

Ces considérations justifient le modèle théorique de planète-océan, mais il faudra attendre encore quelques temps avant de savoir si ce modèle a une chance de coller à la réalité.

 

Etat actuel

On a détecté aujourd’hui (18 mai 2017) 3.569 exoplanètes par diverses méthodes :

Vous pourrez éventuellement trouver une liste plus à jour sur le site de l’Observatoire de Paris.

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