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le 02/08/24
 Hypertélescopes
 

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Jusqu’à aujourd’hui

La réalisation d’un miroir de télescope de plus en plus grand a toujours posé de sérieux problèmes. Couler un bloc de verre de grand diamètre, très homogène, sans bulles, a freiné la construction de télescopes de la classe des 4 m. Pour aller au-delà du télescope Bolchoï de 6 m, il a fallu abandonner la rigidité conférée par l’épaisseur, synonyme de poids insupportable. Les miroirs souples ou mosaïques maintenus par ordinateur ont apporté une solution, qui a permis d’atteindre les 10 m. Mais au-delà, on se heurte à un autre problème, qui est celui du transport. Il n’est pas possible de réaliser sur place un miroir monolithique, et pour des diamètres supérieurs, il devient impossible de le transporter. La solution a été de réaliser les miroirs en plusieurs parties, ce sont les miroirs composites ou mosaïques.

Dans un miroir composite, on minimise les interstices entre les fragments, afin de perdre le moins de lumière possible, et de réduire les aigrettes de diffraction. Evidemment, c’est un ordinateur qui gère les miroirs, afin d’assurer à tout instant que leurs surfaces juxtaposées ne forme qu’une seule surface, celle qu’aurait le miroir monolithique équivalent. Mais il est difficile de construire des miroirs des très grande dimension, et d’ailleurs leur coût deviendrait vite prohibitif. Les télescopes dont la construction est envisagée actuellement, les ELT (Extremely Large Telescope), visent une taille allant jusqu’à 40 m. Mais pour un tel instrument (EELT, European ELT), il faut un millier de miroirs. Ceci amène une grande complexité dans le positonnement précis de chacun le long de la sphère théorique.

Une autre voie a été parcourue, d’ailleurs compatible avec la précédente : celle des interféromètres. Un interféromètre est un instrument constitué de plusieurs télescopes distincts, travaillant de concert. Ils pointent le même objet simultanément, et les faisceaux lumineux qui en sortent sont mélangés de manière à produire des interférences. Le traitement des franges par des méthodes mathématiques (synthèse d'ouverture et déconvolution) permet ensuite de reconstituer l’image de l’objet. L’avantage d’un interféromètre est d’obtenir, avec des télescopes de diamètre acceptable (8,20 m pour le VLTI par exemple), un pouvoir séparateur équivalent à celui d’un télescope dont le diamètre serait la distance entre les télescopes. L’inconvénient majeur de cette technique est perte de fidélité de l’image reconstruite, d’autant plus sévère que les télescopes sont moins nombreux.

Un miroir en pointillés…

Le concept d’hypertélescope est de réaliser un interféromètre à éléments nombreux, aussi équipé d’un complément optique dit « densifieur de pupille ». On peut facilement faire une expérience. Prenons le petit miroir qui se trouve sur la paillasse de la salle de bain. Il a une face concave, grossissante. Si on le tourne vers un paysage ensoleillé, on peut en projeter l’image à l’envers sur un écran. Couvrons le miroir avec une feuille de papier noir, dans laquelle on fait des trous. On voit toujours l’image, bien qu’elle soit moins lumineuse. D’où l’idée de découper le miroir en petits morceaux, et de placer les morceaux comme ils l’étaient avant le découpage. C’est-à-dire qu’ils doivent constituer la même surface sphérique globale. On peut être surpris que les trous ne se voient pas dans l’image obtenue, mais c’est ainsi.

Un miroir, constitué de la juxtaposition de fragments laissant entre eux un espace libre, est nommé miroir dilué. On comprend bien qu’il soit plus facile, et surtout bien moins coûteux, de réaliser un miroir dilué qu’un miroir plein. Bien sûr, la luminosité sera moins importante (elle est proportionnelle à la surface collectrice = la somme des surfaces des petits miroirs), mais le pouvoir séparateur sera celui correspondant à l’enveloppe extérieure du miroir, du moins si l’on néglige la dégradation qu’apporte l’agitation atmosphérique. On peut alors imaginer de construire de très grands miroirs dilués, avec un ensemble de miroirs de petite taille, donc faciles à réaliser, et peu coûteux.

Cette solution avait été envisagée depuis longtemps. Mais elle paraissait irréalisable à cause de la diffraction. Regardez le paysage à travers un rideau en mousseline, et vous comprendrez vite : le paysage est noyé dans un halo lumineux produit par cette diffraction. Il y a aussi une règle pour la construction d’un interféromètre, qui dit que la pupille de sortie doit être semblable à la pupille d’entrée. Or Antoine Labeyrie s’est aperçu qu’elle est trop limitative. Il a montré qu’elle doit être de même disposition, mais pas nécessairement semblable. En fait, les pinceaux lumineux arrivant des différentes ouvertures doivent garder leur positionnement relatif, mais leur largeur peut être modifiée. Si on l'augmente, comme le fait le « densifieur de pupille », on augmente la luminosité de l’image, et on diminue celle du halo.

L’inconvénient de la méthode réside dans le rétrécissement du champ exploitable pour l’image directe.

Comment le réaliser ?

