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Mis à jour
le 18/08/17
 Mondes glacés
 

Les satellites des planètes géantes

Tout d’abord, voici une liste restreinte des principaux satellites des planètes géantes, par ordre d’éloignement croissant à la planète :

Impressionante diversité

L’exploration du système solaire externe (à partir de Jupiter) a été faite en particulier pour trouver des matériaux originels, afin de mieux comprendre la formation du système solaire. On croyait que cette région froide n’avait pas évolué depuis sa formation. La première surprise a été de constater à quel point elle est dynamique. Le trait le plus important est la diversité géologie et géochimique de ces mondes.

Les satellites des planètes géantes sont :

L’eau, sous forme de glace, est très abondante dans ces régions. La majorité des satellites des planètes géantes, ainsi que Pluton, sont couverts d’une carapace de glace, essentiellement d’eau. Io n’a pas de glace d’eau à sa surface, mais du SO2 à l’état de glace. Les glaces sont moins denses que les roches, aussi ont-elles tendance à remonter à la surface où elles les remplacent. Le mécanisme responsable correspond à la fusion en profondeur et un jaillissement en surface, suivi d’un refroidissement. C’est du volcanisme !

La glace d’eau a été détectée dans les années 70 par spectroscopie dans le proche et le moyen infrarouge sur les satellites galiléens. Elle existe aussi sur les principaux satellites de Saturne et d’Uranus.

Les mesures de densité donnent 1 à 2 fois celle de la glace. Par conséquent, ces corps sont formés de glace d’eau dans la proportion de 30 à 70 % en masse. Ils possèdent donc une croûte de glace épaisse parfois de plusieurs centaines de kilomètres.

Plus on s’éloigne du Soleil, plus la température baisse. Et on s’attend à trouver d’autres sortes de glaces, dont le point de fusion est plus bas : CH4, NH3 sont stables et peuvent former jusqu’à 10 % des satellites extérieurs. On trouve aussi CO, N2, CH3OH (méthanol, ou alcool de bois), CH2O (formaldéhyde, ou aldéhyde formique ; en solution dans l’eau, donne le formol ; on en trouve aussi dans les comètes).

La complexité chimique des satellites est en relation avec leur localisation. Chaque protoplanète a créé de la chaleur, par l’énergie gravitationnelle de l’accrétion. Cette chaleur a altéré l’équilibre chimique autour d’elle. La composition des satellites peut donc différer de celle des comètes, contrairement à ce qu’on pensait jusqu’à l’exploration spatiale. Jupiter étant plus grosse que Saturne, son environnement a été plus chaud, ne permettant pas le maintien de méthane et d’amoniac.

C’est à partir de Neptune que l’on peut trouver les glaces les plus volatiles en abondance : CH4, CO2, CO, N2, H2O sur Triton et Pluton.

Energie

La chimie ne peut se développer qu’avec l’aide d’une source d’énergie. La géologie aussi demande une source d’énergie pour pouvoir évoluer. L’état de surface d’un corps permet donc de se faire une idée immédiate de l’état thermique du corps. Le processus géologique le plus important est le volcanisme, qui apporte en surface des matériaux venant des profondeurs. Qui dit volcanisme dit chaleur. Et pourtant, la géologie de ces corps glacés est extrêmement active (ou l’a été). Le volcanisme est attesté sur plusieurs de ces objets : Io, Triton, Europe, Encelade. D’autres ont eu cette activité dans le passé : Ganymède, Dioné et Miranda ont été fracturés en surface dans un passé relativement proche, mais sont inactifs aujourd’hui.

Comment le volcanisme peut-il se produire sur des corps dont la température de surface ne dépasse jamais 150 K ? C’est la source d’énergie qu’il faut découvrir, capable de fondre une grande quantité de glace, et de produire les fractures de la croûte pour permettre le passage de ces curieuses laves. La radioactivité invoquée pour les planètes principales ne peut être invoquée ici. Il y a bien trop peu de matériaux radioactifs pour cela.

