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Mis à jour
le 18/08/17
 Rayons cosmiques
 

Les rayons cosmiques ne sont pas des rayons (ondes électromagnétiques), mais des flots de particules arrivant de l’espace, parfois à très grande vitesse.

Un laboratoire a été installé dans le massif du Mont-Blanc au début du XXe siècle, afin d’étudier ces particules. Il est situé sur l’arête ouest de l’aiguille du Midi, laquelle est accessible par un téléphérique. Du coup, les petits aiguilles qui hérissent cette arête ont pris le nom de "cosmiques".


Aiguille du Midi - la flèche indique l’observatoire des cosmiques photo J. Gispert

Les particules du rayonnement cosmique sont des protons, ou des particules alpha, et quelques électrons. Elles arrivent à des vitesses relativistes, et frappent les atomes de l’atmosphère terrestre. La violence des chocs entraîne des réactions au cours desquelles une gerbe de particules secondaires est créée. Cette gerbe peut soit parvenir au sol, soit être absorbée par l’atmosphère, soit enfin produire d’autres réactions, qui donneront naissance à des particules tertiaires. Ainsi, l’arrivée d’une particule dans la haute atmosphère se traduit au sol par une gerbe de particules contenue dans une surface elliptique.

Les rayons cosmiques constituent un merveilleux laboratoire pour les physiciens des particules. En effet, certaines sont animées de vitesses qu’on ne peut encore atteindre dans les accélérateurs de particules.

 

Nature des rayons cosmiques

Ce très mauvais terme ne s’applique pas à un rayonnement, mais à un flot de particules constitué essentiellement de noyaux atomiques et d’électrons. On le conserve pour des raisons purement historiques. Les électrons ne participent que pour 1 % à peu près.

Ces particules circulent dans l’espace à des vitesses relativistes, mais les physiciens ont l’habitude de traduire ces vitesses en énergie cinétique. Les particules des rayons cosmiques atteignent parfois des énergies de 1020 eV.

eV se lit "électron-volt"

C’est l’énergie que l’on transmet à un électron lorsqu’on l’accélère dans un champ électrique de 1 volt, sur une distance de 1 mètre

Si ce nombre ne vous dit absolument rien, il suffira de le comparer à la masse au repos d’un proton pour éclairer un peu la situation. La masse au repos du proton vaut 938,27 MeV. Divisons l’énergie de la particule par cette valeur :

1020 eV / 938,27 106 eV = 1020 eV / 9,3827 108 eV = 1 / 9,3827 1012 = 0,1065791297 1012 = 106,5791297 109

Conclusion : l’énergie transportée par cette particule correspond à la masse de 106 milliards de protons…

En unités plus anciennes, cette énergie se chiffre à 16 joules. C’est suffisant pour soulever une brique de plusieurs centimètres ! Une brique soulevée par un proton…

Les rayons cosmiques ne sont pas rares, on observe une particule par 1.000 m3.

Coupure GZK

Lorsqu’un proton se déplace à grande vitesse dans l’espace rempli par les photons du fond cosmologique à 2,7 K, si son énergie est suffisante, il interagit avec un photon, et produit une paire pion-antipion. L’énergie de masse de ces deux particules est prélévée sur l’énergie cinétique du proton, qui est donc ralenti d’autant. Or l’énergie de masse de la paire de particules est de 1019 GeV. Les protons d’énergie supérieure vont donc perdre l’excédent, jusqu’à ce que leur énergie soit en-dessous de cette limite.

Cette énergie limite est donc l’énergie maximale qu’un proton peut posséder s’il a voyagé dans l’Univers baigné du fond diffus cosmologique. Ayant été imaginée théoriquement par Greisen, Zatsepine et Kouzmine, on la nomme coupure GZK.

Mais le problème est que l’on a observé des protons cosmiques d’énergie supérieure à 3 1020 eV. Où est l’erreur ? Si c’est la coupure GZK qui est fausse, alors la Relativité Restreinte trouve une faille, car elle est à la base de la théorie. Mais une explication moins coûteuse est envisageable : si le proton n’a parcouru qu’une petite distance dans l’espace, il n’a pas eu le temps d’interagir avec le fond cosmologique, et son énergie s’explique. L’existence de proton à si haute énergie est encore un problème non résolu.

Origine

C’est un problème qui se pose depuis longtemps. Les rayons cosmiques semblent provenir de toutes les directions de l’espace, ne privilégiant donc aucune source particulière. D’autre part, l’énergie de ces particules appelle une explication quand au mécanisme accélérateur.