On peux envisager de mettre un petit nombre de grands miroirs, ou un grand nombre de petits miroirs, pour obtenir une même surface collectrice, et donc la même énergie lumineuse captée sur la source observée. Quelle est la meilleure solution, en supposant identique le diamètre de la méta-ouverture ? Antoine Labeyrie a fait des calculs, puis des tests, par des simulations informatiques. Et le résultat est bien net : il vaut beaucoup mieux utiliser un grand nombre de petits miroirs. Plus il y en a, meilleure sera la qualité de l’image, son contraste et le diamètre du champ d’imagerie directe. Nous allons maintenant voir comment se forme l’image.

 

La lumière provenant d’une source quasi-ponctuelle, étoile éloignée par exemple, forme une onde sphérique, mais quasi-plane à l’entrée de l’instrument.

L’onde atteint le centre de la lentille en premier, et pénètre dans le verre.

Là, sa vitesse est bien moindre que dans le vide, elle est limitée à 200.000 km/s. Ceci retarde l’onde.

Par contre, sur les bords de la lentille, l’épaisseur de verre à traverser est négligeable, et l’onde n’est donc pas retardée. C’est ce qui amène la courbure de l’onde après la traversée du verre. Et cette courbure provoque la convergence vers un foyer.


L’image est une tache de diffraction

 

La lumière de deux étoiles arrive sur l’objectif sous la forme de deux systèmes d’ondes planes (figurés en deux couleurs).

 

Les deux taches de diffractions sont éloignées en fonction de l’angle de séparation des deux étoiles. Si la séparation est suffisante, on voit effectivement deux taches, sinon elles sont confondues.

 

La focalisation de l’image est obtenue par ralentissement de certaines parties de l’onde, de façon à produire une onde concentrique. Un miroir, par sa forme, obtient le même résultat.



Miroir complet


Miroir dilué régulier


Miroir réduit à 2 fragments

A gauche, on voit ce que serait l’image (en bas) d’une étoile unique, vue dans un télescope géant. Imaginons de remplacer le miroir complet par un ensemble de miroirs plus petits, régulièrement espacés. L’image serait encore reconnaissable, mais bien complexe. On remarque surtout que la lumière est étalée, et forme des taches secondaires. Comment pourrait-on reconnaître un champ d’étoiles, si chacune donne une telle image ?

A droite, on voit l’image que donnerait le miroir, s’il n’en restait plus que deux éléments ! Ce sont les franges d’interférence de Young. Elles contiennent la même information mais bien dissimulée… C’est pourtant ainsi qu’on construit les interféromètres.

Interférence de Fizeau, avec 2, 3, 5 et 9 ouvertures respectivement, régulièrement disposées sur un cercle. images Antoine Labeyrie

Les images que l’on obtient, en fonction du nombre de miroirs utilisés, montrent que le nombre augmente la qualité. Il faut remarquer en effet que la tache centrale, inexistante avec deux ouvertures, est de plus en plus brillante lorsqu’on en ajoute. Ce qui signifie que la lumière est de plus en plus concentrée dans la tache de diffraction, au lieu de s’étaler dans des figures annexes, qui sont au contraire de plus en plus sombres.

La première expérience de ce genre a bien été faite à l’Observatoire de Marseille par Edouard Stéphan, sur le télescope de Foucault. Elle concernait seulement deux ouvertures. Elle ne lui a pas permis de mesurer le diamètre angulaire des étoiles, parce qu’il est trop petit, mais il a réussi à en fixer une borne maximale de 0,158".

Principe de l’hypertélescope

L’hypertélescope, tel qu’il a été défini par Antone Labeyrie, est un interféromètre imageur multi-ouverture à pupille densifiée. Cette définition précise bien tous les éléments qui le constituent.


Schéma d’un hypertélescope, d’après Antoine Labeyrie

On considère un objectif dilué, ici schématisé par une lentille segmentée, qui co-focalise les faisceaux reçus d’une étoile ponctuelle vers le foyer Fizeau. Si les segments de l’objectif sont disposés régulièrement, l’image est celle visible au centre : une tache centrale, avec des pics secondaires. Après le foyer, on place une lentille qui rend le faisceau afocal (rayons parallèles). Ensuite, pour chaque petit faisceau correspondant à un fragment de l’objectif, on utilise une lunette de Galilée à l’envers : son oculaire (tourné vers l’arrivée de lumière donc) est divergeant, alors que l’objectif est convergeant. L’oculaire fait diverger le faisceau, que l’objectif rend à nouveau parallèle (la lunette est réglée en dispositif afocal). Remarquez que maintenant, il ne reste guère d’espace entre les faisceaux. C’est pour cela que ce dispositif est nommé densifieur de pupille. Enfin, une dernière lentille convergeante reforme l’image globale. Son enveloppe diffractive, engendrée par les sous-ouvertures, s’en trouve rétrécie, ce qui atténue les pics secondaires. Leur énergie se retrouve concentrée dans le pic central qui est ainsi fortement intensifié. Si l’étoile possède un compagnon, son image est similaire mais décalée, sauf toutefois si le décalage dépasse l’espacement des pics. Si la pupille est complètement densifiée, cet espacement correspond au « champ d’imagerie directe », dont le diamètre angulaire est λ/s si s est l’espacement minimal des miroirs.