Des satellites voisins présentent des surfaces anciennes ou récentes, sans que leur localisation ou leur composition puisse l’expliquer. Les marées crustales apportent l’explication nécessaire.

En résumé, ces satellites devraient être inertes depuis bien longtemps, la radioactivité étant éteinte. Ceux qui présentent une activité actuelle ou récente sont soumis à des marées, qui en sont le moteur. Les marées sont d’autant plus importantes que les résonances entre satellites sont plus fortes.

Jupiter

Io (Jupiter)

Sur Io, et sous l’influence des marées, la croûte se soulève de 100 mètres engendrant, par le frottement des micro-fractures, une chaleur suffisante pour fondre bien des matériaux. La surface de Io est la plus jeune du système solaire, la Terre peut-être mise à part. Elle est constituée de molécules soufrées. La température des laves atteint 1.700℃, bien plus chaudes que toutes les laves terrestres !

L’importance des marées sur Io est due à la masse de Jupiter, qui est 1.300 fois supérieure à celle de la Terre, et aussi aux résonances avec les trois autres satellites galiléens (résonances de Lagrange).

La densité des satellites galiléens décroît avec l’éloignement à Jupiter, alors que la proportion d’eau qu’ils contiennent croît. En même temps, l’activité croît en s’approchant de Jupiter. Io est le plus proche et le plus actif, il ne contient pas d’eau car il est composé de roches et de soufre.


Ra Patera NASA/JPL-Caltech/Univ. of Arizona

Ra Patera est un grand volcan bouclier sur Io. Il est vivement coloré par divers composés de soufre en particulier. La cheminée est la tache noire centrale. Le flot de lave s’étend à plus d’une centaine de kilomètres.

Io possède un champ magnétique intrinsèque d’un dixième de celui de la Terre. L’analyse de ce champ indique une couche d’eau à quelques centaines de km de profondeur. La surface est inactive, mais pas l’intérieur. 66 % de la surface est brillante et jeune. Le reste est vieux et très cratérisé. La plupart des terrains brillants sont fracturés, ce qui a effacé toute structure antérieure. Ce remodelage a été produit par un volcanisme qui a amené en surface de l’eau ou un mélange de glace et d’eau.

Europe (Jupiter)

Les marées sur Europe ne dépassent pas 30 m, ce qui est déjà respectable, mais sous la glace se trouve un océan liquide, entretenu par ces marées. La surface est jeune, et pourrait être encore active.

Europe est recouvert d’un océan, avec une banquise de seulement une centaine de kilomètres. Cette épaisseur relativement faible (comparée à celles des autres satellites), est due à la grande force de marées, à cause de la proximité de Jupiter.


Surface d’Europe Galileo Project, JPL, NASA

De grands pans de la croûte glacée d’Europe, de plusieurs centaines de km, ont glissé l’un par rapport à l’autre. Des cellules de convection ont également laissé leur trace dans la glace. La surface d’Europe a moins de 100 millions d’années. Pour expliquer ces différents aspects, la présence d’un océan liquide sous la glace serait idéale. Or les mesures magnétométriques indiquent la présence d’un champ qui s’explique par des mouvements de matière conductrice. Ce serait le cas d’un océan salé. Ainsi, sans en avoir la preuve observationnelle définitive, il est très probable qu’Europe ait un océan sous la glace. On a envisagé une vie possible dans cet océan, mais ceci n’est à l’heure actuelle que spéculation.

Ganymède (Jupiter)

La quantité d’eau présente sur Ganymède équivaut à la masse de la Lune ! Ganymède est fortement différencié, avec un noyau interne de Fe-Ni, un noyau externe de roches, et un manteau de glace et d’eau de 800 km.

La surface est formée essentiellement de glace d’eau, avec aussi CO2 gelé, et des traces de O2 gelé.

Ganymède est recouvert d’un océan sous plusieurs centaines de kilomètres de glace.


