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Mis à jour
le 18/08/17
 Observatoire de Haute Provence
 

Pourquoi cet observatoire ?

Au début du Xe siècle, la France s’est lancée dans une coopération internationale pour réaliser la Carte du ciel. Il s’agissait de couvrir photographiquement toute la voûte céleste. Cette tâche a mobilisé la plus grande partie des moyens de notre pays, qui était chargé de 24 % du travail ! Alors que de leur côté, les américains avaient encore des moyens pour se lancer dans l’astrophysique, branche nouvelle.

Résultat : ils avaient pris un bon départ alors que la France n’avait rien fait, et surtout n’avait aucun instrument le lui permettant. Les publications françaises ne représentaient plus que 10 % de l’ensemble mondial, et encore concernaient-elles essentiellement l’astronomie de position. Il était temps de s’y mettre, pour rattraper si possible. Mais il fallu compter avec les méandres administratifs, et les décisions qui ne viennent pas…

Nouveaux instruments ne signifie pas forcément nouvel observatoire. Mais depuis la construction des anciens, les villes se sont agrandies, et l’électricité a été installée partout. Les nuisances lumineuses et la pollution de l’atmosphère des villes les ont donc rendus inaptes à abriter des télescopes modernes. Il fallait partir de zéro.

En 1924, le général Ferrier a fondé un comité scientifique comprenant les astronomes Ernest Esclangon (né à Mison, Alpes de Haute Provence), André Couder et André Danjon. Ce comité est chargé d’évaluer la situation, et de proposer une solution.

Pour créer un tel ensemble, il faut de l’argent, et un lieu. Pour l’argent, Raymond Poincaré était partant dans le projet, ainsi que la société Saint Gobain et un couple de mécènes, Mr et Mme Dina.

Le site

Le choix du site a été fait après étude du ciel en divers endroits de France. Il fallait :

Les régions envisagées, où des études ont été faites, sont la Cerdagne, la Corse et les Alpes. Bien entendu, dans ces différentes régions, la perspective des retombées économiques a excité des appétits, et les pressions ont été nombreuses pour orienter le choix. André Danjon a mis au point une méthode d’évaluation de la turbulence, pour faire un choix objectif.

Ce sont les données des observations fournies par Esclangon qui font pencher la balance : la Haute Provence est le meilleur choix. Mais il faut affiner. Barcelonnette, Digne, Castellane, Forcalquier sont encore en compétition. Le climat sec de Forcalquier va l’emporter, associé à une faible pluviosité et un ciel très clair à l’altitude de 600 m. Le site est sous l’emprise du mistral, qui nettoie le ciel, mais s’y trouve très amorti.

Mais pendant les recherches, le mécène envisagé décède. Et les crédits publics ne sont pas votés, ça va de soi. Jean Dufay et André Couderc travaillèrent pendant 10 ans avec un télescope de 80 cm installé chez un astronome amateur de la région. En 1932, le général Ferrier meurt. Mais son successeur, Jacques Cavalier, reprend le projet et crée une commission chargée de définir l’emplacement de l’observatoire. Elle donne son rapport en 1933, et montre que le site de Forcalquier est un peu meilleur que celui du Mont Wilson. La décision est prise, mais les crédits ne sont toujours pas là.

Une nouvelle comission remplace la précédente. Elle a pour but de mettre sur pieds le nouvel observatoire. Emile Picard en est président. Elle doit :

Le choix du terrain n’a pas été facile, car la région choisie était fortement agricole, et on ne pouvait pas trouver un grand terrain tout attenant. On a finalement trouvé un plateau planté de chênes. Cette végétation limite les turbulences atmosphériques, et améliore les qualités du site.

L’installation

Il est décidé que le nouvel observatoire aura un modèle de fonctionnement différent de tous les autres. Les astronomes ne lui seront pas directement rattachés, mais viendront de tous les observatoires de France, pour des séjours d’observation. Ainsi, le personnel permanent de l’observatoire sera peu nombreux, et par suite les frais de fonctionnement peu élevés. Des techniciens seront essentiellement attachés à l’observatoire.

Pour ce qui est du matériel, il a été décidé d’en récupérer dans les anciens observatoires (Paris, Meudon). Mais l’essentiel est le télescope de 1,93 m dont le miroir est déjà commencé : sa taille est limitée par la machine à polir disponible !