A noter que le densifieur de pupille est, encore, une invention d’Antoine Labeyrie…

Le procédé est moins bon lorsque l’étoile s’écarte de l’axe optique car l’onde densifiée tend à se déformer en escalier (figure ajoutée). La limite du champ d’imagerie directe est atteinte lorsque la hauteur des marches dépasse la limite d’un quart d’onde, dite tolérance de Rayleigh. Au delà, la résolution devient dégradée, par intensification des pics secondaires. Cette limitation du champ utilisable , conséquence de la densification de pupille, rend l’hypertélescope inadapté pour observer des objets étendus. Mais plusieurs canaux de champ, éventuellement nombreux, peuvent être séparés au foyer Fizeau et fournir des images séparées d’objets compacts, par exemple les étoiles d’un amas globulaire, si leur diamètre angulaire est inférieur à celui du λ/d du « Champ d’Imagerie Direct ».

Les interféromètres actuels (dont le VLTI), utilisent des télescopes indépendants, en combinant leur lumière. Mais ces télescopes ne sont pas à la même distance de l’astre observé. Il s’ensuit que leurs miroirs ne constituent pas une même surface sphérique. Alors, pour rétablir la situation d’une onde plane, il faut intercaler dans le trajet des faisceaux lumineux, avant qu’ils n’interfèrent, des lignes à retard optiques, qui permettent à tous les faisceaux d’arriver en même temps. Ces lignes à retard sont complexes et coûteuses avec leur motorisation ultra-précise, qui limite le nombre d’ouvertures envisageables (4 pour le VLTI, 8 avec les AT).


photo A. Labeyrie

Un morceau de papier d’aluminium froissé, puis défroissé permet, placé au soleil, de donner une image semblable à celle d’une constellation. Un autre morceau de papier d’aluminium, placé devant l’objectif d’un APN, laisse passer la lumière par un ensemble de petits trous (sténopés). On remarque que :

Dans cette petite expérience simple, on n’a pas densifié la pupille, ce qui est la cause du halo entourant l’image avec les 600 trous. Mais on voit bien, expérimentalement, que l’image s’améliore si on augmente le nombre de fragments du miroir dilué.

Maintenant, une question se pose : quel doit être le diamètre des miroirs composants, pour obtenir la meilleure qualité possible ? Une autre expérience a amené le résultat : il est bien préférable d’augmenter le nombre de fragments, plutôt que leur diamètre. A surface collectrice égale, le plus grand nombre de miroirs est le mieux :


photo A. Labeyrie

La comparaison porte sur deux miroirs de même surface totale, le premier comportant 6 miroirs, et le second 600. Puisque la surface collectrice totale est la même S, le rayon des composants est R2 = S / 6 π et r2 = S / 600 π. Donc R = 10 r. Par exemple, 6 miroirs de 1 m ou bien 600 miroirs de 10 cm ! Il ne doit pas être plus difficile de fabriquer 600 miroirs de 10 cm, bien que le nombre semble énorme, que 6 d’un mètre…

Au centre, on voit les images données par les deux miroirs dilués, et on constate aisément que celui qui comporte 600 petits miroirs donne une image intelligible, ce qui n’est pas le cas de l’autre. A droite, on voit une partie de l’image agrandie, qui montre bien la différence. La rotation apporte peu, mais nous allons voir son utilité.


photo A. Labeyrie

A droite, on voit l’image, prise sans rotation, et on constate qu’elle est inutilisable. Avec rotation, la différence est impressionante, on voit une image assez claire. Enfin, si on soustrait le fond, on arrive à une photo tout à fait correcte.

La théorie indique que la résolution d’un ensemble de n2 étoiles nécessite un miroir ayant au moins n miroirs composants. Pour séparer correctement 1.000 étoiles, il faut donc au moins 33 miroirs.

Bien sûr, la résolution (pouvoir séparateur) est d’autant meilleure que le diamètre du miroir dilué est plus grand. Et ce miroir doit être constitué d’un grand nombre de composantes.

On a vu aussi que les pics secondaires sont atténués au profit de la tache centrale par la densification de la pupille. Or les pics secondaires sont produits par la dilution. Donc, si on veut vraiment diluer le miroir pour baisser les coûts, il faut densifier la pupille. Le seul inconvénient de cette densification et la diminution du champ. En effet, si l’on grandit l’image donnée par chaque fragment d’un facteur γ, le champ est réduit de ce facteur γ, alors que le pic central est intensifié par le facteur γ2.

Turbulence

Il reste une limitation, due à la turbulence de l’atmosphère. Ses cellules à différentes températures déphasent la lumière provenant d’une étoile. Ainsi, on ne peut pas avoir une interférence constructive comme on l’attendrait.

On a deux solutions pour cela, qui sont maintenant classiques : l’interférométrie des tavelures, et l’optique adaptative. La seconde nécessite un matériel important et coûteux. On pourra dans un premier temps utiliser la première, qui ne nécessite qu’un appareil de photo très rapide, permettant de prendre des photos pendant les instants de stabilité de l’atmosphère. L’interférométrie des tavelures a été développée par Antoine Labeyrie.


tavelures produites par une étoile

Les tavelures sont des images instantanées des étoiles. Par traitement numérique, appliqué à un enregistrement vidéo contenant des milliers d’images instantanées, on peut construire une image dont la résolution atteint celle qui pourrait être obtenue en l’absence d’atmosphère. C’est le principe de la méthode nommée imagerie des tavelures (speckle imaging). L’astronome indien Arun Surya vient de montrer que la méthode est applicable aux hypertélescopes. Mais les méthodes actuelles dites d’optique adaptative promettent de faire mieux encore, en formant sur la caméra une image directe à haute résolution.