Surface de Ganymède Galileo Mission Team, Galileo Spacecraft, NASA

La surface de Ganymède est assez ancienne, et le satellite ne semble plus actif. Mais le dernier remodelage ne remonte pas à plus d’un à deux milliards d’années. Ganymède a probablement eu sa période chaude, associée à des marées intenses, lorsque des résonances maintenant détruites l’ont produite.

Ganymède et Callisto, les plus externes, sont constitués de plus de 50 % d’eau. Ils sont probablement inertes. Europe est intermédiaire : sa densité est 3 fois celle de l’eau, ce qui prouve qu’il contient des roches. Il possède probablement un noyau de fer-nickel, un manteau de silicates, et une couche d’eau et de glace de 100 km d’épaisseur. La surface d’Europe est très fracturée et peu cratérisée. Elle est donc jeune, et même encore active.

Callisto (Jupiter)

Callisto ne présente aucun signe d’activité.

Il y a de la glace de CO2 sur Callisto (probablement formé par l’impact des ions de la magnétosphère jovienne sur la glace).

Callisto est recouvert d’un océan sous plusieurs centaines de kilomètres de glace.

Callisto est bien plus morne que les autres. Aucune trace d’activité en surface, à part les cratères d’impact. Bien que de taille comparable à celle de Ganymède, Callisto n’est pratiquement pas différencié. Pas de noyau ni de manteau (c’est par gravimétrie qu’on le détermine). Les traces des impacts montrent essentiellement de la glace, mais l’intérieur du satellite est un mélange de glace et de roches. Pas de champ magnétique. On pense cependant qu’une couche de 200 km de liquide pourrait se trouver sous la croûte. Des études plus précises in situ doivent être menée pour améliorer les connaissances de ces divers satellites.


Surface de Callisto, région de Valhalla Galileo Mission Team, Galileo Spacecraft, NASA

On remarque l’absence de petits cratères, et l’aspect déchiqueté des remparts de cratères visibles. Evidemment, un processus d’érosion a été à l’œuvre. L’explication probable est la sublimation de composés volatils, qui maintenait des poussières. Le bassin Valhalla a été creusé par un grand impact, tôt après la formation du satellite.

Pourquoi Callisto, si proche et si semblable à Ganymède, n’est-il pas diférencié ? Il semble en fait que Ganymède ait subi, à une période de son histoire, de violents effets de marées, rendus possibles par une orbite un peu différente de ce qu’elle est aujourd’hui. Callisto, plus lointain de Jupiter, n’aurait pas subi pareille évolution. Mais la masse de Callisto est de 35 % plus faible que celle de Ganymède, et cette différence, par la moindre quantité d’éléments readioactifs, pourrait aussi avoir limité la température interne et la différenciation de Callisto.

Saturne

Titan (Saturne)

Titan est le second satellite par la taille. Il pourrait avoir les mêmes ingrédients qui ont donné la vie sur la Terre, dans un mélange différent.

Titan possède une atmosphère épaisse (1,5 atmosphères), constituée principalement d’azote moléculaire N2, mais riche en méthane CH4. Elle contient en moindre quantité d’autres hydrocarbures : acétylène C2H2, acide cyanhydrique HCN. Elle s’entoure d’une couche de brumes oranges de méthane à 200 km d’altitude. La composition interne des satellites de Saturne comprend sans doute d’autres composés que la glace d’eau et les roches.


Surface de Titan Cassini-Huyghens, Huyghens ESA, NASA

La plupart des satellites moyens de Saturne sont assez cratérisés, et par conséquent assez vieux. Mais Encelade, petit satellite de 450 km, second à partir de Saturne, n’a pratiquement pas de cratères. Sa surface ressemble à celle de Ganymède. Mimas, à proximité, n’est qu’un gros glaçon sans histoire. Dissemblance curieuse entre ces deux voisins.

Japet (Saturne)

Japet est particulier : il a deux faces ! Jean-Dominique Cassini avait déjà remarqué qu’une face était plus brillante que l’autre. Le satellite est bloqué par les marées, et tourne toujours la même face vers Saturne. C’est celle-là qui est très sombre, avec un albédo de 4 %. Cet hémisphère est nommé Cassini Regio. L’hémisphère opposé à Saturne est au contraire très brillant, avec un albédo de 60 %. Il est nommé Roncevaux Terra. Les deux hémisphères sont cratérisés.