On a supposé qu’ils provenaient de l’extérieur de notre Galaxie, sans pouvoir le démontrer. Mais des observations récentes ont prouvé le contraire.

Lorsque des particules douées d’une telle énergie parcourent le milieu interstellaire, il se produit des collisions avec le gaz, et l’énergie échangée dans ces chocs se manifeste par des rayons gamma d’une centaine de MeV. Si les rayons cosmiques baignent l’Univers, il doit y en avoir autant dans les autres galaxies, et ils doivent interagir avec leur milieu interstellaire. La proportion de rayons gamma produits doit être la même. Or des mesures faites dans le Petit Nuage de Magellan ont montré 5 fois moins de rayons gamma que ce qu’on attendrait. Ceci doit suffire pour exclure cette hypothèse.

Donc, les rayons cosmiques sont produits dans notre Galaxie. Il reste à savoir où et par quel(s) mécanisme(s).

Production des rayons cosmiques

La très grande diversité des énergies observées est une indication qu’il n’existe pas un mécanisme unique de production des rayons cosmiques. Certains trouvent leur origine tout près de nous.

Toutes les étoiles, au cours de leur vie, perdent de la masse par vent stellaire. Dans la phase géante rouge tout particulièrement, cette déperdition est très importante. Mais sur la Séquence Principale, le vent stellaire est déjà conséquent.

Pour le Soleil, la perte de masse est de 10-13 M par an. Le vent solaire est un flux de particules (protons et particules alpha = noyaux d’hélium) très chaudes, qui constitue un plasma. Le nombre de particules émises est fonction du cycle de 11 ans. Au niveau de la Terre, où on peut les observer, on détecte 5 atomes par cm3 pendant les périodes calmes, et 10 fois plus en période d’activité. Les vitesses d’éjection sont dans la même proportion entre 500 et 5.000 km/s, et la température est au minimum de 100.000 K.

Le Soleil étant tout proche, on peut observer son fonctionnement dans le détail. Ainsi, des satellites ont mesuré pendant de longues périodes le champ magnétique produit. Les lignes de champ, qui s’éloignent perpendiculairement à la surface du Soleil, sont entraînées par la rotation du Soleil. Mais elles sont piégées par les particules chargées du vent solaire, et le résultat de ces interactions donne des lignes en spirale. Le champ magnétique du Soleil atteint à peine 10 μgauss, toujours au voisinage de la Terre.

Le vent solaire est animé de vitesses suffisantes pour s’échapper à l’attraction de notre étoile. Il est logique de penser qu’à une certaine distance, il va rencontrer le milieu interstellaire. Ce dernier étant au repos par rapport au Soleil, les particules du vent solaire produisent une onde de choc, qu’on peut considérer comme la limite du système solaire. Les deux sondes Voyager, qui ont quitté la Terre en 1977 et visité les planètes géantes, ont ensuite continué leur route vers les étoiles. Actuellement, Voyager 2 émet toujours, et se trouve à plus de 13 milliards de km de la Terre. On pense qu’il approche de cette frontière du système solaire, qu’on appelle héliopause.

L’espace autour du Soleil, jusqu’à cette limite, est la cavité solaire. Nous sommes à l’intérieur, et protégés des influences extérieures par le champ magnétique du Soleil et le flot de particules du vent solaire.

Les particules du vent solaire qui approchent de la Terre sont piégées dans le champ magnétique de la Terre. Celui-ci les écarte de nous, ce qui est une excellente chose pour la vie ! La Terre étant en première approximation un dipôle magnétique, les particules chargées sont guidées vers les pôles magnétiques (le pôle nord se trouvant au nord du Canada). Les interactions entre ces particules rapides et les atomes de la haute atmosphère terrestre donnent les aurores polaires. Les particules qui arrivent à plus basse latitude doivent lutter contre le champ magnétique pour atteindre la haute atmosphère et produire des aurores, qui sont de ce fait d’autant plus rares que la latitude est plus basse.

Mais les rayons cosmiques ont d’autres provenances. Beaucoup viennent de l’extérieur du système solaire, et se dirigent donc grossièrement vers le Soleil. Pour parvenir jusqu’à la Terre, ils se heurtent au vent solaire qui progresse en sens inverse. Supposons que le flux de particules extérieures soit constant. Le vent solaire étant fortement modulé par l’activité solaire dans le cycle de 11 ans, lui offre une résitance très variable. De ce fait, même les particules extérieures subissent une modulation rythmée par l’activité solaire. Les particules extérieures qui atteignent la Terre directement ont une énergie supérieure à 1 GeV/nucléon (chaque nucléon possède au moins une énergie de 1 GeV). D’autres, moins énergétiques, subissent des collisions aves les particules de vent solaire, et sont diffusées. A chaque choc, elles changent de direction et perdent de l’énergie. Très peu de particules d’énergie inférieure à 100 MeV/nucléon arrivent jusqu’à nous.

