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le 17/08/17
 Satellites de Saturne
 
Table des matières
1 Catalogue
2 Titan avant l’exploration spatiale
   2.1 Découverte de Titan
   2.2 Premières propriétés
   2.3 Diamètre
   2.4 Masse et masse volumique
   2.5 Rotation
   2.6 Atmosphère
   2.7 Surface
3 Observations in situ
   3.1 Les sondes
   3.2 Le duo Cassini-Huygens
   3.3 Panique sur Terre
4 L’atmosphère
   4.1 Formation de l’atmosphère
   4.2 Traversée de l’atmosphère
   4.3 Les brumes
   4.4 Composition de l’atmosphère
   4.5 Aérosols
   4.6 Vents
   4.7 Orages
5 Le sol
   5.1 Photos aériennes
   5.2 Consistance du sol
   5.3 Taille des cailloux
   5.4 Chimie au sol
   5.5 Bilan atmosphérique
   5.6 Dunes
   5.7 Carte
   5.8 Océan
   5.9 Mers et lacs
   5.10 Intérieur de Titan
6 Résumé pour Titan
7 Courte bibliographie
8 S2 Encelade
   8.1 Encelade avant Cassini
   8.2 Surface d’Encelade
   8.3 Encelade et l’anneau E
   8.4 Volcanisme
   8.5 Volcanisme et anneau E
   8.6 Structure interne
9 Hypérion
   9.1 Forme
   9.2 Mouvements
   9.3 Surface d’Hypérion
10 Japet
   10.1 Mouvement et forme de Japet
   10.2 Dichotomie
   10.3 Surface de Japet
11 Phoebé
12 Mimas
13 Téthys
14 Dioné
15 Rhéa
Les 60 premiers…

1 Catalogue

Saturne possède plus de 60 satellites connus. Le plus gros, Titan, qui a été étudié in situ par une sonde, est assez bien connu. Pour les autres, la situation est variable. La sonde Cassini, en orbite autour de Saturne, en croise certains sur sa route, à distance plus ou moins grande. Au passage, elle prend des photos, faut des mesures. Mais la précision des unes et des autres dépend bien sûr de la distance d’approche. Aussi y a-t-il une grande disparité dans les observations disponibles aujourd’hui.

Voici la liste des satellites auxquels un nom a déjà été donné.

Ils sont classés en 4 familles :

Les satellites non mentionnés dans cette liste sont provisoirement nommée S/année Sx, où le premier S signifie satellite, année est l’année de la découverte, le second S désigne Saturne, et x est le numéro d’ordre de la découverte dans l’année. Ainsi, S/2004 S8 est le huitième satellite de Saturne découvert au cours de l’année 2004. Vous pourrez trouver des données complètes en consultant l’IMCCE.

Titan

2 Titan avant l’exploration spatiale

Titan va s’octroyer la part du lion dans cette étude, car il est de loin le mieux connu des atellites.

2.1 Découverte de Titan

Titan a été découvert par Christiaan Huygens le 25 mars 1665. A cette date, la Terre passait dans le plan des anneaux et ceux-ci, extrêmement minces, disparaissaient de la vue. Le satellite était alors plus facile à détecter. Huygens a observé assez longtemps pour déterminer une orbite correcte, et être capable de préciser la période. Il fallait publier la découverte.

L’information circulant difficilement et lentement à cette époque, il a eu peur qu’un autre lui vole l’antériorité. Il l’a alors annoncée un an plus tard par une anagramme en latin, pour prendre date. Cette méthode avait été utilisée auparavant par Galilée. Voici l’anagramme :

Admovere oculis distantia sidera nostris, vvvvvvvcccrrhnbqx

La première partie, lisible en latin, est un ver du poète latin Ovid (Ils ont rapprochés les lointaines étoiles de nos yeux). L’ensemble des lettres doit être remis dans l’ordre pour trouver l’énigme. Huygens a finalement publié sa découverte le 6 mars 1656, et donné la clé de son annagramme :

Saturno luna sua circumducitur diebus sexdecim horis quatuor.

Ce qui signifie : Une lune tourne autour de Saturne en 16 jours et 4 heures. Après les satellites galiléens de Jupiter, la vision nouvelle du monde se renforce.

2.2 Premières propriétés

C’est William Herschel qui l’a nommé, ainsi que les six autres satellites connus à son époque.

Vu depuis la Terre, ce n’est qu’un minuscule point lumineux. Même le télescope spatial ne peut obtenir des images détaillées. Il est toutefois le plus brillant des satellites de Saturne. Bien visible donc, on a pu sans peine déterminer ses paramètres orbitaux précisément.

La durée de révolution sidérale de Titan autour de Saturne est de 16 jours, correspondant à un demi grand-axe de 1.222.000 km. Il est le quatorzième satellite par ordre d’éloignement croissant à la planète.

Sa période de révolution sidérale, temps que met Titan à faire un tour complet autour de Saturne, par rapport aux étoiles, et de 15 j 22 h 56 mn, ou 15,955449 jours. Cette valeur est inférieure à celle publiée par Christiaan Huygens, car elle est corrigée du mouvement de la Terre autour du Soleil.

L’orbite se trouve exactement dans le plan équatorial de Saturne, son inclinaison étant nulle. Son excentricité est aussi faible e = 0,029. L’orbite est donc assez proche d’un cercle situé dans le plan équatorial, qu’il partage avec les anneaux.

2.3 Diamètre

Le diamètre de Titan atteint 5.150 km, ce qui en fait le second satellite du système solaire, juste derrière Ganymède (qui ne fait que 65 km de plus en diamètre). Titan est même plus gros que Mercure, qui n’atteint que 4.666 km. Son diamètre a été longtemps sous-estimé, car sa mesure était basée sur un calcul réalisé d’après un albédo supposé. C’est le passage des sondes Voyager qui a permis de déterminer correctement sa valeur. Les photos transmises par ces sondes n’ont pas montré de détails de sa surface, mais elles ont confirmé l’existence d’une atmosphère dense, avec des nuages d’altitude qui masquent perpétuellement le sol.

2.4 Masse et masse volumique

La masse d’un satellite est difficile à évaluer, car la méthode habituelle, fiable, consiste à déterminer la masse d’un corps en observant un autre corps qui lui tourne autour. Ici, rien de tel. On se base donc sur les perturbations que le satellite fait subir à un autre corps. La planète Saturne ne convient pas, sa masse étant bien trop grande. Il a fallu alors déterminer les perturbations infligées aux satellites proches, mais avec une précision assez faible. Aujourd’hui, on a une estimation assez précise de 1,37 1023 kg. Connaissant le diamètre, on en déduit la masse volumique ρ = 1,9 g cm-3.

2.5 Rotation

Titan a été synchronisé par les marées par rapport à Saturne, et tourne sur elle-même dans le même temps qu’elle orbite autour de Saturne, soit 15,955449 jours. Ainsi, Titan montre toujours la même face vers Saturne. Mais les nuages empêchent de voir la planète depuis son sol… si on pouvait s’y trouver.

2.6 Atmosphère

L’atmosphère de Titan a été découverte par José Comas Solà en 1908, en observant un assombrissement au bord du petit disque (semblable à l’assombrissement au bord du Soleil). A la suite de cette découverte, Jeans a fait une étude théorique qui a montré que les gaz de masse moléculaire supérieure à 16 étaient stables dans les conditions de température qui règnent là-bas. L’amoniac (masse moléculaire 17) serait candidat, mais il est solide à cette température. Le froid était supposé geler également l’argon, le néon, l’azote moléculaire. Le méthane est également candidat, il présente de belles bandes d’absorption qui permettent de le détecter facilement, ce qui a été fait par Kuiper en 1944. L’éthane a été découvert par Gillet en 1973, puis en 1974 Strobel propose un ensemble de réactions chimiques susceptibles de créer tout un ensemble d’hydrocarbures. Ceci sera à vérifier.

La température moyenne de Titan est de -178.

2.7 Surface

La question est vite tranchée : depuis la Terre, le satellite n’est qu’un disque minuscule dans les meilleurs télescopes, et sa surface est entièrement cachée par des nuages permanents. Impossible donc d’en apprendre quoique ce soit. Il faudra attendre des méthodes nouvelles pour obtenir quelques renseignements sur le sol de ce satellite.