Bourrelet de Japet NASA/JPL/Space Science Institute

Le matériau sombre est un dépôt à la surface de Japet, d’au plus une dizaine de centimètres d’épaisseur. Cette estimation provient du radar de Cassini, et de mesures directes des trous produits par des impacts. Il n’y a pas de zones grises, pas de mélange entre le clair et le sombre.


Surface de Japet NASA/JPL/Space Science Institute

Cette image a été prise à la limite entre les deux hémisphères : le sombre, à l’avant du satellite, et le clair à l’arrière.

Ce dépôt provient certainement d’un autre satellite, Phœbée. Celui-ci baigne dans un anneau de Saturne nouvellement découvert, car il n’est visible qu’en infrarouge. Très ténu, il ne réfléchit pas la lumière du Soleil, et reste invisible. En infrarouge, sa faible température lui permet cependant d’émettre le rayonnement qui l’a trahi. Les impacts météoritiques sur Phœbée lui arrachent un peu de glace, mélangée à de la poussière. Chauffée par le Soleil, la glace se sublime, et il reste la poussière qui produit l’anneau. Par le jeu des perturbations, ces poussières parviennent finalement à tomber sur Japet, et y produisent le dépôt sombre.

C’est sur la face avant de Japet, tournée vers l’anneau, que le dépôt se fait donc, et ceci explique la dissymétrie de Japet. Si le satellite n’était pas synchrone avec Saturne, le dépôt se ferait uniformément, et il n’y aurait pas de dissymétrie. Une fois que le dépôt a commencé, et que la surface est devenue un peu plus sombre, elle absorbe mieux le rayonnement solaire et sa température monte à 130 K. La glace se sublime alors et libère des poussières, ce qui accroît encore l’assombrissement. Par contre, la vapeur d’eau produite se répand dans la faible atmosphère, et peut en partie aller se déposer sur l’autre hémisphère, plus froid puisque sa température n’est que de 100 K. Ainsi, le phénomène d’assombrissement s’entretient lui-même.

Mais Japet est encore plus pittoresque. Il présente un énorme bourrelet équatorial, qui le fait ressembler à une grosse noix. Ce bourrelet s’étend sur 1.300 km dans Cassini Regio, et s’élève jusqu’à 20 km dans certaines parties. Sa largeur atteint aussi 20 km. L’origine de cet énorme bourrelet est inconnue. Diverses explications ont été proposées, mais elles ne sont guère convaincantes. Elles vont d’un bourrelet formé par la force centrifuge lorsque le satellite tournait rapidement sur lui-même, à une remontée de glace, à l’écrasement d’un anneau qui aurait tourné autour de Japet, ou d’un satellite du satellite qui s’y serait écrasé…

Japet est criblé de cratères, et aussi de bassins d’impact. Le plus grand mesure 500 km de diamètre.

L’orbite de Japet est particulière aussi. Elle est bien plus grande que celles des autres gros satellites, avec un demi grand-axe de plus 3.560.000 km, une excentricité de 0,028, et surtout une inclinaison de 7° 30'. Cette dernière particularité permettrait, si on se trouvait à sa surface, d’admirer un paysage merveilleux, avec Saturne et ses anneaux parfaitement visibles un peu de dessus. Les autres satellites sont précisément dans le plan des anneaux, qui n’y sont vus que par la tranche.

Encelade (Saturne), Miranda et Ariel (Uranus)

Encelade et Miranda sont de petits satellites, dont la masse est de l’ordre de celle de la calotte Antarctique. Les forces de marées y sont assez faibles, et ne peuvent dégeler de la glace d’eau. Mais on peut envisager d’autres matériaux, à point de fusion bien plus bas. L’hydroxyde d’amonium, par exemple, fond à -97℃. Il faut beaucoup moins d’énergie pour le fondre, et des marées bien plus faible peuvent y suffire. Est-ce crédible ?