En 1936, le Front Populaire crée le CNRS, et Léon Blum crée le service des recherches en astrophysique. Grâce à l’action d’Irène Joliot-Curie et Jean Perrin, les crédits sont enfin débloqués. Le CNRS peut acheter le terrain en 1937.

Le télescope de 1,20 m est enfin installé en 1941, et mis en service en 1943, pendant la guerre. Il était alors le plus grand télescope d’Europe. Charles Fehrenbach est directeur adjoint, mais joue le rôle de directeur en l’absence de celui-ci.

Le télescope de 1,93 m a été installé en 1957 et mis en service en juillet 1958.

En 1969, installation du télescope de 1,52 m ; en 1970, le télescope de Schmidt.

Le télescope de 1,93 m

Ce télescope a été prévu avec trois foyers :

Charles Fehrenbach a étudié, depuis 1940, un projet de grand spectrographe. Il a pu le faire construire et installer au foyer Coudé du 193 en 1959, exactement un an après la première lumière du télescope. Du coup, les autres foyers n’étaient plus disponible… Il ne restait plus qu’à trouver un autre instrument ! C’est en grande partie ce qui a justifié la réalisation du télescope de 1,52 m. Toutefois, les crédits sont difficiles à obtenir, et on envisageait de se contenter de 1 m. Mais Charles Fehrenbach a plaidé qu’un seul foyer Coudé serait suffisant, ce qui simplife suffisament l’instrument pour envisager 1,52 m pour le prix d’un télescope de 1 m à 3 foyers. Il était destiné à la spectrographie stellaire à haute résolution.

La concurence

A partir des années 70, les sites d’Hawaï et de la cordillière des Andes, déserts au climat sec, viennent concurencer si fortement les observatoires européens, que plus aucun télescope n’y sera installé. Par contre, les nouveaux télescopes sont peu nombreux, d’accès difficile, et les astronomes sont bien contents de bénéficier encore de temps d’observation sur les vieux instruments. Malgré cela, le CNRS envisage sérieusement de fermer l’observatoire, dont le coût de fonctionnement ne lui parait plus justifié.

Mais, dans la tradition de l’OHP, un nouveau spectrographe est développé par Philippe Véron. Nommé Elodie, il est 10 fois plus précis que tous ceux qui existaient à l’époque.

La coopération entre l’OHP et l’Université de Genève a permi à Philippe Mayor et Didier Queloz d’avoir du temps d’observation sur cet instrument, et a abouti à la découverte de la première exoplanète 51 Peg B. Difficile pour le CNRS de plaider l’inutilité d’un observatoire qui a fait l’une des découvertes capitales de l’histoire de l’astronomie ! L’observatoire continue ainsi son petit bonhomme de chemin.

Elodie a été remplacé par Sophie, 10 fois plus précis encore.

L’avenir en gestation

Inutile de rêver à l’installation d’un grand instrument à St Michel. L’EELT sera construit sous des cieux plus cléments. Mais les jeunes astronomes ont bien besoin d’instruments pour se former ! Et cette formation, sur un monstre hors de prix, n’aurait guère de sens. Aussi, les télescopes de l’OHP ont encore ce rôle important.

L’utilisation du CCD donne au télescope de 1,93 m les mêmes performance qu’avait le télescope du Mont Palomar (5 m) avec l’utilisation de la plaque photographique. Ceci relativise tout de même l’obsolescence de ce télescope.

Les hypertélescopes

L’histoire n’est pas finie. Le site sert de laboratoire à Antoine Labeyrie pour développer un nouveau concept de télescope. Un hypertélescope est un instrument de très grand diamètre, 10 à 1.000 fois plus grand que les ELT (Extremely Large Telescope). On vise 100 m pour des essais, 1.000 m pour un premier instrument réel, et bien plus encore dans certaines circonstances.

L’hypertélescope ne peut être réalisé avec un miroir monolithique. Déjà, les ELT utilisent des miroirs composites. Mais dans ces derniers, les composantes sont jointives (presque), alors que pour un hypertélescope, on envisage d’éloigner les petits miroirs les uns des autres. On arrive ainsi à un ensemble réfléchissant avec des trous entre eux. Il est possible de construire un miroir de très grand diamètre, réalisé avec de petits miroirs faciles à construire.