3 Observations in situ

3.1 Les sondes

La sonde Pioneer 11 a été lancée pour étudier la ceinture d’astéroïdes, Jupiter et Saturne. Elle a survolé Titan le 2 septembre 1979 à 363.000 km de sa surface. Bien que la distance minimale soit équivalente à la distance Terre-Lune, cette approche a apporté bien des renseignements sur Titan, en particulier sur son atmosphère et la couverture nuageuse qui le voile perpétuellement.

Les deux sondes Voyager ont été lancées peu après pour explorer les planètes géantes. Utilisant l’assistance gravitationnelle, elles ont rebondi d’une planète à l’autre, en commençant par Jupiter. Voyager 1 a exploré les deux premières, Jupiter et Saturne, puis continué sa course vers les confins du système solaire. Voyager 2, utilisant une trajectoire plus complexe, a pu continuer vers les deux planètes suivantes, Uranus et Neptune. Mais cette option lui a interdit de s’approcher de Titan. Ces sondes étaient donc encore des missions de survol. Il n’était pas question d’emporter moteurs et carburant pour une mise en orbite. Le but du jeu était au contraire une découverte de 4 planètes d’un coup !

Bien plus tard, viendra le projet très ambitieux Cassini-Huygens d’exploration de Saturne (Jupiter ayant été la cible de la sonde Galileo). Cassini et Galileo sont des orbiteurs, destinés à une étude de longue durée et précise d’une seule planète (bien que Cassini ait observé Jupiter au passage…). Le module européen Huygens est un atterrisseur prévu pour analyser l’atmosphère de Titan, et donner des photos lors de sa descente et au sol.

Titan est le premier satellite, la Lune mise à part, sur lequel se soit posée une sonde.

3.2 Le duo Cassini-Huygens

Toutes les données recueillies par les sondes Voyager ont fait de Titan une cible de choix pour une future mission, mais l’éloignement de Saturne, et le prix à payer pour y envoyer une sonde conséquente, ont différé cette entreprise. Pire, il n’existait pas de fusée capable de propulser directement l’engin vers la planète, et on a dû recourir à l’assistance gravitationnelle de Vénus, ce qui a bien allongé le voyage.

L’expérience Cassini-Huygens est une coopération entre l’ESA et la NASA. Elle consiste en deux sondes distinctes, la première (Cassini) de construction américaine destinée à se placer en orbite autour de Saturne pour étudier la planète et ses satellites. La seconde (Huygens), plus petite et plus légère, doit être transportée pas Cassini, et son but est l’analyse en détail de Titan, atmosphère et sol.

Le problème numéro un pour une sonde est la source de courant électrique, pour alimenter les capteurs, caméras, et l’émetteur radio pour transmettre les données. Le petit module a été transporté au voisinage de Titan par Cassini, qui s’est mise en orbite autour de Saturne. Après largage par Cassini, Huygens devait effectuer la fin du voyage pendant trois jours, au cours desquels il n’avait pas grand-chose à faire, donc peu de besoins en électricité. En arrivant dans la haute atmosphère, les expériences commencent. La descente dure 2 heures et 27 minutes. La sonde peut ensuite fonctionner quelques temps au sol, avec certaines limitations : les conditions qui règnent à la surface de Titan donnaient à penser que les hydrocarbures devaient être liquides. On envisageait même que la surface soit couverte d’un océan de méthane, dans lequel la sonde aurait sombré. L’espoir qu’elle puisse fonctionner longtemps après l’atterissage était donc mince, mais les informations qu’elle pouvait transmettre étaient cependant très prometteuses.

On peut alors tabler sur un temps de fonctionnement de l’ordre de trois heures. Une simple batterie convient parfaitement pour fournir le courant pendant ce temps, à condition de n’être pas trop gourmand.

On devait donc limiter la puissance électrique, et par suite la puissance radio. Impossible, dans ces conditions, d’envoyer les informations directement vers la Terre. Or il y avait dans les parages la sonde Cassini, qui était capable d’effectuer cette transmission. Alors, Huygens a été équipé d’un petit émetteur capable d’envoyer les données vers Cassini, qui les a stockées en mémoire, puis retransmises à la Terre un peu plus tard. Pour que ceci soit possible, il faut que Cassini soit visible du sol de Titan pendant toute la durée de l’expérience.

Cassini emporte un radar à synthèse d’ouverture, tout comme la sonde Magellan qui a cartographié Vénus, lui permettant de cartographier les satellites auprès desquels elle passe. Plus de 120 survols de Titan lui ont permis de récolter des renseignements sur le sol, permettant une cartographie quasi complète du satellite.

Huygens s’est posée sur Titan le 14 janvier 2005. Les images et données, relayées par Cassini, sont arrivées un peu plus tard, et ont été distribuées sur le web.

3.3 Panique sur Terre

Le lancement du vaisseau a eu lieu le 15 octobre 1997. Après le lancement, un problème majeur a été soulevé : pour être économe en électricité, le système de transmission radio est calé sur une fréquence bien précise. Ainsi, l’énergie est concentrée dans cette bande, sans pertes. Mais lorsque Huygens sera largué par Cassini, les deux vaisseaux auront des vitesses différentes. Alors, l’un s’éloignant de l’autre, un effet Doppler affectant le signal émis par Huygens empêchera sa réception par Cassini ! Fort heureusement, cette erreur de conception a été comprise longtemps avant l’arrivée vers Saturne. Les ingénieurs ont alors déterminé une nouvelle trajectoire du vaisseau, qui permettrait de réduire considérablement la vitesse relative de Huygens par rapport à Cassini. La date de largage a été modifiée, toute la trajectoire a été redéfinie. Etant encore loin de Saturne, une très légère correction (peu coûteuse en carburant) a été suffisante. Plus tard, la consommation aurait dépassé les réserves, et la mission Huygens aurait été perdue…

Huygens ne disposait d’aucun moteur pour corriger sa trajectoire. C’est la sonde Cassini qui devait l’injecter directement sur le bon chemin. Ce qui fait que Cassini elle-même devait se trouver, avant la séparation, sur une orbite qui l’aurait amenée à s’écraser sur Titan. Juste après la séparation, elle devait manœuvrer pour se placer sur une orbite sans danger. Le système d’éjection a lancé Huygens à la vitesse de 33 m/s par rapport à Cassini, et l’a fait tourner à 7,5 tour/seconde, afin de le stabiliser par effet gyroscopique.

Il est tout à fait remarquable que tout ait fonctionné parfaitement, après un voyage de 7 ans dans l’espace, et compte tenu de la complexité de la petite sonde européenne. Les phases de descente sont très complexes, plusieurs parachutes successifs ont été nécessaires, avec une séquence d’ouverture préprogrammée, mais modulée par des mesures d’altitude et de pression. Malgré une connaissance préalable très limitée de l’atmosphère de Titan (profil de pression et vent), la sonde a été prévue suffisamment adaptable à un environnement mal connu pour que tout se passe parfaitement. Elle est capable d’adapter son programme de descente (largage des boucliers, des parachutes…) en fonction des mesures.

Huygens s’est posé sur un sol solide : il n’a pas sombré dans un océan… Une fois au sol, il a continué à fonctionner parfaitement, et a transmis une image du sol. Une seule, car la caméra est fixe ; une caméra mobile aurait été trop lourde. La batterie a bien tenu, et la transmission des données s’est faite depuis le sol pendant 1 heure 12 minutes, et aurait duré plus longtemps, mais Cassini a disparu au-dessous de l’horizon de Huygens après ce temps. La petite sonde a sans doute continé à émettre, mais les informations ont été perdues faute de relais.

4 L’atmosphère

4.1 Formation de l’atmosphère

Titan s’est formé à partir de la nébuleuse présolaire qui entourait Saturne, il y a à peu près 4,5 milliards d’années. Son atmosphère s’est constituée à partir de cette nébuleuse, et contenait beaucoup d’hydrogène. Or il n’y a pas eu de source d’oxygène, comme sur Terre. L’atmosphère est donc restée réductrice.