L’hydroxyde d’amonium, comme son nom l’indique, est formé par du gaz ammoniac dissous dans l’eau. A très basse température, le taux de solution est très élevé. Il se forme un ion NH4+ associé à l’ion OH-. C’est un composé dont les ingrédients, eau et ammoniac, sont abondants dans cette région du système solaire. Par conséquent sa formation est très probable. Si la température monte, le gaz s’évapore. Il peut créer une pression capable de percer la croûte de glace, et produire une sorte de volcanisme.

Le volcanisme terrestre, ou martien, ou vénusien, construit de grands édifices qui accumulent les matériaux éjectés. Rien de tout ça dans les satellites qui nous intéressent. Leur surface est lisse, et d’aspect semblable aux mers lunaires (Ganymède, Encelade, Dioné, Triton).


Surface d’Encelade Nasa/JPL/Space Science Institute

Toutefois, il y a sur Miranda et Ariel de larges crêtes symétriques, et sur Encelade de petits dômes arrondis d’origine volcanique probablement. Les crêtes font quelques centaines de kilomètres de long, pour plusieurs kilomètres de hauteur. Elles se sont formées par extrusion de matériaux le long des failles de la croûte, qui se sont déposés sur de vieux terrains.

La hauteur des édifices volcaniques dépend de la fuidité de la lave. Plus elle est fluide, plus elle s’étale. Sur Encelade, Ariel et Miranda, ils s’élèvent entre 500 et 2.500 mètres. C’est trop haut pour être de l’eau pure. Si on y dissous de l’amoniac, surtout s’il y a des cristaux, on peut obtenir la viscosité nécessaire. De l’alcool (méthanol CH3OH) peut y contribuer. Mais l’amoniac n’a pas été détecté.

Les plus petits satellites. Encelade, Ariel, Miranda ont pu être soumis à des forces de marées qui les ont chauffés. Même Dionée, Théthys, Titania, montrent des altérations de la surface, qui trahissent une faible activité.

Uranus

Satellites d’Uranus

L’albéo des satellites d’Uranus est seulement de 20 à 40 %, malgré la croûte de glace. Callisto, avec 18 % est presque aussi sombre que la Lune. Mais la glace est si transparente que peu de poussières suffisent à la rendre sombre. La surface de ces corps est donc au moins contaminée par des matières sombres. Callisto n’a que 15 à 45 % de glace en surface. Mais les cratères d’impact récents montrent des éjectas clairs, ce qui prouve que la contamination n’est que superficielle.

Le matériau contaminant est sombre. Sa signature spectrale est compatible avec celle des tholins, hydrocarbures qui se forment lorsqu’une matière organique est soumise à des décharges électriques par exemple. Mais l’origine est peut-être aussi dans des impacts cométaires, ou dans la pluie de micrométéorites. Mes ions de la ceinture magnétique de Jupiter jouent sans doute un rôle.

La Surface d’Europe est jeune, et n’a pu accumuler des débris extérieurs ; elle est pourtant recouverte d’une substancee rougeâtre sombre. L’origine est différente de celle de Ganymède et de Callisto. Il est probable que ce soit des sels, provenant de l’océan sous-jacent, ou alors des sulfates éjectés par les volcans de Io.

La surface des autres satellites de Saturne et d’Uranus est aussi sombre malgré la glace qui en est le principal constituant.

Triton

Triton orbite à l’envers (sur une orbite rétrograde) autour de Neptune. L’orbite est pratiquement circulaire. Mais le mouvement rétrograde est incompatible avec une formation simultanée de Neptune et Triton. Triton, au contraire, est très probablement une petite planète capturée par Neptune, comme l’atteste un travail théorique de Bill McKinnon. Dans ces conditions, Triton a probablement la même origine que Pluton et les autres objets de la ceinture de Kuiper interne.