Comparaison avec un Schmidt

Un télescope de Schmidt possède un miroir principal sphérique, plus grand que la lame de fermeture. Ainsi, les faisceaux lumineux arrivant d’étoiles éloignées (angulairement) et passant par la lame, arrivent sur des portions différentes du miroir principal. Pour une étoile donnée, seule une partie de la surface réfléchissante est utilisée. Mais les différentes parties permettent d’imager des étoiles différentes, et offrent un grand champ.

L’éloignement angulaire de deux étoiles dans un Schmidt peut être comparé aux deux positions successives d’une même étoile, à des instants différents.

Parmi les différents types possibles d’hypertélescope, certains utilisent un miroir géant dilué concave qui est fixe, exploitant par exemple la forme naturelle d’un cratère ou d’une vallée. Ils font l’économie d’une monture globale, qui serait fort couteuse à l’échelle d’un kilomètre, mais ne peuvent être orientés ni déplacés. Le suivi d’une étoile est alors possible en déplaçant la caméra sur la surface focale du méta—miroir, une calotte sphérique concentrique avec celui-ci et de rayon moitié. Il est alors intéressant que le méta-miroir soit plus grand que la partie effectivement exploitée à chaque instant, limitée par le cône d’acceptance de l’optique associée à la caméra.

Considérons maintenant une partie inutilisée à un instant donné. Pour la rentabiliser, il suffirait de récupérer la lumière qu’elle renvoie ! Par conséquent, de placer une seconde nacelle, portant une optique semblable à la première.

On peut donc construire des hypertélescopes à miroir sphérique, et plusieurs nacelles, et mener plusieurs observations simultanément… Ce qui était un gaspillage devient un gros avantage ! La multiplication des fragments permet de suivre un même objet pendant une longue durée, sans monture ; elle permet aussi de faire plusieurs observations en parallèle. Dans l’espace, une flotille de miroirs en forme de « bulle » sphérique serait ainsi exploitable de façon panoramique avec de nombreuses caméras mobiles sur la sphère focale pour observer autant de sources.

Les hypertélescopes au sol

Le premier

Le premier hypertélescope a été construit, pour vérifier le principe, avec un objectif dilué de… 10 cm, donc peu affecté par la turbulence atmosphérique ! On ne s’attend pas à faire de grandes découvertes avec lui, ça va de soi.

Il est formé sur une lunette de 10 cm d’ouverture, devant laquelle est placé un masque percé de 64 trous de 0,8 mm régulièrement espacés. L’oculaire de la lunette est mis au point à l’infini, et donne de chaque trou une image de 0,1 mm de diamètre. Ces images sont espacées de 1 mm. Il possède un densifieur de pupille formé de microlentilles, ayant un rapport γ de 10. Les images des trous font donc en sortie 1 mm de diamètre, et sont pratiquement jointives. Nous avons vu que l’amplification du pic central est en γ2, donc ici il est de 100 fois.


schéma du premier hypertélescope

Sur le schéma, remarquez d’abord les images données directement par la lunette masquée à gauche, puis après densification à droite. Ceci illustre bien l’effet de la densification.

Cet instrument miniature a permi de valider le concept de densifieur de pupille, et donc d’hypertélescope globalement.

La monture

Nous avons signalé plus haut que le principe de l’hypertélescope peut être mis en oeuvre de différentes façons, et notamment en se passant de monture orientable pour permettre une dimension de meta-ouverture dépassant largement celle des « Extrêmement Grand Télescopes » dont la construction débute. Si c’était le cas précisément, il ne pourrait pointer un astre qu’au zénith, et pendant un instant très bref. Pour pouvoir faire des poses de longue durée, il faut que le dispositif placé au foyer puisse se déplacer sur la sphère focale, en pivotant autour du centre de courbure C1 du méta-miroir, afin de suivre l’image co-focalisée de l’astre. Mais ce faisant, l’instrument focal ne va plus pouvoir exploiter la lumière, trop inclinée sur son axe, qu’il reçoit de certains segments sortant de son « cône d’acceptance », c’est à dire trop excentrés relativement à son axe optique, qui passe par C1. Ainsi, il faut que le miroir principal dilué soit physiquement plus grand que ce qui est utilisé à chaque instant.


Déplacement de la nacelle schéma A. Labeyrie

La limite serait de l’ordre de 1.000 à 1.200 m de diamètre, pour une raison toute bête : il n’y aurait pas de site naturel plus grand permettant d’installer le miroir à coût raisonnable !

Prototype d’un hypertélescope Carlina

Un premier prototype a été réalisé à l’Observatoire de Haute Provence (OHP). Il comprenait au départ deux miroirs, et son but était de mettre au point la partie mécanique de l’ensemble, en fait la nacelle suspendue à un ballon dirigeable. Tout le système permettant à cette nacelle de se maintenir en l’air avec une excellente précision de positionnement était à concevoir. Il a été réalisé par un ensemble de câbles, pilotés par des treuils robotisés, qui tiraient le ballon dans trois directions à 120°. La nacelle, de son côté, suspendue au ballon, doit pouvoir se déplacer légèrement pour assurer le suivi de l’observation. Le système est inspiré de ce qui a été fait à Arecibo en radiosatronomie.