4.2 Traversée de l’atmosphère

Nous allons voir comment les informations ont été acquises au cours de la descente, en commençant donc par le haut. Les mesures physiques qui ont été faites ne sont pas spectaculaires, et nécessitent une longue analyse pour livrer leurs secrets. La sonde embarquait un instrument destiné à analyser, pendant la descente, les aérosols qu’on observe dans l’atmosphère de Titan. Pour cela, elle devait effectuer trois prélèvements différents à 180, 40 et 25 km d’altitude, et les analyser immédiatement, déterminant la composition, la forme et la taille de ces aérosols. Elle possédait aussi un spectromètre de masse en phase gazeuse, instrument permettant de déterminer le poids des molécules analysées (donc de déterminer de quoi elles sont faites).

4.3 Les brumes

Une première couche de brumes se trouve à partir de 500 km d’altitude. Au-dessous, le ciel est clair, puis la couche principale, plus importante, est rencontrée vers 200 km d’altitude. Ces brumes ont empêché les sondes Voyager de découvrir le sol. La sonde a montré qu’elles sont constituées principalement de méthane.

Les particules qui constituent la couche principale de brumes, la plus basse, ont un diamètre moyen de 1 micromètre. Elles sont non sphériques, ou bien il existe différentes tailles réparties sur la hauteur.

Les deux principaux niveaux de brumes
référence
Détails d’une couche de brumes
référence

4.4 Composition de l’atmosphère

Les deux sondes Voyager ont montré que l’atmosphère de Titan est de couleur orangée. Cette coloration provient de composés organiques issus du méthane.

Une analyse spectrale de la haute atmosphère de Titan a été faite lors du survol de Voyager 1 le 12 novembre 1980. Puis la sonde est passée derrière Titan, et son émission radio a été filtrée par l’atmosphère du satellite, y laissant son empreinte spectrale. On en a déduit en particulier le poids moléculaire moyen. On a ainsi découvert que la haute atmosphère de Titan était constituée de :

azote N296 %
méthane CH43,4 %
gaz organiques (acide cyanhydrique, cyanoacéthylène)0,6 %
des hydrocarburestraces

Le gaz carbonique n’a pas été détecté, ni la vapeur d’eau.

La présence des hydrocarbures a confirmé les prédictions de Strobel. On y a détecté :

acétylèneC2H2éthylèneC2H4éthaneC2H6méthyl acétylèneC3H4propaneC3H8
acide cyanhydriqueHCHcyanoacétylèneHC3NcyanogèneC2N2monoxyde de carboneCOdioxyde de carboneCO2

Huygens a confirmé les analyses précécentes, en précisant les abondances, et en donnant une analyse sur toute l’épaisseur de l’atmosphère.

La vapeur d’eau est absente, car la température trop basse provoquerait sa condensation très rapide. Cette absence a une conséquence importante pour la chimie atmosphérique : les molécules d’eau sont dissociées, à haute altitude, par les rayons UV du Soleil (et même cassées par les particules énergétiques de la magnétosphère de Saturne). Elles sont donc une source d’oxygène, et celui-ci détruit le méthane CH4 pour donner du gaz carbonique CO2 (dioxyde de carbone). Le méthane atmosphérique est donc en permanence détruit par des processus photochimiques (comme dans l’atmosphère de la Terre), ce qui diminue sa concentration.

De plus, il ne peut rester durablement dans l’atmosphère, car il se condense pour former les brouillards, qui finissent par tomber en pluie sur la surface. Le processus est le même que celui qui assure la condensation de la vapeur d’eau en nuages dans notre atmosphère, nuages qui donnent à leur tour des pluies. Le méthane étant ainsi éliminé de l’atmosphère par les pluies, devrait rapidement disparaître. Sur Terre, l’eau atmosphérique est remplacée par l’évaporation à la surface.

Pour expliquer la présence du méthane de Titan, il est nécessaire d’envisager un mécanisme régénérateur, qui assure son renouvellement permanent (continu ou par à-coups). Ce mécanisme est inconnu.

Le spectrographe de masse permet de mesurer les rapports isotopiques dans l’atmosphère. Ainsi, le rapport 12C/13C renforce l’idée d’un apport continu ou périodique de méthane. Le rapport 14N/15N semble indiquer que l’atmosphère de Titan a été dans le passé 5 fois plus dense qu’aujourd’hui, l’azote manquant ayant été perdu dans l’espace par la faible gravité du satellite. En effet, c’est l’isotope le plus léger qui est sous-abondant. La seule explication raisonnable à une perte plus importante du plus léger des deux isotopes est un échappement de l’atmosphère dans l’espace (le plus léger acquiers un peu plus facilement la vitesse de libération). Et pour obtenir les abondances relatives actuelles, à partir d’un rapport isotopique normal (comme dans le reste du système solaire), il faut considérer que l’atmosphère ait été 5 fois plus dense dans le passé.

Les constituants mineurs de l’atmosphère sont des hydrocarbures divers et variés, contenant souvent de l’azote : groupes imino (>C=NH, le signe > indiquant deux liaisons, le signe = une double liaison), groupes amino (-NH2, - désigne une simple liaison), groupes nitrile(-C≡N). On trouve évidemment de l’éthane, de l’acéthylène, de l’éthylène. Entraînés par la pluie de méthane, ils doivent se reconstituer en permanence par des réactions photochimiques entre le méthane et l’azote. L’atmosphère doit donc présenter une chimie très intéressante… Le sol aussi, nous le verrons plus loin.

Les gaz rares ont été recherchés : 36Ar, 38Ar, Kr, Xe. On connait les abondances de ces gaz dans les météorites, dans les atmosphères de Vénus, la Terre, Mars et Jupiter. Ils proviennent de la nébuleuse pré-solaire, et leur incorporation directe dans l’atmosphère de Titan devrait refléter cette abondance. Or ce n’est pas le cas pour 36Ar, il y en a beaucoup moins. Son lien avec l’azote implique que le N2 atmosphérique de Titan a été incorporé sous forme de molécule azotée, amoniac NH3 ou autre.

Huygens a observé aussi de l’argon 40 40Ar. Or cet isotope ne peut provenir que de la désintégration radioactive du potassium 40 40K. Ce potassium ne peut se trouver que dans les roches qui constituent le centre de Titan. Il faut donc troiver un mécanisme pour amener l’argon produit dans l’atmosphère. Si tout se passait comme sur Terre, on aurait observé 10 fois plus de 40 40Ar. Par contre, si après la formation de Titan son intérieur était assez chaud pour qu’un océan interne d’eau, ou d’amoniaque (solution aqueuse de gaz amoniac), l’argon aurait pu remonter, et se libérer à faible taux aujourd’hui. Cette hypothèse expliquerait du même coup l’alimentation de l’atmosphère en méthane.

4.5 Aérosols

La sonde devait effectuer trois prélèvement pendant la descente. Deux ont été faits, le premier entre 130 et 35 km d’altitude, le second entre 25 et 20 km. Les propriétés optiques des aérosols sont celles de tholins (formés par réaction entre l’azote et le méthane), pour les deux prélèvements. La calcination des aérosols (dans un petit four destiné à cet usage), a donné de l’amoniac NH3, et de l’acide cyanhydrique HCN. Ceci confirme que les aérosols sont des molécules contenant azote et carbone. Il n’y a ps de différences notables entre les deux prélèvements.

4.6 Vents

La sonde était équipée d’un appareil spécial pour la mesure du vent. Mais la seule chose qui n’ait pas fonctionné a entraîné la perte de ces données. Huygens communiquait avec Cassini par deux canaux radio différents. Les données étaient, par sécurité, envoyées pour la plupart sur les deux canaux (redondance). Seules quelques unes ne transitaient que par un seul canal A. Or sur la sonde Cassini, pendant la descente de Huygens, l’un des canaux était arrêté… parce qu’on avait oublié de le mettre en marche.

Les données sur le vent ont été obtenues en grande partie grâce aux radiotélescopes sur Terre, qui ne pouvaient pas reconnaître le signal de Huygens trop faible, mais ont capté l’onde porteuse. De son analyse par effet Doppler, la trajectoire du module a été déterminée, et par suite la vitesse et la direction des vents qui le portaient.

Au sol, les vents sont très faibles (tout au moins pendant la durée de l’expérience) : la vitesse mesurée atteint à peine 3,6 km/h. Ceci pose un problème, car les photos ont montré une activité éolienne plus importante à la surface, qui demanderait des vents plus forts.