Comment un objet de Kuiper peut-il se retrouver en orbite autour de Neptune ? Un corps qui approche une planète gagne de l’énergie, puis passe au plus près, et restitue l’énergie acquise pour s’éloigner d’autant. Ceci est tout à fait semblable à une planète sur une orbite fortement elliptique : de l’aphélie au périhélie, elle transforme de l’énergie portentielle en énergie cinétique, puis du périhélie à l’aphélie, elle fait la transformation inverse. La capture n’est donc pas évidente. Même en l’admettant, il est encore difficile d’obtenir une orbite circulaire, comme c’est le cas pour Triton. Mais un choc avec un satellite existant autour de la planète peut apporter l’énergie de freinage suffisante pour la mise en orbite. Les calculs indiquent que 90 % de Triton ont dû être fondus lors de la collision. La surface originale a été de ce fait totalement détruite. La surface est très peu cratrisée, et son âge est évalué à moins de 50 millions d’années. C’est l’un des corps du système solaire dont la surface est la plus active.


Terrain cantaloupe sur Triton NASA/JPL/Universities Space Research Association/Lunar & Planetary Institute

La géologie de Triton est très variée. La surface est couverte de flots de lave considérables, mais aussi de types de terrains inhabituels. C’est le cas de terrains nommés cantaloup (Cantaloup est une variété de melon, dont le melon de Cavaillon. Son origine est en Italie, près de Rome, dans le village de Cantaluppa). Le nom du terrain vient donc de l’aspect, qui rappelle l’écorce du melon. Ces régions sont formées par la convection interne du satellite, les cellules ayant une quarantaine de kilomètres de diamètre. Il s’ensuit une surface bosselée, qui fige ces cellules de convection, en formant des crêtes entourant des dépressions fermées. Ils se sont formés lorsque la croûte s’est retournée, formant un vaste champ de diapirs.


Eruption de Tvashtar NASA/JPL/Universities Space Research Association/Lunar & Planetary Institute

Voyager a découvert des geysers sur Triton : matériau sombre qui monte jusqu’à 8 kilomètres d’altitude. On a longtemps pensé que l’énergie du Soleil produisait ces éruptions, mais il se pourrait que l’énergie interne y suffise.

La densité de Triton montre qu’il contient 30 % d’eau. Là aussi, il pourrait y avoir un océan en profondeur. Mais en surface, on trouve d’autres glaces, CO2 gelé, et même N2, CH4, et CO. La température de 35 K leur permet de ne pas s’évaporer. Cependant, N2 et CH4 sont à la limite, et ne sont donc pas gelés totalement. Ils forment la fine atmosphère du satellite. En profondeur, ces glaces doivent donner de nombreuses molécules en se combinant.

Transneptuniens

Pluton

Les objets transneptuniens sont formés aproximativement de 1/3 d’eau (en masse) et de 2/3 de roches (en volume, 1/2 de chaque). Lors de la formation du système solaire, Neptune est soupçonné d’avoir éjecté de nombreux petits corps glacés qui s’étaient formés non loin. Les interactions gravitationnelles qui éjectaient ces corps, soit vers le Soleil, soit vers les confins du système où ils allaient former le nuage de Oort, ont modifié peu à peu l’orbite de Neptune. Les calculs et simulations ont montré que quelques 10 masses terrestres ont ainsi été éjectées, et que dans le même temps de 10 millions d’années, Neptune s’est déplacée de 7 UA. Dans sa migration, Neptune s’est approchée de Pluton, qu’elle a capturé dans la résonance 3:2. A partir de là, son sort était lié à celui de la planète, qui l’entraînait avec elle pour maintenir la résonance. Ceci n’est pas vrai du seul Pluton, mais aussi d’un grand nombre d’objets transneptuniens pris successivement dans diverses résonances : un sur quatre est dans ce cas. Ceux qui partagent la résonance 3:2 sont nommés Plutinos. Il est statistiquement impossible que tant d’objets se soient formé spontanément dans de pareilles résonances. Seule la migration de Neptune l’explique. Celle-ci est donc attestée par l’existence des résonances.


