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Mis à jour
le 17/08/17
 Cosmogonie antique
 

Qui a jamais vu, chez les cuisiniers, un simple d’esprit
faisant tourner le four autour du rôti ?

Alexandre Friedmann

Cosmogonie

La cosmogonie (du grec cosmo = monde, gon = engendrer) est l’étude de la formation du Monde. Toutes les civilisations se sont préoccupées de connaître les origines du Monde, avec les moyens à leur disposition. Pour cette raison, les cosmogonies traditionnelles se limitaient à l’Univers visible à l’œil nu, c’est-à-dire essentiellement au système solaire, et à la voûte étoilée.

Il ne faut pas la confondre avec la cosmologie (du grec cosmo = monde, logos = discours), qui est l’étude physique de l’Univers dans son ensemble, et dont l’apparition est très récente (pour parler de cosmologie, il fallait d’abord comprendre la physique, et savoir qu’il y avait autre chose au-delà du système solaire).

L’étude du ciel est aussi ancienne que l’Humanité elle-même ; mais par définition, nous n’avons aucune trace écrite provenant de la préhistoire.

Toutefois, de nombreux monuments mégalithiques (Stonehenge, vallée des Merveilles, monuments mégalithiques bretons, Amérique centrale…) témoignent, par leur orientation, de préoccupations astronomiques, au moins en ce qui concerne les saisons.

Les premières traces écrites nous parviennent de Mésopotamie (du grec meso : entre, et potamos : fleuve), sous la forme de tablettes d’argile vieilles de 6.000 ans. Leurs apports sont encore très présents aujourd’hui, autant dans la vie courante que dans l’astronomie moderne. On leur doit la définition :

Pour définir les contellations et les heures, les Mésopotammiens ont utilisé les levers héliaques.

Il existe autant de cosmogonies que de peuples différents dans l’Antiquité. Chacun a vu midi à sa porte, et conçu sa propre description du Monde (l’Univers connu à l’époque). L’étude de ces cosmogonies est intéressante, mais la plupart n’ont pas influencé la pensée occidentale. C’est la cosmogonie grecque qui a défini la conception du Monde de tout l’Occident, jusqu’à la fin du Moyen-Age. C’est celle-là que nous allons aborder. Il faut comprendre que la vision qu’elle donnait a été instituée au rang de dogme, que chacun recevait dans sa culture dès l’enfance, et ces idées devenaient donc des vérités absolues, une tradition, que rien ni personne ne pouvait remettre en cause. Aussi, il a été très difficile à quelques esprits éclairés de proclamer qu’il existait une autre façon de concevoir le monde. Ces remarques éclairent un peu la difficile progression des idées au sortir du Moyen-Age.

L’astronomie grecque a fondé l’étude scientifique du ciel, avec un modèle du monde, censé expliquer les mouvements des astres, la prévision des éclipses. En 530 avant J.C., Pythagore (l’homme du théorème) pense que la Terre est sphérique, centrale, entourée de 7 (nombre magique) sphères de cristal concentriques, portant les astres mobiles, et une sphère extérieure portant les étoiles, et nommée sphère des fixes.

système géocentrique

Les sphères mobiles sont écartées dans les mêmes proportions que les notes de musique (toujours un soucis de perfection). En tournant, elles produisent des notes de musique selon leur taille et leur vitesse ; l’ensemble donne un accord parfait. C’est la musique des sphères.

Ce système, dans lequel la Terre occupe le centre, et tout lui tourne autour, est nommé système géocentrique.

 

Aristarque de Samos, 3 siècles avant J.C., pense que planètes et étoiles tournent autour du Soleil. Il a su calculer les distances relatives entre la Terre, la Lune et le Soleil. En 250 avant J.C., Erathostène calcule le rayon de la Terre par des mesures d’angle entre Syenne (aujourd’hui Assouan) et Alexandrie. C’est le premier système héliocentrique.

 

En 150 avant J.C., Hipparque dresse le premier catalogue d’étoiles ; il les classe en 6 grandeurs selon leur éclat. Son classement est à la base de la notion actuelle de magnitude. Il définit les constellations, en reprenant celles des Mésopotamiens.

Les Grecs considéraient deux parties dans l’Univers : le monde sublunaire, auquel nous appartenons (la Terre et son atmosphère), et le monde supralunaire, auquel appartient le Soleil (pendant une éclipse de Soleil, il est évident que le Soleil est derrière la Lune, donc plus loin). Le monde sublunaire est celui de la corruption (nous parlons ici d’Astronomie, ne l’oubliez pas…), il est soumis au temps qui le dégrade ; le monde supralunaire est celui de la perfection, c’est le royaume des dieux. En particulier, le Soleil est rond et sans taches (le cercle est LA figure géométrique parfaite).