   
Fleur composée de chardon Carlina Acanthifolia, encastrée dans le sol et contenant des centaines de petites fleurs, qui a donné son nom au concept photo A. Labeyrie

Le prototype


Prototype de l’OHP ; ballon et nacelle photo Antoine Labeyrie

L’ensemble vu de dessous photo Antoine Labeyrie


Reflet dans un des miroirs photo Antoine Labeyrie

Un troisième miroir a été ajouté ensuite, rendant le système plus réaliste.

En vraie grandeur

Depuis, un autre prototype, en vraie grandeur, est en cours d’installation au vallon de la Moutière, dans la vallée de l’Ubaye. Le projet commence avec une ouverture de 57 m. Le meta-miroir est de forme sphérique. Le défaut optique dit « aberration sphérique », résultant du croisement imparfait des rayons au foyer lorsqu’un miroir n’est pas parabolique, est corrigé par une optique focale asphérique dite « correcteur de Mertz » à deux miroirs.

Le site - Situé à 2.000 m d’altitude dans les Alpes du sud, le vallon de la Moutière, non loin de Barcelonette, répond à ces critères. Il bénéficie d’un ciel sans lumières parasites ayant une bonne transparence et une faible turbulence. Sa partie médiane, orientée est-ouest, proche d’une forme cylindrique, se trouve à l’abri des vents dominants et ne souffre quasiment pas des brises thermiques nocturnes, conditions très favorables à l’installation de la structure suspendue portant l’optique focale.


Carte routière du site (extrait de la carte Michelin)

Le site se trouve en partie dans le Parc du Mercantour, et de ce fait aucune installation pérenne n’est possible. Il s’agit bien d’un démonstrateur, et non d’un instrument destiné à une exploitation. Aucun bâtiment ne peut donc être construit, et rien ne doit gêner la faune. Cependant, cet instrument restera en place, et sera agrandi, jusqu’à ce que le projet définitif soit mis en place, ce qui prendra quelques années. Après démontage, il ne restera aucune trace.

Le miroir - Le miroir est constitué de petits miroirs de 20 cm de diamètre, posés sur des supports tripodes ancrés dans le sol. Le miroir dilué fait 200 m de diamètre (57 au début), et les petits miroirs se placent tous sur une même sphère. La nacelle optique ne pèse que quelques kilogrammes, et peut être supportée par un simple cable tendu d’un versant à l’autre. Le vallon étant orienté est-ouest, le cable est nord-sud.

Le câble - Pour tenir compte des contraintes du Parc, le cable n’est tendu que lors des périodes d’observations. Le câble est en Kevlar de 6 mm, ce qui lui donne une grande solidité et une bonne rigidité. Il mesure 800 m de long.


Implantation (schéma Labeyrie sur fond Google Earth)

La nacelle - La nacelle, suspendue à ce cable à une centaine de mètres du sol, peut rouler comme une cabine téléphérique miniature le long de ce câble, orienté Nord-Sud, lequel peut aussi penduler en Est-Ouest pour donner à la nacelle la liberté de positionnement nécessaire pour suivre le déplacement de l’image stellaire, et pour accéder à des étoiles plus ou moins proches du pôle céleste. Elle est positionnée et orientée par 6 petits câbles, actionnés par des treuils. Les moteurs des treuils sont des moteurs pas-à-pas. Pour synchroniser les actions des treuils, un réseau wifi a été installé sur le site ! Il permet à un ordinateur de contrôle de commander les actions nécessaires (et éventuellement aux chamois de se connecter sur astronomia.fr…). Naturellement, il faut une alimentation solaire pour donner la puissance à ce matériel.


Le moteur ouest photo Antoine Labeyrie

La nacelle renvoie la lumière vers le point sud du site, où se trouve un petit télescope en monture équatoriale pour la récupérer. L’axe polaire passant par le centre de courbure C1 du miroir est orienté vers le nord céleste évidemment, mais il doit aussi, pour simplifier le pointage du faisceau renvoyé, passer par le petit télescope.

La performance - Grâce à ses nombreux petits miroirs espacés, ce prototype aura le même pouvoir séparateur que le VLTI (petit nombre de grands miroirs). Pour un coût n’ayant rien à voir… De plus, Carlina donne une image directement visible, alors qu’un interféromètre classique nécessite une reconstruction de cette image par un algorithme après saisie des données. Pour obtenir toutes les fréquences spatiales, il faut utiliser le plus grand nombre possible de couples de télescopes. Ces observations ne peuvent se faire que successivement, et ne s’adressent donc qu’à des objets stationnaires, excluant ceux à évolution rapide.

La résolution de l’hypertélescope dans sa première version, de 57 m de diamètre, atteindra 2 millisecondes d’arc : à comparer avec les 40 millisecondes du HST, soit 20 fois meilleur ! Dans la version étendue, de 200 m de diamètre, on arrivera à 0,5 milliseconde. Soit 80 fois mieux que le HST, et 120.000 fois mieux que les observations de Tycho-Brahé…

Là où Tycho Brahé ne voyait qu’un seul pixel, nous en verrons 120.000 × 120.000 = 14 millions ! Soit un pavage de 11.039 écrans 17" juxtaposés, en une matrice de 83 en largeur par 133 en hauteur (définition de 1.440 × 900 pixels chacun).