Pluton Eliot Young (SwRI) et al., NASA

Ceci est la meilleure image actuelle de Pluton. Ele ne montre pas beaucoup de détails !

La sonde New Horizons a été lancée le 19 janvier 2006, elle a survolé Jupiter le 28 février 2007, profitant de son assistance gravitationnelle, et elle survolera Pluton et Charon le 14 juillet 2015. Elle passera à 9.600 km de Pluton, et seulement 27.000 km de Charon (il est possible que ces paramètres soient modifiés). Les cameras donneront des images allant jusqu’à une résolution de 25 m / pixel. Le côté éclairé par le Soleil sera entièrement cartographié en couleurs avec une résolution de 1,6 km / pixel. Une cartographie infrarouge sera également réalisée, permettant de comprendre les propriétés thermiques des deux objets. La sonde devrait aussi apporter des informations sur les petits satellites de Pluton, Nix, Hydra, et les deux derniers non encore nommés (P4 et P5). La sonde ne dispose pas de moteurs lui permettant de se mettre en orbite autour de Pluton. Elle le survolera, et continuera sa route vers le système solaire externe. Selon les objets de Kuiper qui seront connus au moment du survol, la sonde pourra être déviée de sa trajectoire inertielle pour s’approcher d’un ou plusieurs objets plus lointains encore de la ceinture de kuiper.

NH3 gelé a été détecté sur Charon.

Résumé

L’environnement des planètes géantes est extrêmement complexe. Les satellites sont nombreux, et s’influencent les uns les autres. Ces interactions, jointes à la forte attraction de leur planète, produisent des marées qui chauffent l’intérieur par frottement. C’est ce qui justifie l’activité importante de ces petits corps, qui sans cela seraient figés depuis longtemps. On note de nombreux échanges de matière entre eux. Ce n’est pas très étonnant, puisque leur gravité est faible. Les matériaux de surface leur sont facilement arrachés, et ils peuvent aller contaminer la surface d’un voisin. Ils peuvent aussi alimenter les anneaux de la planète. Ces corps si lointains du Soleil, qu’on imaginait gelés et inertes, ont donc trouvé des sources d’énergie suffisante pour leur donner vie ! (au moins sur le plan géologique).

Les atmosphères

Les mondes glacés sont caractérisés par leur composition, et par leur atmosphère.

Les atmosphères des différents corps du système solaire sont très différentes, et leur compréhension est indispensable. Mercure n’a pas d’atmosphère, parce que sa masse est trop faible pour en retenir une. D’ailleurs, si près du Soleil, il faudrait une très grande masse pour empêcher les atomes, que la chaleur anime d’une grande vitesse, de s’échapper dans l’espace.

Vénus et Mars ont une atmosphère constituée essentiellement de gaz carbonique CO2. Celle de la Terre est dominée par l’azote moléculaire N2, avec de l’oxygène comme second constituant. Pourquoi ? Ces trois planètes sont de même nature, et se sont formées dans la même région du système solaire.

La nébuleuse qui a donné naissance au système solaire, et aux planètes en particulier, contenait essentiellement de l’hydrogène et de l’hélium. Les autres éléments sont en bien moindre abondance. On pourrait imaginer que la Terre ait capturé une partie de cette nébuleuse pour se constituer une atmosphère à base d’hydrogène et d’hélium. Mais la gravité est trop faible pour qu’une telle atmosphère soit stable. Les gaz hydrogénés, CH4 qui devaient exister dans cette région du système solaire en particulier, sont détruits par le rayonnement ultraviolet du Soleil, et l’hydrogène trop léger s’échappe. Les molécules ne peuvent donc pas se reformer, et ces gaz sont progressivement éliminés.

D’où viennent les constituants que l’on trouve aujourd’hui ?