A 120 km d’altitude, les vents soufflent à 430 km/h, dans le sens de rotation du satellite. Il s’agit donc d’une super rotation, comme sur Vénus. Plus tard, le 3 juillet 1989, Titan a occulté l’étoile 28 Sagittarii. L’occultation a montré que l’atmosphère de Titan n’est pas sphérique, mais aplatie, et ceci prouve qu’à 250 km existe une super rotation en 4 jours au lieu de 16 jours à la surface. L’occultation a aussi permi de mesurer le profil de température de l’atmosphère, et montré qu’il existe une couche d’aérosol à 300 km d’altitude.

Entre 100 et 60 km, le vent s’est curieusement presque annulé. Puis elle a été mesurée à 30 m/s (108 km/h) à 55 km, puis 10 m/s (36 km/h) à 30 km, et 4 m/s (14 km/h) à 20 km. Le vent s’est annulé puis à changé de direction vers 7 km d’altitude. L’aéronomie de Titan est donc bien complexe…

Poussée par les vents, la sonde a dérivé de 168 km par rapport au sol au cours de sa descente.

4.7 Orages

Pour étudier complètement l’atmosphère, on a voulu savoir s’il s’y produisait des éclairs d’orage, des décharges électriques. Si c’est le cas, elle doivent produire des ondes radio caractéristiques, de très basse fréquence. On appele ces ondes résonances Schumann. Ce sont des résonances car les ondes sont piégées entre la surface et l’ionosphère, qui constituent une caisse de réonance.

Pour étudier ces ondes, un instrument a été prévu. Aucun éclair d’orage n’a été détecté sur les photos. Mais des ondes à 36 Hz ont été enregistrées. De plus, on a détecté une ionosphère entre 140 et 40 km d’altitude, avec un pic de conductibilité autour de 60 km.

L’explication de cette fréquence particulière serait une interaction entre l’ionosphère de Titan et le plasma de la magnétosphère de Saturne, qui produit des courants électriques par effet dynamo. La magnétosphère est entraînée à la vitesse de rotation de Saturne, soit un tour en quelques 10 h. Ces courants vont se propager dans l’atmosphère, qui contitue un circuit électrique.

La base de la caisse de résonance ne peut être le sol lui-même, couche glacée non conductrice. Il faut donc un milieu conducteur situé sous la surface. Un océan d’eau salée, ou d’amoniaque, pourrait très bien jouer ce rôle. Il serait situé vers 55 à 80 km sous la surface glacée de Titan.

Voilà comment l’étude d’une propriété de l’atmosphère peut aboutir à la découverte d’un océan en profondeur… Mais cet océan était déjà soupçonné, et on en a détecté dans d’autres satellites.

5 Le sol

5.1 Photos aériennes

Tout au long de la descente, la sonde a pris des photos. Elle était poussée par les vents, et se balançait sous son parachute. Ces mouvements ont permis à sa caméra, fixe, de nous montrer une grande partie du paysage. La camera n’a qu’un champ très réduit. Chaque image prise représente une toute petite partie du paysage. Pour obtenir un panorama, il faut recoller de nombreuses images. De plus, les photos sont prises au cours de la descente, chacun à une altitude différente. Il est facile de changer l’échelle des photos pour les adapter les unes aux autres, mais n’oublions pas que la finesse ne sera pas la même d’un cliché à l’autre. C’est ce qui explique les grandes disparités que l’on voit sur certaines compositions.

La première image reçue a montré une dichotomie entre des zones claires et des zones sombres. La sonde s’est posée, poussée par les vents, dans la partie sombre. Au moment de l’impact, les instruments ont enregistré une brusque et importante augmentation de la concentration atmosphérique en méthane, indiquant que la chaleur de la sonde avait vaporisé du méthane présent dans le sol, probablement sous forme liquide.

Photo composite prise entre 17 et 8 km d’altitude photo Huygens/ESA

La récupération des photos presque en direct, et la découverte de paysages inattendus, a été un véritable émerveillement ! On s’attendait à quelque chose de plus ou moins monotone ; on a vu des paysages extraordinaires. Titan n’est pas un satellite quelconque (y en a-t-il ? ) mais un monde dont les premières images rappellent furieusement la Terre. C’est sans doute pour cela que le choc a été si grand.

Les vallées creusées par ces rivières atteignent 100 m de profondeur, et présentent une forte pente. Lorsqu’elles coulent, l’érosion doit y être intense !

Malgré cette forte activité, ces rivières sont bien insuffisantes pour expliquer le fond marin à sec sur lequel Huygens s’est posée. Pour produire une telle surface plane, il faut envisager des écoulements catastrophiques, que la sonde n’a pas photographiés car ils ne sont pas sur la zone qu’elle a survolée. Ces flots ont dû couler avant les rivières visibles.

Les pentes des continents sont fortes, souvent de 30° (58 %), et très accidentées. L’érosion doit être très intense ! Les vallées sont très profondes.

La photo montre une sorte de rivage, bordant un continent sur lequel de nombreuses rivières sont visibles. Il semble que cette première impression soit la bonne (comment trouver une autre explication…). Ceci mis en correspondance avec les pluies de méthane, incite à penser qu’il y a des précipitations assez fortes, qui produisent un ruissellement, et creusent des rivières dans le sol gelé. Le réseau ci-contre est dendritique : un cours principal avec des affluents, le tout épousant la courbure du terrain.
Le rivage photo Huygens/ESA

La photo ci-dessous est composite. On y distingue nettement les hautes terres claires et la plaine sombre. Sur la droite, on voit un réseau de rivières sinueuses, alors qu’à gauche apparaît ce qui pourrait être une rivière aussi, mais bien droite. Vu de desssus, cette zone montre des zones claires lobées autour de la fissure sombre (voir la première photo ci-dessus). Il pourrait s’agir d’une fissure remplie par des matériaux produits par cryovolcanisme.

Ces réseaux de rivières sont probablement creusés par des pluies de méthane, qu’on imagine comme les pluies dans les déserts terrestres, rares et violentes.

rivage sur Titan
Plaine et collines de Titan photo Huygens/ESA

Le panorama ci-dessous a été pris d’une altitude moyenne de 8 km. La sonde a d’abord survolé la partie gauche, pour finalement se poser vers la droite de l’image.

Panorama de Titan photo Huygens/ESA

La vue de ces images semble indiquer que les parties claires sont des hautes terres, par opposition aux basses terres sombres. La comparaison de deux photos d’une même région, prises à quelques secondes d’intervalle, donne une vision stéréoscopique, et permet de mesurer les altitudes. On trouve ainsi que les hautes terres sont de 50 à 200 m au-dessus des plaines sombres.

Ces dernières, bien planes, ont la consistance du sable mouillé (par du méthane liquide), si on extrapole à partir du site d’atterrissage même, qui se trouve dans cette zone. Les lignes blanches qui soulignent le rivage pourraient être des dépôts laissés là par les flots.

Ci-dessous le même panorama, mais les images ont été mises à l’échelle :

Panorama reconstitué photo Huygens/ESA

Certaines données, nécessaires en particulier pour construire les panoramas, n’ont pas été mesurées, mais déterminées par approximations successives. Pour faire mieux, il aurait fallu embarquer davantage d’instruments de mesure, en alourdissant le module. Alors, la sonde aurait été trop lourde pour les lanceurs disponibles. En conséquence, Huygens représente le meilleur compromis possible. La qualité des résultats qu’elle a apportés le prouve très largement.

5.2 Consistance du sol

La consistance du sol a été mesurée par un accéléromètre qui a enregistré un choc de 15 g (15 fois l’accélération de la pesanteur terrestre) au moment de l’atterrissage. La sonde a touché le sol à une vitesse de 16 km/h. Sur un sol de béton, le choc aurait été bien plus violent : cette mesure indique que le sol est solide, sans être dur. La sonde possède aussi un pénétromètre, petite aiguille métallique destinée à s’enfoncer dans le sol au moment de l’atterrissage. Selon la consistance du sol, elle s’enfonce plus ou moins profondément. La pénétration de 15 cm nous donne un autre renseignement sur la consistance du sol : il est homogène, relativement souple, mais recouvert d’une croûte dure. Le sable du désert (Sahara) présente souvent une telle structure : la pellicule superficielle est consolidée par la chimie de surface ; en-dessous, le sable garde sa consistance normale. Bien sûr, cette analogie s’arrête là, il n’y a pas de tel sable sur Titan. Le sol sur lequel Huygens s’est posé a la consistance de sable humide. Peut-être est-il mouillé par du méthane liquide, ce qui expliquerait l’émission de ce gaz au moment de l’impact.