La variation périodique du flux de rayons cosmiques en fonction de l’activité solaire est nommée modulation solaire.

L’activité solaire est faite du cycle de 11 ans, auquel s’ajoutent de nombreuses variations rapides, telles les éruptions solaires. Au cours d’une éruption, un flux très intense de particules est émis en très peu de temps. Lorsqu’il atteint la Terre, il produit de belles aurores, et perturbe les communications radioélectriques. Ces particules constituent le rayonnement cosmique solaire.

Rayons cosmiques galactiques

Les particules provenant de l’extérieur doivent avoir une grande énergie pour parvenir jusqu’à nous, au moins 1 Gev/nucléon. D’autre part, si une particule est dotée d’une énergire trop grande, le champ magnétique général de la Galaxie ne suffirait pas pour la piéger, et elle pourrait provenir de plus loin. Pour concilier tout cela, on considère que les atomes dont l’énergie est comprise entre 1 et 106 GeV/nucléon sont les cosntituants du rayonnement cosmique galactique.

Ce schéma montre les abondances des éléments de l’hydrogène jusqu’au germanium. La courbe bleue correspond aux abondances moyennes dans la Galaxie, alors que la courbe rouge montre les abondances dans les rayons cosmiques galactiques. Dans les parties où la seule courbe rouge est visible, elles sont parfaitement superposées.

La première chose à voir sur ces courbes est que les deux montent ou descendent sur les mêmes éléments. Par exemple, en passant du silicium (Si) au phosphore (P), les deux courbes descendent ; puis en passant à l’élément suivant, le soufre (S), elles remontent toutes les deux. Ce comportement d’ensemble s’explique par des propriétés très semblables.

Les deux courbes se superposent, indiquant une abondance identique, pour l’hydrogène et l’hélium ; tous les autres éléments sont surabondants dans les rayons cosmiques. Ceci n’est que la partie la plus apparente d’un phénomène plus général :

L’abondance des éléments dans les rayons cosmiques diminue
quand l’énergie nécessaire pour ioniser cet élément augmente

Il semble donc qu’un élément participe d’autant plus volontiers aux rayons cosmiques qu’il est ionisé, donc présente une charge électrique. Si on met en parallèle cette remarque et la vitesse des particules, on arrive à l’idée que les rayons cosmiques pourraient être des atomes ionisés accélérés grâce à leur charge électrique. Bien sûr, pour que ceci soit possible, il faut que les atomes soient isolés, donc ne fassent pas partie d’un grain interstellaire. Or le fer, en particulier, s’attache très facilement aux grains, et seule une petite proportion inférieure à 1 % est sous forme d’atomes libres. On ne devrait pas en trouver dans les rayons cosmiques. Seulement, les grains sont parfois chargés électriquement, par perte d’électrons. Il sont eux aussi accélérés par les champs magnétiques. Bien sûr, avec leur grande masse, l’accélération est beaucoup moins efficace que pour les atomes, mais tout de même, les grains finissent par acquérir une grande vitesse. Avec cette vitesse, un choc avec un atome lui fait perdre des atomes de surface, par un phénomène d’érosion. Les atomes arrachés sont alors accélérés à leur tour, et participent aux rayons cosmiques.

Mais on y remarque aussi des abondances plus élevées en général, mais tout particulièrement pour certains éléments dont les plus légers lithium, bérylium et bore. Leurs abondances sont de 1 à 10 millions de fois plus élevées dans les rayons cosmiques que dans la Galaxie dans son ensemble. On sait que ces éléments, en particulier le lithium, sont très fragiles, et détruits dès qu’ils se trouvent mélangés à la matière d’une étoile : à une température de 10 millions de degrés, facilement atteinte au cœur d’une étoile, il est totalement détruit en quelques millions d’années. Ces trois éléments sont les seuls à être détruits et non produits dans les étoiles. La matière éjectée dans l’espace par l’explosion de l’étoile en fin de vie n’en contient plus. La petite proportion des éléments légers, présente dans la composition initiale de l’Univers, disparaît progressivement au cours de l’évolution. La très forte abondance de ces éléments dans les rayons cosmiques implique un mécanisme de formation : les réactions de spallation. Lorsqu’un atome de carbone, d’azote ou d’oxygène, est heurté par un proton ou une particule alpha du rayonnement cosmique, il est cassé et les atomes légers Li, Be et B sont des débris. Ces collisions sont suffisament fréquentes pour justifier l’abondance très élevée des trois éléments en question.