Le gaz carbonique

Cette interrogation va nous mener vers les petits corps glacés lointains. Tout d’abord, le constituant principal des atmosphères de Vénus et Mars, le gaz carbonique, provient de l’oxydation du méthane de la nébuleuse CH4. Son abondance dans ces deux planètes est en accord avec cette origine. Pour la Terre, c’est la présence de l’eau et la vie qui ont transformé le gaz carbonique en carbonate, qui se sont précipités et ont produit les massifs calcaires. Si on calcinait tout ce calcaire, on en tirerait assez de CO2 pour donner à l’atmosphère de la Terre une pression de 70 atmosphères au moins. Pour Vénus il n’y a jamais eu d’eau liquide, et pour Mars elle n’est pas resté assez longtemps pour avoir un effet sensible. Le gaz carbonique est donc expliqué, passons à l’azote.

L’azote

Titan, Triton et Pluton ont une atmosphère dominée par l’azote, tout comme la Terre.

L’azote a été trouvé par spectroscopie, peu après le méthane. On a donc cru quelques temps que ce dernier était le constituant principal de l’atmosphère. Mais ces deux gaz ne comprtent pas du tout pareillement vis-à-vis de la spectroscopie. Le méthane est facile à détecter, ses raies sont fortes même s’il est peu abondant. Par contre, l’azote est beaucoup plus discret. Ses raies sont faibles, même s’il est abondant. Pour le détecter, il faut qu’il soit dans une phase condensée, liquide ou solide. Sa pression de vapeur est 10.000 fois plus grande que celle du méthane à une température donnée, ce qui signifie que si les raies sont aussi fortes pour les deux gaz, l’azote est 10.000 fois plus abondant que le méthane. C’est ainsi qu’on a pu montrer que l’atmosphère de Triton est dominée largement par l’azote.

Le sol est recouvert de glaces, dont l’albedo est élevé. Avant de savoir cela, les mesures photométriques, combinées avec un albedo estimé trop bas (0,2), indiquaient un diamètre du satellite presque double du diamètre réel (5.000 km au lieu de 2.600). Cette erreur importante a des implication sur l’estimation de la température (60 K au lieu de 36), et par suite sur l’état thermodynamique des gaz : solide, liquide, ou gazeux ?.

En considérant d’abord les roches terrestres elle-mêmes (ou martiennes, ou vénusiennes, mais qui sont semblables), on constate vite que l’azote est difficile à expliquer. L’oxygène terrestre vient du gaz carbonique, décomposé par la vie, il ne pose pas de problème. L’argon est le troisième constituant de l’atmosphère terrestre, et sa provenance n’est pas claire.

Le point de fusion du méthane étant de 90 K, il devait être à l’état solide sur Triton (avec du gaz, mais pas de liquide). Pour l’azote, le point de fusion est à 63 K, trop proche pour décider. Il pourrait y avoir du liquide. Lorsque Voyager 2 a enfin pu observer le disque de Triton, son diamètre a été divisé par deux, et sa température superficielle ramenée à 40 K. C’est en-dessous du point de fusion de l’azote, qui ne peut donc finalement se trouver à l’état liquide.

Atmosphère de Pluton

Une occultation d’une étoile brillante par Pluton a permi de déterminer la courbe de lumière. S’il n’y a pas d’atmosphère, l’étoile disparaît brutalement. Dans le cas contraire, elle s’éteint progressivement, et la vitesse d’extinction permet de tracer la densité de l’atmosphère en fonction de l’altitude. On a ainsi déterminé une température de l’atmosphère de Pluton de l’ordre de 55 à 60 K, en supposant qu’elle était contituée de méthane. Cette température est comparable à celle des parties les plus chaudes de la surface.

Pendant la baisse de luminosité, on a observé une brusque diminution de la lumière. Elle s’expliquerait par la présence d’une couche de brumes ou de nuages, mais aussi par une brusque variation de la température. Or peu de temps après, on a découvert que l’azote était le principal constituant de l’atmosphère. La masse volumique de l’azote étant bien plus élevée que celle du méthane, ceci remettait en question l’évaluation de la température par l’interprétation de la courbe de lumière. On obtenait maintenant 100 à 105 K. Par conséquent, il doit y avoir une inversion de température au niveau du sol, la température augmentant avec l’altitude.

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