Sol de Titan
photo ESA/NASA
   

La seule photo du sol montre des galets arrondis. Elle a été prise après l’atterrissage, dans la plaine sombre.

Les galets sont probablement formés de glace d’eau, avec une croûte d’hydrocarbures. L’un d’entre eux présente une petite cavité semblable aux cavités éoliennes creusées à la surface de la Terre dans les zones arides. Mais cette cavité n’a probablement pas pu se produire avec des vents aussi faibles que celui mesuré au sol. Il est donc possible qu’il y ait des périodes de vent bien plus intense.

Les cailloux reposent sur un sol de sable grossier. Ceux qui sont visibles sur la photo mesurent entre 3 mm et 15 cm. Il n’y en a pas de plus gros. La dernière image avant l’atterrissage est à une définition suffisante pour montrer des blocs d’un mètre, mais il n’y en a pas.

Le caillou à gauche de l’image est fracturé. A-t-il été brisé au moment de l’atterrissage ?

La scène est éclairée par le soleil, mais à la distance de Titan, elle est équivalente à la luminosité sur Terre 10 minutes après le coucher du soleil. La coloration est produite par un éparpillement du bleu par les brumes atmosphériques. Le ciel disperse tellement la lumière du Soleil (90 %) que les ombres sont très légères. Lorsque le soleil est bas sur l’horizon, il est invisible.

La répartition des galets sur le sol montre donc que les plus représentés sont entre 5 et 15 cm. Les plus petits doivent être supprimés par les flots, alors que ceux de plus de 15 cm sont trop lourds pour être transportés.

L’ensemble des structures visibles sur Titan peut s’expliquer par un ruissellement produit, soit par des précipitations (système dendritique), soit par cryovolcanisme (système linéaire). Dans les deux cas, il devrait s’agir d’un fluide d’assez faible viscosité. Les matériaux sombres des continents sont arrachés par les flots, et transportés vers la plaine. En s’y déposant, ils en assombrissent le sol. Le transport est facilité par la faible gravité de Titan et sans doute aussi par la faible densité des matériaux transportés. Les matériaux brillants pourraient être de la glace. La plaine sur laquelle Huygens s’est posée est constituée de glace d’eau, plus ou moins recouverte d’hydrocarbures. Cette glace a été observée par Cassini, qui ne voit pas les autres matériaux.

5.3 Taille des cailloux

Ceci est une confirmation de ce que la photo prise du sol a montré. Mais l’intérêt majeur est la découverte d’une nouvelle méthode, gratuite, d’analyse du sol d’un corps céleste.

Huygens a envoyé des signaux pendant 71 minutes après son atterrissage. Un temps assez long. Miguel Pérez-Ayúcar a étudié ce signal, pour en retirer les informations envoyées par la sonde. Mais il a été surpris de constater que le signal se renforçait et s’affaiblissait périodiquement… Il a compris que c’était un phénomène d’interférences, entre le signal direct, et sa réflection sur le sol. Ainsi, le signal reçu contenait des informations sur la structure de la surface ! On en a tiré une taille des cailloux entre 5 et 10 cm, tout à fait compatible avec celle mesurée directement sur les photos.

On a donc une nouvelle méthode d’investigation, applicable dès qu’il y a un appareil au sol, qui communique avec un orbiteur. La zone investiguée ainsi est bien plus vaste que celle accessible par les photos au sol. Dans le cas de Titan, il semble bien que les cailloux soient réguliers, et la méthode est d’application simple. Si les tailles sont très diverses, il est probable qu’elle sera plus difficle à mettre en œuvre. Mais les astronomes y arriveront bien !

5.4 Chimie au sol

Les ultraviolets du soleil plus les électrons énergétiques de Saturne produisent des réactions chimiques qui engendrent les molécules organiques. Il se forme des composés solides que Carl Sagan a nommés tholins (du grec tholos, boue). Un mélange azote + méthane à température très basse et irradié donne des composés organiques à l’origine des acides aminés. Ces particules s’assemblent et tombent. Elles s’entourent d’hydrocarbures en tombant, ce qui a produit au sol une couche de goudrons de plusieurs mètres d’épaisseur.

Arrivés au sol, ces composés assez stables doivent s’accumuler en une couche qui pourrait localement atteindre le kilomètre d’épaisseur. Une chimie au sol devrait, à partir de ces composants, en produire de nouveaux. Le sol de Titan doit être particulièrement riche !

5.5 Bilan atmosphérique

L’accumulation au sol de ces composés, au détriment du méthane atmosphérique, implique un mécanisme de production en dehors du cycle. Sans quoi le méthane disparaîtrait en 10 à 20 millions d’années seulement. Une source envisageable pour le méthane serait un cryovolcanisme (comme les geysers de Triton), qui enverrait dans l’atmosphère du méthane ancien, stocké dans les profondeurs du sol. Une autre analyse conforte cette idée : on a trouvé de l’argon 40 (gaz rare) 40Ar. Or cet isotope n’est pas primordial ; il ne peut provenir que de la décroissance radioactive du potassium 40 (40K). Ce potassium doit exister en profondeur, sous la carapace de glace. En conséquence, Titan manifeste aujourd’hui encore une activité géologique.

Il y a des nuages de méthane, et il pleut du méthane liquide…

5.6 Dunes

Nous allons maintenant voir des aspects du sol découverts par le radar à synthèse d’ouverture de Cassini. Les images sont évidemment reconstituées à partir des données de réflectance obtenues par le radar. Elles sont donc en fausses couleurs.

Les premières images apportent une certaine surprise, en montrant des champs de dunes d’aspect semblable à celles de nos déserts.

Dunes sur Titan
photo Cassini NASA/JPL

On voit des champs de dunes hautes d’une centaine de mètres, parallèles entre elles, et s’étendant sur quelques centaines de kilomètres. L’un de ces champs de dunes atteint 1.500 km. Le plus curieux est la convergence de forme entre ces dunes de Titan et celles de la Terre, alors que tout est différent : le sable n’est pas le même, l’atmosphère est plus épaisse, la gravité est bien plus faible. Il semble que le processus de formation de dunes soit assez robuste pour se satisfaire d’un très large spectre de conditions. Ces champs de dunes sont localisés principalement au niveau de l’équateur.

L’énergie nécessaire pour construire les dunes ne se trouve pas dans le rayonnement du Soleil, si lointain. Mais une autre source est envisageable  : ce sont les forces de marée produites par Saturne. Celles-ci sont 400 fois plus fortes sur Titan que les marées produites par la Lune sur la Terre. Ces forces de marée agissent également sur l’atmosphère, et seraient suffisantes pour produire les vents nécessaires à la construction des dunes.

Deux dunes allongées et sombres, à une trentaine de kilomètres du lieu d’atterrissage de Huygens, sont visibles sur les photos prises pendant la descente, et aussi sur les images radar de Cassini. Elles ont permis de situer le lieu d’atterrissage à la surface de Titan.

Les dunes sont abondantes autour de l’équateur de Titan, où elles constituent de véritables mers de sable. Mais on ne doit pas se laisser abuser par le terme sable. Rien à voir avec le quartz clair de nos plages, ni les obsidiennes noires des plages volcaniques. Les grains sont très probablement constitués d’hydrocarbures et de nitriles, mélangés à de la glace d’eau.

Enfin, pour constituer des dunes avec des vents aussi faibles que ceux observés à la surface de Titan, les grains doivent procéder par saltation, c’est-à-dire par petits sauts près du sol. Processus bien connu sur Terre. Et pour que ce soit possible, ils ne doivent pas dépasser 100 à 300 µm de diamètre. Bref, le sable blond du Sahara semble plus agréable !