Modulation solaire

Les courbes représentées sur ce schéma indiquent les abondances des rayons cosmiques, en fonction de l’énergie des particules.

Les courbes en rouge donnent l’abondance des protons (noyaux d’hydrogène), celles en bleu correspondent à l’hélium, et celles en jaune au fer. On remarque tout de suite que les deux courbes de la même couleur se confondent vers les hautes énergies, et divergent vers les basses. Dans les basses énergies, les courbes se dédoublent non pas parce qu’il y a simultanément deux valeurs différentes des abondances, mais les courbes basses indiquent les abondances mesurées pendant un minimum d’activité solaire, alors que les plus hautes correspondent aux périodes d’activité. Les courbes sont dédoublées dans la gamme d’énergie où la modulation solaire agit.

Enfin, la partie de courbe en noir en haut du schéma est un résultat théorique, appuyé sur deux études différentes. Il indique ce que serait l’abondance des protons s’il n’y avait pas la modulation solaire, ou si vous préférez ce qu’elle doit être en dehors de la cavité solaire.

Accélération des ions

Les explosions de supernovæ fournissent l’énergie nécessaire pour accélérer les rayons cosmiques. Cependant, les rayons cosmiques ne sont pas simplement les particules éjectées à grande vitesse, car leur composition n’est pas la même. Ce sont les ondes de choc produites par les explosions qui fournissent l’énergie à des atomes déjà présents. Une façon de le vérifier est de faire le bilan énergétique : l’énergie dégagée dans les explosions de supernovæ est 10 fois plus grande que celle des rayons cosmiques.

L’accélération par des ondes de choc est loin d’être triviale. Il n’est pas possible de simplifier le problème pour en obtenir un traitement simple, car alors il n’y a pas d’accélération du tout. Il faut vraiment prendre en compte une situation proche de la réalité, dans laquelle le champ magnétique est très irrégulier et variable. Alors, on montre que les particules peuvent être accélérées fortement et, de plus, on vérifie que cette accélération ne dépend pas des conditions initiales des particules : quelles que soient leurs vitesses initiales et leur distribution dans l’espace, le résultat est le même. Ceci signifie que les irrégularités du champ ont fait perdre aux particules toute mémoire de leurs origines. Un peu comme si on vous bande les yeux, et on vous fait tourner sur vous-même quelques secondes : vous ne saurez plus du tout dans quelle direction vous regardiez avant.

Cette approche théorique reste toutefois limitée par la très grande complexité du milieu, et la variabilité des champs. Il y a un champ de fond, mais le flux de particules chargées apporte une composante qui perturbe. Autrement dit, les particules sont perturbées par le champ magnétique, et modifient le champ... Une autre approche consiste à calculer par ordinateur l’évolution du phénomène. Elle permet de supprimer certaines approximations faites par l’approche théorique, en particulier de tenir compte des particules de plus basse énergie.

La méthode numérique a montré que la zone de choc n’était pas une discontinuité (passage brusque d’une valeur à une autre très différente), mais une variation progressive des paramètres du gaz. Cette zone s’étend sur une profondeur de l’ordre du parsec.

D’autre part, elle a prouvé que les noyaux plus lourds sont accélérés plus efficacement que les protons et, surtout, que les électrons sont très peu sensibles à l’accélération. Ceci pourrait bien expliquer la faible proportion d’électrons dans les rayons cosmiques (< 1 %).

Si on extrapole, on pense que les poussières seront très bien accélérées aussi. Or les matériaux non volatils sont collés aux poussières, et se trouvent pourtant dans les rayons cosmiques. Si les poussières sont accélérées, et si elles subissent de violents chocs avec des ions, les éléments volatils qu’elles transportent peuvent être arrachés et se retrouver libres dans le rayonnement cosmique. Ce problème serait ainsi résolu.

Observation

Les rayons cosmiques ont été découverts grâce à un simple électroscope à feuilles d’or. Ces appareils se déchargent lentement au cours du temps, sans cause apparente. Après avoir envisagé toutes les causes possibles, il restait une décharge inexplicable.

De multiples expériences en divers endroits de la Terre, à différentes altitudes, nortamment en ballon, ont montré que le phénomène est variable avec l’altitude.

Finalement, la création de la chambre à brouillard a permi de visualiser des traces de particules électrisées, qui sont responsable de la décharge de l’électroscope. L’examen approfondi de ces traces a même entraîné la découverte d’une nouvelle particule élémentaire !

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