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Mis à jour
le 17/08/17
 Transferts d’énergie
 

 

Les mécanismes de transfert d’énergie sont primordiaux pour comprendre de nombreux domaines de l’astrophysique. Mais ils sont variés et complexes. Voici donc un chapitre à part pour en donner les explications essentielles.

Le transfert d’énergie est le problème central du fonctionnement des étoiles. Si la chaleur n’était pas évacuée, la température augmenterait, ce qui entraînerait une augmentation induite de la pression (car on est dans un gaz parfait), et l’étoile exploserait très vite. Ce n’est pas le cas, elle est en parfait équilibre (son volume ne change pas au cours du temps, au moins sur des durées de quelques milliers d’années). Donc, toute l’énergie produite au centre est évacuée dans l’espace. Elle émerge sous forme de rayonnement. Le problème qu’on va étudier ici est de savoir comment, et sous quelle forme, l’énergie produite au centre peut atteindre la surface.

Les mécanismes de transfert d’énergie

Il existe trois mécanismes qui permettent de transporter l’énergie : la conduction, la convection et la radiation. Ces mots savants cachent des phénomènes très simples que l’on voit tous les jours.

Transport conductif, ou conduction

Prenez un morceau de tuyau de cuivre d’un quinzaine de centimètres de long ; tenez-le par une extrémité et plaçez l’autre dans la flamme d’une cuisinière (mais finissez de lire ce paragraphe avant…). Laissez chauffer un moment. C’est fait ? Alors vous avez compris ce que c’est que la conduction : les atomes du matériau (ici le cuivre qui est l’un des meilleurs sur ce plan) placés dans la flamme reçoivent de l’énergie, qui augmente leur agitation ; il la communiquent à leur voisins, qui augmentent leur agitation et ainsi de suite. C’est pour cette raison que vous vous êtes brûlé… si vous n’avez pas tout lu avant !

Dans une étoile, qui est entièrement gazeuse, la conduction ne joue pratiquement aucun rôle, car la faible densité du gaz transmet très mal la chaleur (il n’y a qu’à observer ce qui se passe en hiver dans une pièce loin d’un radiateur…).

Transport convectif, ou convection

Prenons maintenant une casserole, remplissons-la d’eau froide, posons-la sur la même cuisinière (qui aurait pu imaginer que ce soit un instrument d’expériences scientifiques…). Le gaz éteint, laissons l’eau se reposer un peu et observons-la : elle semble parfaitement immobile, nous ne constatons aucun mouvement. Allumons le gaz et attendons. Bientôt, nous allons voir des bulles se former au fond de la casserole, annonçant l’ébullition prochaine. Mais l’eau semble toujours calme. Puis, assez rapidement, elle va commencer à bouger : on voit de petits mouvements, qui bientôt vont produire des tourbillons bien visibles. Ce sont les mouvements de convection. L’eau qui se trouve au fond de la casserole est chauffée directement par le gaz (par la conduction de la casserole). Sa température s’élève, et par conduction encore, elle va en donner une partie à l’eau située au-dessus. Mais ce mécanisme de conduction, dans le cas de l’eau, est assez peu efficace, et la température de la couche d’eau au fond de la casserole continue de s’élever, beaucoup plus rapidement que celle des couches supérieures. Il s’ensuit une différence de température importante entre le fond et la surface de l’eau. Or la densité de l’eau dépend de sa température : l’eau au fond de la casserole, dilatée, se trouve alors plus légère que l’eau de surface. Etant plus légère, elle va monter vers la surface sous la poussée d’Archimède, et de l’eau froide lourde va descendre vers le fond. L’eau chaude arrivée en surface va se refroidir au contact de l’air (essentiellement par transformation d’une partie de l’eau en vapeur), et donc s’alourdir. D’autre part, l’eau froide, qui vient d’arriver au fond, se chauffe à son contact, et donc s’allège. On a à nouveau de l’eau légère au fond et de l’eau plus lourde en surface ; l’eau froide va descendre, et l’eau chaude monter. On voit que ce cycle peut se perpétuer, tant qu’il reste de l’eau dans la casserole !

Les mouvements de convection sont beaucoup plus efficaces que la conduction que nous avons vue avant.

Voici trois phénomènes terrestres dont le principe est la convection :