5.7 Carte

Il n’existe pas encore de carte publiée pour la surface de Titan. Voici une image infrarouge, de mauvaise définition, prise à l’aide du HST depuis la Terre. Elle montre la répartition des continents (en rouge) et des plaines basses (en bleu).

répartition des continents
répartition des continents photo JPL

5.8 Océan

En étudiant les conditions thermodynamiques (température et pression) qui règnent sur Titan, on a pu envisager l’existence d’un océan de méthane liquide. On a même craint que la sonde Huygens sombre dans cet océan ! Il n’en a rien été, et l’océan global n’existe pas. Mais le méthane peut se trouver sous les trois phases, solide, liquide et gazeux.

L’atmosphère de Titan est au point triple du méthane,

comme l’atmosphère de la Terre est au point triple de l’eau.

Ceci signifie que sur Terre, on trouve à la fois de l’eau liquide, de la glace (eau solide) et de la vapeur dans l’atmosphère. Les conditions de température et de pression qui règnent sur Titan nous permettent donc d’envisager l’existence de mers de méthane, de nuages et de pluies de méthane. On peut y parler de cycle du méthane comme on parle du cycle de l’eau sur Terre.

D’autres hydrocabures, comme l’éthane, peuvent aussi être liquides, et il subsiste une incertitude à ce sujet. Les lacs et mers sont probablement constitués d’un mélange de méthane et d’éthane liquides.

Les conditions physico-chimiques sont favorables à des réactions photochimiques réversibles qui transforment le méthane en éthane, acétylène et éthylène, et même en acides aminés par combinaison avec de l’azote de l’air.

5.9 Mers et lacs

Si l’océan global n’existe pas, on a trouvé des mers et des lacs de méthane. Cette terminologie ne doit pas prêter à confusion : sur Terre, la différence est que les mers sont salées, et non les lacs. Mais sur Titan, la différence ne traduit que la taille des étendues. Les mers sont vastes, les lacs plus petits.

Les grandes mers de Titan
photo NASA

Les mers se trouvent essentiellement près du pôle nord. On y trouve Kraken Mare, Ligeia Mare et Punga Mare. Elles atteignent 1.170, 500 et 380 km de diamètre respectivement. Ce sont les plus grandes étendues liquides observées en-dehors de la Terre.

La profondeur de Ligeia Mare est surprenante, elle a été sondée à 160 mètres par le radar de Cassini, grâce à la transparence du méthane à ses ondes. Il est probable que le fond de ces mers soit tapissé de tholins.

On a observé une grande quantité de lacs, étendues liquides bien plus petites.

Des lacs d’hydrocarbures sur Titan
photo NASA/JPL/USGS

Titan est une Terre congelée. On y voit des ressemblances, avec l’érosion liquide et éolienne, avec des mers et lacs, avec une activité atmosphérique… Mais tout ceci ne doit pas faire oublier les différences ! Toutefois, l’étude approfondie de Titan pourrait nous fournir des idées sur les phénomènes qui ont pu se produire sur la jeune Terre.

5.10 Intérieur de Titan

Les différentes études faites sur le satellite permettent de se faire une idée probablement assez réaliste de sa composition interne.

Intérieur de Titan
schéma NASA

Le cœur du satellite est constitué de silicates hydratés jusqu’à près de 2.000 km du centre.

Au-dessus se trouve une couche de glace d’eau à haute pression. Il ne s’agit pas de la glace qu’on connait sur Terre, à la pression atmosphérique (glace Ih, qui occupe un volume supérieur à celui de l’eau ; le h signifie hexagonal). Mais d’une autre forme cristalline notée VI, et qui est plus dense que l’eau liquide à la même pression. C’est pourquoi cette glace se trouve à ce niveau du satellite.

Au-dessus de cette glace se trouve en effet un océan d’eau liquide.

La pression diminuant, la température aussi, l’eau ne peut plus rester liquide et la couche au-dessus est donc gelée. C’est celle qui arrive à la surface. On devrait y trouver des clathrates, cages de glace emprisonnant des hydrocarbures.

Enfin, l’atmosphère entoure le tout.

Cette structure explique la densité globale de Titan, ainsi que les observations indiquant la présence d’une couche conductrice sous la surface.

6 Résumé pour Titan

Titan ressemble à la Terre sur quelques points, concernant la météorologie, la morphologie du sol et l’activité fluviale :

Mais la grande différence avec la Terre est la température. A -179, l’eau ne peut se trouver qu’à l’état solide. La chimie liée à l’eau doit être limitée, mais celle des hydrocarbures est sans doute très importante. L’étude de Titan et de sa chimie pourrait nous donner de très bonnes indications sur ce qui a pu se passer sur Terre juste après la formation du système solaire, et pourquoi pas nous aider à comprendre l’apparition de la vie.

7 Courte bibliographie

http://sci.esa.int/cassini-huygens/

http://sci.esa.int/cassini-huygens/55221-huygens-titan-science-highlights/

Nombreux articles parus dans la revue Nature le 8 décembre 2005.

Encelade

8 S2 Encelade

8.1 Encelade avant Cassini

Encelade est un satellite moyen, de 505 km de diamètre, ce qui en fait le 6e satellite de Saturne par la taille. Il orbite à 238.000 km de la planète, et les marées l’ont synchronisé. Il fait un tour autour de Saturne et sur lui-même en 32 h 54 mn. Mais sa particularité est d’avoir un albédo extrêmement élevé : il renvoie 90 % de la lumière reçue, ce qui en fait un véritable miroir (le bronze poli a une performance inférieure). De ce fait, les mesures de diamètre fondées sur un albédo moyen se trouvaient fortement surestimées. Il n’était pas possible d’observer quoi que ce soit à la surface. Tout au plus avait-on une idée de sa masse, par l’observation des perturbations qu’il impose aux autres satellites. Il a donc fallu attendre l’arrivée d’une sonde pour apprendre l’essentiel sur Encelade. Voyager en est passé bien trop loin pour donner des renseignements utiles, et nos connaissances viennent essentiellement de Cassini.

8.2 Surface d’Encelade

Sa surface est jeune, présentant globalement peu de cratères. Ceux qui sont visibles sont surtout dans la partie supérieure gauche de l’image, qui est donc plus ancienne que le reste de la surface. Les parties qui ne présentent pratiquement pas de cratères sont très jeunes, ce qui témoigne d’une activité géologique récente du satellite.

La partie lisse montre des failles, des fractures et des coulées diverses. Certaines failles atteignent 1 km de profondeur. Les grandes rayures parallèles que l’on voit à droite sont appelées griffures de tigre. Elles sont situées au pôle sud d’Encelade, et c’est là que se produit l’activité contemporaine.

Encelade lors du survol du 28/10/15 à 50 km
NASA/JPL-Caltech/Space Science Institute

Cette activité géologique nécessite de l’énergie. D’où vient-elle sur Encelade ? Sur un si petit corps, la chaleur primordiale de formation doit être totalement dissipée, et les sources radioactives ont dû disparaître depuis longtemps, par la désintégration. Il reste donc l’énergie gravitationnelle produite par les marées de Saturne sur Encelade.

8.3 Encelade et l’anneau E

Encelade, comme Mimas, Théthys et Dioné, orbite dans un anneau très ténu, l’anneau E de Saturne. C’est un anneau bien discret, formé de particules toutes de même taille, comprise entre 0,3 et 2 µm. Cet anneau est très difficile à observer, et extérieur au système principal. Encelade se trouve à l’endroit où cet anneau est le plus dense. Aussi suspectait-on le satellite d’être la source des particules le constituant. Encore en fallait-il une confirmation, et une compréhension du phénomène.

8.4 Volcanisme

En janvier 2005, peu après sa mise en orbite autour de Saturne, la sonde Cassini a découvert le 16 janvier, sur des photos, une émission de particules de glace produite par Encelade. Ces particules proviennent de la zone autour du pôle sud. Cette région présente des caractères géologiques particuliers. Elle est notamment très jeune, car dépourvue de cratères.

Plumes d’Encelade septembre 2005
photo Cassini, NASA/ESA/ASI
Les plumes d’Encelade
photo Cassini, NASA/ESA/ASI

Ces observations ont fait entrer Encelade dans le club, très fermé, des satellites présentant du volcanisme. Il a en effet rejoint Io, avec ses volcans de souffre, mais sous une forme très différente. Il a été le second satellite actif connu. Pour Encelade, on pourrait plutôt parler de geysers. C’est en tous cas ce qui, sur Terre, en serait le plus proche. Depuis, d’autres satellites ont rejoint ce club !