Et ceci n’est qu’un début…

Le ELHyT

ELHyT signifie Extremely Large HyperTelescope. Il s’agit du projet définitif, du moins en attendant les versions beaucoup plus grandes proposées pour l’espace, qui devraient atteindre 1.000 à 1.200 m de diamètre. Pour cela, il faudra l’installer dans une des rares vallées possibles sur Terre. L’un des sites prometteurs est en Himalaya indien. Il pourrait comprendre à terme un millier de miroirs.

Malgré ces dimensions impressionnantes, le coût d’un tel instrument serait très raisonnable, puisque tous les miroirs sont à ciel ouvert. Aucune monture n’est à construire, et cela représente une économie majeure pour le projet. Le point important qu’est la mise en phase par une optique adaptative ne semble pas poser de problème de principe. Et il semble possible d’ajouter une étoile guide laser pour pouvoir observer des sources très faiblement lumineuses, mais il faut encore préciser la puissance laser nécessaire, que l’on espère raisonnable. En attendant les versions spatiales, non soumises à la turbulence, ces amélioration permettront de former des images directes avec une résolution de 100 micro-secondes d’arc environ, 10 000 fois meilleure que la limitation traditionnelle imposée aux télescopes par la turbulence.

Un aspect important est la possibilité d’ajouter des miroirs au fur et à mesure. Ainsi, des objectifs scientifiques moins gourmands pourront être acquis alors même que l’instrument ne sera pas terminé.

Pour en revenir à Tycho : définition de 0,1 milliseconde d’arc. Soit 600.000 fois plus que Tycho ! 278.000 écrans 17".

Et ce n’est pas tout…

Les hypertélescopes spatiaux

Pour construire un hypertélescope spatial, il y a deux approches possibles :

La première a été envisagée par la NASA, qui a fait des études dans ce sens (Terrestrial Planet Finder, une poutre de 100 m de longueur comportant plusieurs miroirs). La seconde est européenne, mais à fait l’objet de propositions tant à l’ESA qu’à la NASA.

Le projet Darwin (abandonné) est un interféromètre spatial comprenant 6 miroirs de 2 m disposés sur une surface de 100 m à 1 km de rayon. Ce n’est pas un hypertélescope, puisqu’il met en jeu un petit nombre de miroirs.

La stabilisation

Puisque la solution des free-flyers est adoptée, il faut résoudre le problème de stabilité de la configuration, qui était dans l’autre cas assurée par la rigidité de la poutre. La stabilisation dans l’espace peut s’envisager par trois méthodes :

Le pilotage par micro-fusées a été testé par l’expérience franco-suédoise Prisma. Elle en a montré la faisabilité avec déjà une précision centimètrique pour le positionnement, mais qui devra atteindre une fraction de micron dans la direction axiale.

La solution de voile solaire n’est peut-être pas la meilleure car son temps de réaction pour reconfigurer le miroir, et l’orienter globalement, est trop long. Mais elle a un avantage considérable : un miroir peut être perdu, c’est-à-dire que pour une raison quelconque, son orientation le met hors d’atteinte des communications terrestres, et il se trouve livré à lui-même. Pire, il peut gêner l’ensemble. Or les voiles solaires peuvent être réalisées (en forme de paraboloïdes), de telle manière que, si le miroir est désorienté, la pression de radiation du soleil le remettra dans la bonne direction (approximative) au bout d’un certain temps.

Le pilotage par laser s’apparente à celui de voile solaire, car il comprend également une voile passive. Mais à la place du rayonnement solaire, cette voile est destinée à reçevoir un faisceau laser produit par le laboratoire central (qui contient l’optique). Diverses études ont été réalisées, qui indiquent que la précision serait meilleure que celle des micro-fusées, pour une durée de vie non limitée.

Epicurus

Epicurus est un projet d’hypertélescope spatial, présenté par Antoine Labeyrie, et comprenant 6, puis 18, et enfin 36 petits miroirs de 30 cm de diamètre, étalés sur plusieurs centaines ou milliers de mètres (soit un pouvoir séparateur de l’ordre de la milliseconde d’arc).

Luciola

Luciola est le projet successeur d’Epicurus. Il s’agit encore d’un projet spatial d’Antoine Labeyrie, concernant un hypertélescope kilométrique. Il comprend un densifieur de pupille. Il a été soumis à l’ESA en juin 2007. Il est dans une phase de simplification pour le rendre opérationnel.


Le projet Luciola dessin Antoine Labeyrie

La luminosité ne sera pas un problème, malgré l’ouverture diluée (les grands trous). En effet, avec 100 miroirs de 25 cm, on atteint la magnitude limite du HST. Chaque miroir a une surface collectrice s = π r2, donc les 100 miroirs totalisent S = 100 π r2. Ce S est équivalent à un miroir unique de rayon R, donc de surface S = π R2. En égalant les deux expressions de la surface S : π R2 = 100 π r2. On simplifie par π, et il reste  : R2 = 100 r2, soit R = 10 r. Les 100 miroirs sont équivalents à un seul miroir de diamètre 10 fois plus grand, donc de 2,50 m. Or le HST fait 2,40 m. Luciola aura donc la même sensibilité, avec un pouvoir séparateur 400 fois plus important (rapport des diamètres 1.000 m / 2,40 m).