Cette perfection devait se trouver également dans les orbites, qui ne pouvaient être que des cercles (Claude Ptolémée). Et même si l’expérience montre clairement que les cercles ne conviennent pas, on combinera des cercles pour arriver à un résultat cohérent avec la précision des observations à l’œil nu, même si le modèle obtenu est complètement artificiel et très complexe. C’est ainsi que le même Ptolémée a imaginé que les planètes tournaient sur des cercles… dont les centres tournaient eux-mêmes sur d’autres cercles autour de la Terre (noblesse oblige)…

En 150 après J.C., Claude Ptolémée écrit le livre qui fixe la science astronomique grecque. Son titre est Syntaxe Mathématique. Il ne nous est pas parvenu directement, mais il a été conservé par les Arabes, sous le nom d’Almageste (qui signifie le plus grand). Les Arabes l’ont réintroduit en Espagne, et il sera le seul ouvrage enseigné en Europe jusqu’au XVme siècle. Il est regrettable que le système du monde décrit dans ce livre soit géocentrique, en sacrifiant aux apparences, alors que nombre de savants avaient établi un bien meilleur système au moins trois siècles plus tôt. Le système de Ptolémée est très complexe, mais il reproduit les positions des planètes au second ordre (mathématiquement).

épicycle et déférent

Animation montrant le système décrit ci-dessus.

Ce modèle présente bien les rétrogradations des planètes supérieures, mais pas correctement la variation de vitesse sur l’orbite.

Ptolémée a compliqué le modèle en déplaçant la Terre à une certaine distance du centre du déférent. Le point symétrique, nommé équant, est la référence du mouvement uniforme : c’est la ligne (en rouge sur le schéma) qui le joint au centre de l’épicycle qui tourne uniformément.

equant

Animation montrant le système décrit ci-dessus.

Vers l’an 1500, la situation est la suivante :

Le système craque…

  1. En 1054, une supernova explose ; elle est observée par les chinois qui consignent par écrit ce qu’ils voient (étoile invitée). A l’heure actuelle, il en reste le pulsar du Crabe, et une nébuleuse planétaire. Cette étoile apparaît aux observateurs comme une étoile nouvelle, une nova (le terme supernova sera inventé plus tard). Or les étoiles ont été créées une fois pour toutes, et collées sur la sphère des fixes. Cette apparition est donc une contradiction bien génante… Elle est semble-t-il passée inaperçue en Europe (non mentionnée dans les textes, qui ont peut-être préféré l’ignorer…). Mais deux autres supernovæ, de Tycho et de Kepler, seront utilisées pour réfuter définitivement l’ancien système du monde.
  2. La surface du Soleil est à première vue immaculée ; or en 1610, lorsque Galilée tournera sa lunette vers le Soleil (ce que nous ne ferons pas car c’est très dangereux ! ), il découvrira des taches à sa surface, rendant caduc le dogme du monde supralunaire parfait… Il a aussi observé les montagnes et les cratères de la Lune, montrant que c’était un corps assez semblable à la Terre.
  3. Galilée découvrira aussi les satellites de Jupiter, prouvant que la Terre n’est pas le centre de tout. A partir de là, tout deviendra possible en matière d’idées. Cette libération intellectuelle va entraîner une floraison de théories et de progrès.
  4. Un autre grave problème a surgi lorsqu’en mesurant la distance des comètes, on s’aperçut qu’elles recoupaient les orbites des planètes ! Le cristal des sphères n’y aurait pas résisté.

Cette brève étude nous montre que l’Antiquité, ne disposant pas de moyens d’observation adaptés, a pris souvent une position philosophique plutôt que scientifique pour la description de l’Univers. Le remplacement des dogmes par des faits déduits de l’observation a rencontré une résistance très profonde, car les observations étaient bien sûr réservées à quelques privilégiés, heureux possesseurs des instruments nécessaires. Le changement des idées s’est appuyé sur une confiance croissante dans les dires des savants, et décroissante dans les affirmations des Anciens.

Il faudra attendre Kepler pour découvrir que les orbites sont des ellipses et non des cercles, et qu’elles sont parcourues à vitesse variable et non constante !

La cosmologie moderne s’appuie sur les observations les plus récentes, au jour le jour. Elle embrasse tout l’Univers observable. On pourrait dire la même chose des cosmologies anciennes, mais il existe une différence fondamentale :

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