8.5 Volcanisme et anneau E

Comment ces particules passaient-elles du satellite à l’anneau ? C’était la question sans réponse observationnelle. On pensait alors que les micrométéorites qui venaient frapper la surface d’Encelade lui arrachaient ces particules de glaces, et les expédiait dans l’anneau. Si cette hypothèse était juste, les micrométéorites venant de toutes les directions, les particules entourant Encelade devaient avoir une répartition sphérique, tout autour du satellite. Mais…

La sonde Cassini a, le 14 juillet 2005, observé Encelade dans l’infrarouge, entre 9 et 16,5 µm. Cette observation faite depuis une distance de 84.000 km, donne des détails au sol de 25 km seulement. Par conséquent, les températures mesurées sont des moyennes sur une surface de cette dimension. Il est tout à fait possible que, sur une telle surface, il y ait des températures plus élevées et d’autres plus basses. Les plus élevées justifieraient alors parfaitement la liquéfaction des glaces.

Carte des températures
NASA/JPL/GSFC

Une autre photo, dont le contraste a été fortement renforcé, montre que les éjecta s’étendent dans le ciel sur une hauteur supérieure au diamètre du satellite. Ainsi, il est prouvé que ces particules s’échappent bien d’Encelade.

Plumes d’Encelade surexposées
NASA/JPL/Space Science Institute

Le principe de ce volcanisme est le suivant : le sous-sol du satellite est localement plus chaud, suffisamment pour produire de la vapeur. La pression de celle-ci provoque une faille dans la glace par laquelle elle est projetée dans l’espace. C’est de l’eau salée qui est expulsée, et qui entraîne quelques hydrocarbures. Au contact du froid extérieur, elle se gèle instantanément en petites particules de glaces, toutes plus ou moins du même diamètre. Le mécanisme est assez semblable à nos geysers, au moins pour ce qui est de la production du jet. Ensuite, le scénario diverge car sur Terre la vapeur des geysers ne gèle pas.

Autour du point chaud du pôle sud, on n’observe pratiquement pas de cratères d’impact jusqu’à 55° de latitude sud, preuve que la surface y a été renouvellée récemment. Des plissements parallèles sont présents là où la température est la plus élevée, montrant ainsi une corrélation.

La source d’énergie qui produit cette activité est pour l’instant inconnue. Les effets mécaniques de marée et de libration, ainsi que la radioactivité, sont envisageables.

8.6 Structure interne

D’après les observations connues actuellement, la structure interne d’Encelade doit comprende un noyau rocheux important, surmonté d’une couche d’eau. Celle-ci, sur presque tout le satellite, se trouve à l’état de glace, la température ne permettant pas sa liquéfaction. Par contre, autour du point chaud du pôle sud, l glace fond, et c’est de l’eau liquide qui surmonte la roche.

Structure interne
Pierre Thomas, ENS Lyon

La chaleur produit le volcanisme, sous forme de failles émettant de la vapeur. On trouve ce genre de volcanisme de faille sur Terre, avec par exemple le Laki en Islande (avec un volcanisme de silicates bien sûr). L’élévation de température au pôle sur entraîne une élévation de pression, qui pousse la glace superficielle. C’est ainsi que se formeraient les failles, comme par exemple les griffures de tigre. Tout comme la tectonique sur Terre, le mouvement de la glace produit de la compression autour du pôle, et par conséquent une surrection de montagnes circumpolaires.

S7 Hypérion

9 Hypérion

Hypérion a été découvert par William Lassell en 1848. Dans la mythologie grecque, Hypérion est fils d’Uranus et de Gaia, et frère de Chronos (Saturne).

9.1 Forme

C’est un patatoïde, de 328 × 260 × 214 km sur les trois grands axes. Pour une taille comparable, un corps devrait être moins irrégulier. On estime que c’est vers 500 km que la forme ronde est pratiquement atteinte. Cette forme très irrégulière donne à penser qu’Hypérion à été produit par un choc violent sur un satellite plus gros qui aura été brisé.

La densité d’Hypérion est inférieure à 1, celle de l’eau. Pour être si léger, le satellite ne doit pas contenir une quantité significative de roches. Il doit plutôt être constitué de glace d’eau (détectée par spectroscopie), ménageant en son sein des vides. La spectroscopie a détecté la présence de glace carbonique CO2, et montré que la substance noire au fond des cratères est faite d’hydrocarbures lourds. Donc, on envisage une structure poreuse. Par analogie avec les autres satellites, du méthane doit aussi être mélangés à la glace. Par sa structure, Hypérion est probablement un tas de gravats.

9.2 Mouvements

Hypérion orbite en 21 jours à 1.500.000 km de Saturne, sur une orbite excentrique. Titan est à 1.220.000 km de la planète, et s’éloigne de Saturne comme la Lune s’éloigne de la Terre. Il s’est donc rapproché d’Hypérion, jusqu’à entrer en résonance avec lui. Ils sont maintenant en résonnance 3-4 : Titan fait 4 tours autour de Saturne quand Hypérion en fait 3. Ce qui fait que les deux satellites exécutent un ballet spatial, au cours duquel ils se rapprochent et s’éloignent. Titan étant beaucoup plus massif qu’Hypérion, est beaucoup moins affecté par ces rencontres, et c’est le petit satellite qui danse le plus !

La rotation d’Hypérion, lente, se fait en quelques 13 jours. Mais à cause des perturbations de Titan, elle ne s’est pas synchronisée avec le mouvement orbital, et elle est irrégulière. Difficile de régler sa montre là-bas. Bien sûr, avec la période de rotation, l’inclinaison de l’axe de rotation change aussi en permanence, ce qui rendrait inutile une boussole. Et n’allez pas penser aux saisons !

9.3 Surface d’Hypérion

La distance d’Hypérion à Saturne, alliée à sa petite taille, l’ont empêché de se réchauffer. Ainsi, sa surface n’a pas évolué, et présente toujours les traces des impacts passés.

Structure interne
Cassini Imaging Team, SSI, JPL, ESA, NASA

La surface (peut-on parler d’une surface ici ?) disparaît sous les cratères. On voit tout d’abord un très gros cratère, qui contient des cratères plus petits, qui contiennent… Les bords du gros cratère sont clairs, probablement sont-ils constitués de la glace

La forme des cratères est inusuelle. On ne voit pas de traces d’éjectas, et ceci est surprenant. Lors de l’impact, des matériaux devraient être expulsés et retomber plus loin. Sauf si le matériau du satellite est trop fragile et poreux, et que l’impact ne produit pas, comme ailleurs, une compression suivie d’une brutale décompression qui éjecte ces matériaux. Les matériaux meubles se laissent comprimer. L’impacteur devrait alors se trouver au fond du trou…

S8 Japet

10 Japet

10.1 Mouvement et forme de Japet

Japet est un ellipsoïde, probable forme d’équilibre obtenue avec une période de rotation de 17 heures, à une époque où le satellite était liquide. Il s’est ensuite figé dans cette forme. Du fait des marées, sa période de rotation est aujourd’hui synchrone avec sa période orbitale, de 79 jours 8 heures. De ce fait, Japet tourne toujours la même face vers Saturne, comme la Lune vers la Terre.

Si une face est toujours tournée vers Saturne, une face perpendiculaire est toujours tournée vers l’avant (dans la direction du mouvement).

10.2 Dichotomie

L’hémisphère de Japet tourné vers l’avant est sombre, noir comme du charbon, l’autre est brillant comme de la glace. Le côté sombre est recouvert d’un matériau dont on ignore l’origine. Cette couche fait à peu près un mètre d’épaisseur, et elle est centrée sur cette face avant. Bien qu’on ignore son origine, une explication vient à l’esprit. Le satellite pourrait avoir traversé un nuage de matière organique sombre. Sa face avant aurait été bien plus exposée que sa face arrière. Mais on ne sait pas pourquoi ceci se serait produit.

Japet
NASA

Une caractéristique importante des zones claire et sombre est qu’elles ne se mélangent pas. Il n’y a pas de gris, seulement du noir et du blanc.

Contraste sur Japet
NASA

Lorsque du noir apparaît, les rayons solaires sont absorbés et chauffent autour. Ce qui fait fondre la glace.