Hors de l’atmosphère, pas d’optique adaptative nécessaire, et pas de pertes en longueur d’onde. Il sera possible d’observer depuis l’ultraviolet 120 nm (raie Lyman α) jusqu’à l’infrarouge 20 µm.

Les méthodes permettant d’augmenter la dynamique de l’image, la coronographie, la spectroscopie, sont utilisables. C’est donc un instrument absolument complet que l’on peut réaliser ainsi. Il rempli les conditions pour satisfaire le programme Cosmo Vision de l’ESA, qui planifie les missions de 2015 à 2025. Cette planification est rendue indispensable par la durée des développements (plus de 20 ans pour Huygens).

Ce concept, comme son correspondant au sol, est par nature extensible. Le nombre de miroirs peut augmenter avec des missions successives, et les bancs optiques (équivalent de la nacelle de Carlina), peuvent être multiples, amenés successivement. Le nombre de miroirs pourrait atteindre 1.000, augmentant considérablement la sensibilité. Ce nombre, avec des miroirs de 25 cm, atteint la même surface qu’un des télescopes du VLT.

Pour imager des étoiles, les premiers éléments seront suffisants. Mais pour les exoplanètes, il en faudra un peu plus. A commencer par l’infrarouge, où le constraste est meilleur et où les observations seront possibles assez facilement. Mais pour le visible, il faudra attendre que l’instrument soit plus complet. A ce moment-là, la combinaison des spectres dans l’IR et le visible permettra de détecter de la vie sur une exoplanète.

Luciola est l’équivalent de l’hypertélescope de l’Ubaye : un prototype qui devrait déjà donner des informations extrêmement précieuses. Mais ce n’est qu’une étape, un démonstrateur. La suite est déjà envisageable :

Le chemin parcouru (enfin, à parcourir encore) est inimaginable.

Il y a un argument pour minimiser la taille des miroirs. En effet, si d est le diamètre des miroirs, la masse du microsatellite est en d3, sa surface en d2. Alors, la miniaturisation diminue d’un facteur 1/d l’accélération nécessaire pour mettre le microsatellite en mouvement (pour reconfigurer le télescope, la poussée sur le satellite est proportionelle à sa surface, alors que l’inertie est proportionelle à sa masse, donc à son volume). Au bout du compte, le temps nécessaire pour reconfigurer est proportionel à d1/2.

Utilisation des hypertélescopes

Avec un hypertélescope au sol, on peut mieux voir les étoiles, leurs planètes, rechercher une vie (éventuellement évoluée), les galaxies, l’Univers lointain.

Observer un passage d’une planète devant son étoile serait faisable, pour les étoiles proches. Par spectroscopie pendant le passage, on peut analyser l’atmosphère de la planète.

Avec un coronographe, on a déjà commencé à imager des exoplanètes (les plus grosses). Cette méthode serait utilisée avec des hypertélescopes. La planète, de type terrestre, est 1 à 10 milliards de fois moins lumineuse que son étoile.

Tout ce qu’on observe aujourd’hui constituerait évidemment des cibles : les trous noirs, les noyaux actifs de galaxies, les quasars et micro-quasars (voir si le modèle conçu à partir de ses propriétés est bien réaliste), les lentilles gravitationnelles, les sursauts gamma (contrepartie optique)…

Avec un hypertélescope spatial de 100 km de diamètre, constitué de 100 miroirs de 3 m, on peut imager une planète comme la Terre en 30 mn de pose. L’image permet de distinguer les continents (s’il y en a), et donc de savoir beaucoup de choses à son sujet. En particulier, d’éventuels changement de couleur localisés en fonction de la saison, donc une éventuelle vie.


Image simulée d’une exo-Terre , telle que la verrait un hypertélescope de 150km. dans l’espace

L’image ci-dessus montre comment on verrait une planète ressemblant à la Terre dans cet instrument de 100 km, si elle était placée à 10 AL de nous. On y distingue les mers, les continents, les couleurs. S’il y avait un changement de couleur avec la saison, il serait visible. Ceci ne serait pas une preuve de vie sur cette planète, mais ce n’en serait pas bien loin.

Il est évident que le point de Lagrange L2 est un lieu idéal pour installer un tel instrument. Il y règne une microgravité très uniforme, ce qui veut dire des forces de marées très faibles. Or ce sont elles qui sont susceptibles de séparer les microsatellites.


Un nanosatellite à propulsion solaire

Les supergéantes sont bien résolues à partir de 18 m.

ELT vis Hypertélescope

Un ELT a un champ bien supérieur à celui d’un hypertélescope. Mais bien sûr, son diamètre étant très inférieur, son pouvoir de résolution l’est également.

Un hypertélescope peut comprendre plusieurs nacelles, et donc constituer en fait plusieurs télescopes simultanés.


Groupe d’étoiles dans un ELT

 


Le même dans un hypertélescope

Antoine Labeyrie envisage jusqu’à un hypertélescope formé de miroirs espacé sur un diamètre de 100.000 km ! Un tel instrument, forcément spatial, permettrait d’imager la surface d’une étoile à neutrons (20 km de diamètre).