  • Montgolfières
    Une montgolfière est un simple sac léger et imperméable dans lequel l’air est chauffé par un brûleur. Cet air voit sa densité diminuer, et donc il s’allège. Devenant plus léger que l’air autour, il monte, par la poussée d’Archimède.
  • Courants marins
    L’eau de mer à l’équateur reçoit beaucoup plus d’énergie du Soleil qu’elle n’en rayonne dans l’atmosphère. Elle se chauffe donc. Par contre, l’eau de mer aux pôles se refroidit très rapidement par rayonnement, et ne reçoit que très peu d’énergie du Soleil. On a donc un océan divisé en deux zones, l’une chaude et l’autre froide. Il faut assurer un transfert d’énergie entre les deux pour équilibrer, et c’est la convection qui s’en charge : l’eau chaude de l’équateur remonte vers le pôle, et une quantité équivalente d’eau froide du pôle descend se chauffer au Soleil. L’exemple le plus proche est constitué par le Gulf Stream, courant chaud qui se forme dans les Caraïbes et remonte vers le nord en passant près de la Grande Bretagne (ce qui procure à l’Europe de l’Ouest un climat assez tempéré) se dirige vers le pôle en s’incurvant vers l’ouest. Là, l’eau se refroidit, se contracte donc, et s’alourdit. Elle plonge vers le fond de l’océan au niveau de l’Islande. Une quantité d’eau équivalente, froide, redescend vers le sud en passant près de New-York (dont le climat en hiver est parfois glacial). C’est le courant froid du Labrador. A la convection s'ajoute un phénomène de salinisation-désalinisation, qui confère à ce mécanisme le nom de circulation thermo-haline.
  • Alizés
    Les vents alizés sont semblables aux courants marins ; ils sont une conséquence dans l’atmosphère de la convection qui transporte de l’énergie de l’équateur vers les pôles.
  • Convecteurs
    Certains radiateurs électriques fonctionnent sur le principe de la convection. Ils sont constitués d’une simple boîte métallique, avec une résistance placée en bas. Le bas et le haut sont ajourés, pour laisser passer l’air. L’air au contact de la résistance se chauffe, s’allège, et monte. Il va chauffer la pièce. De l’air froid le remplace, et le cycle continue.

Transport radiatif

Présentez votre main devant un bon feu dans la cheminée : vous sentirez la chaleur à distance, sans qu’il y ait de mouvement de matière (les gaz chauds montent, ils ne se déplacent pas horizontalement). C’est que le feu émet un rayonnement électromagnétique (comme de la lumière) qui transporte de l’énergie. Ce rayonnement, en frappant votre main, vous communique son énergie, ce qui vous chauffe par absorption du rayonnement. C’est l’infrarouge qui donne la sensation de chaleur.

Ce mécanisme joue aussi dans les étoiles, mais il y a une grosse différence avec le feu : les rayons infrarouges que le feu émet s’en échappent librement. Parce que l’air autour est pratiquement transparent. Ce n’est pas le cas dans une étoile.

Voyons-nous directement les photons qui viennent du centre d’une étoile ? Il faudrait pour cela que le reste du Soleil soit parfaitement transparent ! Au fait, que signifie "transparent" ? Que la lumière peut traverser l’objet sans en être modifiée, sans être absorbée, sans interactions. Ce n’est pas le cas à travers une vitre épaisse : elle absorbe une partie de la lumière qui la frappe, et n’en restitue qu’une partie de l’autre côté ; de plus, elle paraît verte (parce qu’elle absorbe davantage les rayons rouges). Les rayons infrarouges de chaleur passent encore moins. Ce n’est pas non plus le cas de l’eau : à 10 mètres sous la mer, on voit la luminosité nettement diminuée, et les couleurs ont disparu au profit du bleu (même raison que pour la vitre). En fait, aucun milieu matériel n’est totalement transparent. Le Soleil n’échappe pas à la règle, et les photons qu’il produit en son centre n’ont à peu près aucune chance d’en ressortir vivants ! Ils sont immédiatement absorbés par un atome, qui en récupère l’énergie ; l’atome est alors excité, et instable. Au bout d’un temps plus ou moins long (à notre échelle, infiniment bref), il va se désexciter en réémettant le photon dans une direction quelconque : il a autant de chance de repartir vers le centre de l’étoile que d’aller vers l’espace ! il est en quelque sorte prisonnier de l’étoile ! La densité est suffisante pour que le libre parcours moyen (entre émission et absorption) ne dépasse pas le millimètre ! Le photon a peu de chances de passer entre les gouttes -pardon-, entre les atomes. A ce jeu-là, le photon va mettre un million d’années avant de parvenir à s’échapper du Soleil. Les photons que nous voyons aujourd’hui ont été produits en moyenne il y a un million d’année (beaucoup plus pour certains, beaucoup moins pour les plus chanceux…).

La fin de cette errance pourrait se produire lorsque, la densité diminuant vers la surface, le libre parcours augmente, et le photon a des chances de survivre. Mais dans un gaz plus raréfié, le transfert d’énergie radiatif devient trop peu efficace. L’absorption trop importante chauffe le gaz, trop opaque, qui se dilate et s’allège… Vous avez déjà compris que la convection se met en place. C’est elle qui prend le relais pour assurer le dégagement de l’énergie, et évite l’explosion de l’étoile.

La trajectoire des photons à l’intérieur du Soleil s’appelle marche aléatoire. C’est un phénomène bien connu dans bien d’autres domaines : l’ivrogne qui sort du bar s’avance selon une marche aléatoire aussi mais, plus curieusement, c’est aussi le cas des cours de bourse 

Si vous établissez un quelconque rapport entre l’ivrogne et le boursier, c’est bien entendu sous votre entière responsabilité,
l’auteur de ces lignes n’en voit naturellement aucun.

Application

Les modèles actuels d’étoiles nous indiquent qu’elles sont constituées, en allant du cœur vers la périphérie, de diverses couches, et dans chacune l’un de ces mécanismes est prépondérant : au centre, c’est le mécanisme radiatif qui évacue l’énergie ; ensuite, une couche convective importante brasse la matière de l’étoile comme l’eau dans la casserole, et permet de manière très efficace de transporter l’énergie vers la périphérie. Enfin, une couche radiative superficielle rayonne vers l’espace la lumière que nous voyons.

La densité des étoiles étant trop faible, la conduction n’y joue pratiquement aucun rôle, sauf dans certains astres compacts.

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