10.3 Surface de Japet

L’exploration spatiale a montré, grâce aux photos rapprochées, une autre particularité incroyable : il est très difficile de passer l’équateur. Pourquoi ? parce qu’il y a une ride équatoriale, véritable chaîne de montagnes, longue de 1.300 km, qui atteint 20.000 m d’altitude ! Satellite à la noix, si l’on peut se permettre…

La ride de Japet
NASA

Mais pour que le problème soit plus difficile, la ride ne fait pas le tour complet. Elle est absente sur 1/4 de la circonférence, juste au centre de la face arrière. La tache sombre et la ride semblent donc bien liés; mais pourquoi ?

Cette ride est incroyable ! Comment s’est-elle formée ? Bien sûr, des hypothèses ont été avancées, mais aucune n’obtient de consensus. Si elle faisait le tout complet, on pourrait penser qu’elle s’est produite lorsque le satellite, chaud et en rotation très rapide avec un gros bourelet équatorial, a ralenti en reprenant une forme quasi-sphérique. Ceci aurait dû entraîner, par la contraction, la formation de cette ride… sur tout le pourtour du satellite ! Puisqu’elle est interrompue, ce n’est pas la bonne explication.

A contrario, si on suppose que la ride s’est formée par tectonique, elle pourrait avoir été fracturée en son sommet, et par là, le matériau sombre aurait pu jaillir. Ceci expliquerait que ride et matériau sombre aient la même répartition. L’avenir nous le dira !

Ailleurs, on trouve des montagnes tout aussi importantes, et dont les pentes atteignent 30° (ce qui correspond à 50 % ; Olympus Mons sur Mars est au contraire très doux, avec des pentes de l’ordre de 1°).

Des bassins d’impact sont aussi visibles, produits par des objets de très grande dimension par rapport à Japet lui-même.

Cratères imbriqués
NASA

Cette image ressemble à des photos de la Lune. On y voit un phénomène intéressant : un grand cratère a été formé, puis un plus petit sur son plancher. Après, un éboulement a produit une accumulation de matériaux qui ont en partie comblé le petit cratère. A droite de l’image, une belle chaîne de cratères est visible.

S9 Phoebé

11 Phoebé

Phoebé est un satellite rétrograde, situé à 13 millions de km de Saturne. C’est l’un des satellites extérieurs. Les sondes étant construites pour observer Saturne en priorité, ne peuvent guère se ballader dans ces régions lointaines, et donc ce satellite est moins connu que les plus internes.

Légende
référence

S1 Mimas

12 Mimas

Mimas est un satellite moyen de 392 km de diamètre. Sa surface est très cratérisée dans son ensemble, et présente un cratère géant, nommé Herschell, il a un diamètre de 130 km, énorme comparé à la taille du satellite.

Mimas et le cratère Herschell
NASA/JPL/Space Science Institute

L’impact qui a créé ce cratère a dissipé tant d’énergie, que le satellite a dû être pratiquement brisé. Il est probable que par la suite, il s’est reconstitué. Des fractures sont visibles aux antipodes de Herschell, où l’énergie de l’impact s’est focalisée (même phénomène que sur Mercure avec le bassin de Caloris). Cet impact a dû se produire très peu de temps après la formation de Mimas, car le satellite s’est reconstitué assez tôt pour que sa surface soit très cratérisée. Cependant, il ne restait plus de gros objets capables de créer un très grand cratère.

Le rempart atteint 5.000 m d’altitude, tandis que le fond est par endroits à 10.000 m de profondeur. Le pic central domine le fond de 6.000 mètres.

Sa densité est faible : 1,17 g/cm3. Elle traduit une constitution essentiellement de glaces, avec un minimum de rocs.

S3 Téthys

13 Téthys

diamètre 1.060 km. Très cratérisé, avec le cratère Odysseus de 400 km de diamètre.

Constitué d’un noyau rocheux entouré de glaces, Téthys a eu une activité tectonique importante, car elle présente une vallée comparable à Valles Marineris sur Mars : Ithaca Chasma s’étend sur 2.000 km, atteint 10 km en largeur, et plusieurs km de profondeur.

NASA/JPL/Space Science Institute

Deux autres satellites de Saturne partagent l’orbite de Téthys, à ses points de Lagrange : Télesto en L4 et Calypso en L5.

S4 Dioné

14 Dioné

Le diamètre de Dioné est de 1.126 km. Densité 1,44 g/cm3. Demi grand axe : 377 400 kilomètres. Période orbitale : 2,74 jours terrestres

Légende
référence

Photos montrant la dichotmie entre la face avant vieille (à gauche) et la face arrière lisse NASA/JPL

Dioné présente un hémisphère très cratérisé, de surface vieille, et l’autre beaucoup plus lisse et montrant des terrains sombres et clairs. Les terrains sombres forment le substrat, et les clairs dessinent des volutes. Ils ont probablement été formés après.

 

Hémisphère lisse de Dioné
NASA/JPL

Sur cette photo, on voit que les volutes blanches prises à faible résolution sont en fait des falaises de glace. Cet hémisphère du satellite en est strié. On distingue également de nombreux cratères, attestant de l’ancienté de la surface. Toutefois, selon les localisations, la taille des cratères varie. Certaines régions sont donc plus anciennes que d’autre, et l’histoire du satellite s’est prolongée sur une longue période.

Pour expliquer la formation de ces falises, il faut invoquer une activité de la surface, et pour cela il faut de l’énergie. Dioné ressemble un peu, sous cet angle, à Encelade.

S5 Rhéa

15 Rhéa

Rhéa a un diamètre de 1.528 kilomètres.

Rhéa, résolution 1 km par pixel
NASA

La surface de Rhéa est très cratérisée, donc ancienne, mais sa particularité tient dans la forme des cratères. Ceux-ci sont souvent haxagonaux, tout au moins de forme irrégulière, constrastant avec lh’abuitude de voir des cratères bien ronds. Cette phot, prise lorsque le soleil était presque à la verticale du sol, écrase les reliefs et met en évidence les différences de teinte. Une photo prise en soleil rasant ferait le contraire, et montrerait bien mieux les reliefs.

 

Rhéa, l’autre hémisphère, résolution 3 km par pixel, distance 500.000 km
NASA

On remarque, sur cette photo, un cratère clair qui s’est formé après les autres. La plupart des cratères ont une forme polygonale.

 

 

Liste des satellites

Les 60 premiers…

Pour terminer, voici une liste des satellites dont on connait bien l’orbite, et qui ont été nommés pour la plupart. Certains noms sont difficiles à prononcer…

S1 MimasS11 EpiméthéeS21 TarvosS31 NarviS41 FenrirS51 Greip
S2 EnceladusS12 HélèneS22 IjiraqS32 MéthonéS42 FornjotS52 Tarqeq
S3 TethysS13 TélestoS23 SuttungrS33 PallènéS43 HatiS/2004 S12
S4 DionéS14 CalypsoS24 KiviuqS34 PolydeucesS44 HyrokkinS/2004 S13
S5 RhéaS15 AtlasS25 MundilfariS35 DaphnisS45 KariS/2004 S17
S6 TitanS16 ProméthéeS26 AlbiorixS36 ÆegirS46 LogeS/2004 S7
S7 HypérionS17 PandoreS27 SkathiS37 BebhionnS47 SkollS/2006 S1
S8 JapetS18 PanS28 ErrapioS38 BergelmirS48 SurturS/2006 S3
S9 PhœbéS19 YmirS29 SiarnaqS39 BestlaS49 Anthée S/2004 S7S/2007 S2
S10 JanusS20 PaaliaqS30 ThrymrS40 FarbautiS50 JarnsaxaS/2007 S3

Les numéro Sxx placés devant les noms sont les désignations assignées lors de l’approbation du nom. Ils sont donc croissant dans l’ordre de ces opérations, et ne correspondent pas aux distances du satellite à la planète. Les derniers n’ont pas encore reçu de nom, et sont donc mentionnés par leur dénomination provisoire S/année Sx, signifiant qu’il s’agit d’un satellite de Saturne, indiquant l’année de la découverte, et l’ordre de la découverte dans l’année.

D’autres petits corps ont été vus autour de Saturne. Mais ils ne sont pas confirmés, car observés un petit nombre de fois, et leur orbite n’est pas déterminée.


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