OVLA

Définition

OVLA (Optical Very Large Array) est un concept d’interféromètre optique à télescopes multiples, qui avait été proposé par Antoine Labeyrie en 199? avant sa description des hypertélescopes (1996). Sa version initiale comporte 27 télescopes de 1,50 m de diamètre placés le long d’une ellipse de plusieurs centaines de mètres de demi petit axe. En effet, le but est de construire un miroir géant parabolique, matérialisé par une série de télescopes disposés au sol le long d’une ellipse, intersection du sol plan et du paraboloïde. Son foyer peut coincider avec l’un des foyers de l’ellipse, et c’est le point ou peuvent avantageusement être combinés les faisceaux reçus d’une étoile située sur l’axe du paraboloïde, captés par chaque télescope et renvoyés vers un foyer coudé commun situé en ce point (figure.). Le trou qui reste au centre est donc l’équivalent de l’obstruction centrale par le secondaire, dans un télescope classique. Il est évident qu’on peut envisager de combler partiellement ce trou avec d’autres miroirs, qui seraient placés sur des ellipses intérieures. Ceci constituera une extension du projet mais nécessite d’ajouter autant de lignes à retard optiques pour mettre en cohérence la lumière focalisée par chaque ellipse, qui se trouve elle-même cohérente. En effet, le paraboloïde auquel elle appartient forme en principe une image parfaite, cohérente et cophasée si l’on néglige la perturbation atmosphérique, d’une étoile située à l’infini sur son axe.

L’instrument étant un interféromètre, il faut recombiner la lumière provenant de chaque télescope dans un laboratoire, qui sera situé en l’un des foyers de l’ellipse. C’est par les foyers coudés des télescopes que la lumière y parviendra.

Les télescopes doivent évidemment constituer à chaque instant la bonne ellipse. Or celle-ci se déforme bien sûr avec le mouvement diurne. Il faut donc que les télescopes puissent se déplacer ! Chacun sera placé sur un support à 6 pattes, et marchera (vous avez bien lu) à une vitesse de quelques centimètres par seconde pour un diamètre instrumental de 500 m par exemple, qui lui permettra d’atteindre un pouvoir de résolution de 10-3 à 10-4 secondes d’arc. Les télescopes devront être compacts et légers. La précision des déplacements est de l’ordre de la longueur d’onde de la lumière, mais l’interférométrie relâche un peu cette contrainte.

Le nombre 27 = 33 permet de grouper les télescopes par 3 pour assurer la cohérence ; puis chaque groupe par 3 encore ; et enfin ces grappes entre elles.

Le système utilisera une pupille densifiée, rendant beaucoup plus lumineuse l’image directe, et qui rend inutile une reconstruction par le calcul.

L’originalité de cette configuration réside dans sa souplesse : selon le type d’objet que l’on veut observer, on peut configurer très rapidement l’ellipse la plus adaptée. Ceci le distingue d’un système du genre VLTI, dans lequel, à cause des lignes à retard, les seuls emplacements possibles sont déterminés à la construction.

Les télescopes sont de type Gregory. Les miroirs seront de 1,52 m de diamètre, en verre ordinaire mince, supportés par 29 actuateurs. Ils seront ouverts à F/1,7. Ce sont des ménisques, afin de limiter le poids. Le secondaire fait 75 mm de diamètre, et un miroir tertiaire renvoie le faisceau vers le foyer coudé.

La construction d’un prototype, équipé d’une sphère en stratifié moulé contenant un miroir de 1 m 50 épais de 25 mm taillé par David Vernet, avait débuté à l’Observatoire de Haute-Provence en 1995, et permis de vérifier la poursuite d’une étoile. Mais le projet a alors été suspendu par Antoine Labeyrie, dont les premiers calculs sur la densification de pupille et l’hypertelescope montraient l’avantage de miroirs petits et nombreux, plutôt que gros et peu nombreux pour une surface égale. Ce fut l’émergence d’architectures optiques différentes, dont celle dite Carlina, reprenant sous une forme diluée la logique du radio-télescope d’Arécibo avec son miroir géant fixe dans une cuvette naturelle.

La monture est une boule, qui a de nombreuses qualités, dont celle de servir également d’abri aux miroirs. Ces télescopes n’ont pas de coupole ! Ce qui fait une économie énorme sur la construction. Le pointage précis est assuré par trois galets, qui supportent la boule et la tournent en même temps. C’est le télescope le plus léger du monde, car il pèse moins d’une tonne, pour un diamètre de 1,52 m.

Si la dimension de l’ellipse atteint 10 km, l'instrument aura un pouvoir séparateur 1.000 fois meilleur que les télescopes actuels de 10 m comme les Keck (avec optique adaptative). Les petits corps, comme des comètes deviennent imageables à distance. Mais la surface de certaines étoiles (Céphéides, RR Lyræ) est également résolue. Plus loin, les noyaux actifs de galaxies. Les exoplanètes proches, seront légèrement résolues mais nécessiteront une coronographie très performante.

Bibliographie

Cours du 8 février 2012 au Collège de France

Olivier Lardière : Thèse soutenue le 16 juin 2000 à l’OHP "Contrôle des télescopes automatiques et des grands interféromètres terrestres et spatiaux : cas du prototype OVLA à monture sphérique et optique active.

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