Ces miroirs sont nommés miroirs dilués. Antoine Labeyrie a fait des études théoriques, et même des réalisations pratiques. Il a montré qu’il est plus avantageux, pour le pouvoir séparateur, d’utiliser un grand nombre de petits miroirs plutôt qu’un petit nombre de grands miroirs. Son projet se nomme Carlina.

Un prototype est en cours de validation à l’OHP. Les premières franges ont été obtenues en mai 2004, avec seulement 2 miroirs, peu espacés. Une nacelle, placée au foyer primaire et suspendue à un balon captif, portait une camera CCD. Le télescope définitif devrait ressembler au radiotélescope d’Arecibo, mais dans lequel le miroir principal est éclaté en une multitude de petits miroirs séparés par des intervalles vides. Le miroir secondaire, au lieu d’être porté par des cables tendus entre les montagnes, peut être porté par un ballon gonflé à l’hélium.

Le miroir de l’hypertélescope est bien un unique miroir, formé de segments séparés, mais partageant une même surface sphérique. Alors qu’un interféromètre est formé de plusieurs miroirs indépendants, ayant chacun une surface différente, et dans lequel on mélange la lumière.

Par rapport à l’interférométrie, on doit remarquer que le miroir dilué est un seul miroir, alors qu’un interféromètre est formé de plusieurs miroirs, la cohérence étant assurée par des lignes à retard. Ces dernières sont le point délicat, très difficile à stabiliser. D’où l’intérêt de pouvoir s’en passer dans les hypertélescopes.

L’hypertélescope doit comprendre un densifieur de pupille, et un correcteur…

Avantages

L’hypertélescope n’a pas de coupole, et pas plus de monture. La visée se fait par déplacement de la nacelle, de part et d’autre de sa position centrale. Or ces accessoires sont très coûteux dans un télescope classique, jusqu’aux ELT. Et l’économie que l’on fait sur ces postes permet, à coût égal, de construire un instrument bien plus grand. C’est ainsi qu’un hypertélescope de 1.200 m de diamètre est tout à fait concevable.

Inconvénients

Le miroir dilué possède une ouverture (qui détermine le pouvoir séparateur) égale au diamètre de son enveloppe extérieure. Mais la surface collectrice est la somme de celles des miroirs qui le composent. Ce qui signifie que les trous entre le miroirs sont de la surface perdue, et que la collection de lumière est moins bonne qu’avec un miroir complet. Avec ce genre d’instrument, on peut donc gagner énormément sur le pouvoir séparateur, mais pas sur la luminosité.

Exemple : un hypertélescope de 1.000 m de diamètre, formé de 1.000 miroirs de 1,30 m collecterait autant de lumière que l’EELT, en ayant un pouvoir séparateur 25 fois plus important (0,00012" contre 0,003").

Conclusion

L’observatoire de Haute Provence a été le plus grand observatoire de France, et reste aujourd’hui encore un lieu de découvertes. Bien sûr, il doit sélectionner les sujets de recherche pour être dans la compétition. Impossible de rivaliser avec les grands télescopes d’Hawai ou du Chili dans leur domaine. Mais il reste beaucoup de travail productif à faire dans d’autres domaines, où ces grands télescopes ne gaspillent pas leur temps d’observation. Encore une fois, l’intellignence doit guider les projets pour compenser la faiblesse relative de moyens.

Le site, les techniciens, les appareillages disponibles, en font aussi un magnifique laboratoire pour développer de nouvelles technologies. Il est facilement accessible, donc le coût de développement en est diminué. Le projet Carlina est un bon exemple de cette orientation nouvelle.


L’OHP avec ses bâtiments et ses coupoles

Télescopes et Instruments

Télescope de 193cmSOPHIE échelle spectrograph
CARELEC long-slit spectrograph (decommissioned on 27/1/12)
Télescope de 152cmSpectrographe AURELIE
Télescope de 120cmCaméra CCD
Télescope de 80cmCaméra CCD

Les CCD en service à l’OHP
Autres télescopes hebergés
Histoire des instruments

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