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Mis à jour
le 17/08/17
 Les astéroïdes
 

Les découvertes

Dans le chapitre sur les planètes, nous avons présenté la loi (empirique) de Titius-Bode, qui représente les distances des planètes au Soleil, et nous avons vu qu’il y avait une lacune à la distance 2,8 UA. Bien que la loi de Titius-Bode soit empirique, elle représente remarquablement les distances des 7 planètes connues à la fin du XVIIIe siècle. Cet accord entre les valeurs calculées et les valeurs mesurées lui donnait beaucoup de poids, et renforçait la croyance en l’existence d’une planète à la distance de 2,8 UA du Soleil.

La planète recherchée ne pouvait pas être très brillante, sinon on l’aurait déjà découverte. Or le nombre d’étoiles visibles augmente très rapidement quand on en considère de moins brillantes. Dans un télescope, on voit dans certaines régions du ciel un véritable fourmillement. Une planète de petite taille, qui n’apparaît que comme un point brillant, ne se distingue pas des étoiles. La seule façon de la repérer consiste à observer son déplacement parmi les étoiles. Mais voilà, celui-ci est très lent... Il faut plusieurs jours pour constater une variation de position. Alors, par simple observation visuelle, il faut connaître à la perfection le ciel, et être capable de repérer un intrus. Une telle méthode n’est pas à la portée de n’importe qui, et de toute façon est très aléatoire et pénible.

Une collaboration d’astronomes a été constituée, qui se sont partagé le zodiaque en 24 partie, une dédiée à chacun des observateurs. Cette tentative a échoué.

Pourtant, l’abbé Piazzi à Palerme, a découvert dans la nuit du 1e janvier 1801, une nouvelle planète qu’il a nommée Cérès. Lorsque son orbite a été déterminée, on s’est aperçu qu’elle se plaçait à 2,8 UA du Soleil ! Le trou semblait comblé. Pourtant, à cette distance-là, une planète de taille normale (disons la taille de la Terre ou de Mars) devrait être plus brillante, et présenter un disque visible dans les télescopes. Or elle ne montrait qu’un petit point faiblement lumineux. Il a bien fallu admettre que cette planète était minuscule, ce qui compliquait un peu le problème.

Puis, le 28 mars 1802, Olbers découvre une autre planète, à peu près à la même distance du Soleil. Il la nommera Pallas. Le 1e mars 1804, nouvelle découverte, par Harding : Junon. En 1807, Olbers encore découvre Vesta... Cette prolifération commence à faire désordre. On cherchait une planète de taille standard, on en a trouvé 4 petites… Et ce n’était pas fini ! Les moyens d’observation s’améliorant, les découvertes se sont multipliées, surtout grâce à la photographie.

Aujourd’hui, on connait plus de 15.000 petites planètes. Le satellite IRAS qui observait dans l’infrarouge en a découvert plusieurs milliers.

Cérès mesure 910 km de diamètre, Pallas 520, Vesta 530. Ce sont les trois plus grosses. 34 ont plus de 100 km de diamètre. On estime qu’il y en a plusieurs millions de taille supérieure à 400 m. Il doit y en avoir de plus petites encore, de toutes les tailles…

Malgré leur grand nombre, ces petites planètes ne totalisent pas une grande masse. Pour considérer les gros comme les petits, et sachant que le nombre est d’autant plus petit que la taille est plus grande, considérons que la taille moyenne d’un astéroïde est de l’ordre de 2 km.

Si on considère 10 millions d’objets de 2.000 mètres de diamètre (r = 1.000 m), on peut faire le calcul approximatif suivant :

volume d’un objet = 4 π r3 / 3 = 4 × 3,1416 × 1.0003 / 3 = 4,19 × 109 = 4,19 109 m3

Pour 10 millions d’objets : 4,19 109 ×107 m3 = 4,19 1016 m3

Le volume de la Terre est de 4 π R3 / 3 = 4 π 6.379.0003 / 3 = 4 π × 2,59694072 1020 / 3 m3 = 1021 m3

Le rapport entre le volume total des astéroïdes et celui de la Terre est donc de l’ordre de :

1021 m3 / 4,19 1016 m3 = 0,24 1021-16= 0,24 105 = 24.000.

Le volume total de ces astéroïdes est de l’ordre de 24.000 fois plus petit que celui de la Terre.

Ils n’auraient donc pas pu former une planète. En admettant qu’ils se soient tous condensés en un objet unique, on peut calculer son rayon :

V = 4,19 1016 m3 = 4 π r3 / 3 ; d’où r3 = 3 × 4,19 1016/ (4 π) = 1016 m3 ; d’où r = 2,15 105 = 215.000 m = 215 km.

Ce ne serait qu’un gros astéroïde, quatre fois plus petit que Céres, bien insuffisant pour être considéré comme une planète.

Noms

Les plus gros de ces objets sont quelquefois nommés petites planètes. Tous, quelle que soit leur taille, sont qualifiés d’astéroïdes (du grec aster  astre, et eidos  forme). Ce mot a été proposé par William Herschel.

Les astéroïdes sont nommés et numérotés dans l’ordre de leur découverte. Cérès est donc exactement 1 Cérès. On doit parler de 2 Pallas, 3 Junon, 4 Vesta etc. L’ordre des découvertes ne correspond pas à l’ordre des tailles décroissantes : Junon a été découverte avant Vesta qui est pourtant deux fois plus grosse. Les conditions de la découverte sont importantes (plus grande proximité).

Vous trouverez dans les fiches la liste des 275 premières découvertes.

Situation et orbites

Les astéroïdes forment une ceinture répartie grossièrement entre Mars et Jupiter, à la distance moyenne de 2,8 UA du Soleil. On la nomme maintenant ceinture principale. Les orbites dans la ceinture principale sont presque circulaires, mais les inclinaisons sont parfois assez fortes (Pallas 35°).

Malgré un nombre très élevé, leur masse totale est certainement très faible, quelques millièmes de celle de la Terre seulement. Ils ne perturbent donc en rien le mouvement des planètes principales. Au moment de la formation du système solaire, ils étaient certainement beaucoup plus nombreux. Ils ont été progressivement capturés par les planètes en formation, auxquelles ils se sont agglomérés.

Ce sont donc les restes de la formation du système solaire, qui n’ont pas pu s’agglomérer pour former une planète, à cause de la forte gravitation de Jupiter qui est proche. Les effets de marée qu’elle impose dans cette région ont interdit la création d’un objet de dimensions importantes.

En dehors de la ceinture principale, il existe des astéroïdes dont les orbites sont paradoxales. Leurs excentricités sont parfois très fortes, leur imposant des variations de distance au Soleil très importantes. On les classe en familles, auxquelles on donne le nom de l’un des membres.

Composition

Leur composition est mal connue, car aucune mesure n’a été faite. On sait seulement qu’ils contiennent des silicates, du carbone et des métaux. On soupçonne que certains d’entre eux soient de même nature que les comètes.

Tas de gravas

Un tas de gravas est un astéroïde reconstitué : de petite taille, ayant subi un choc très violent, il a été totalement détruit, et ses débris ont poursuivi leur course sur des orbites très voisines (vitesse relative faible au moment du choc). La gravité, et les hasards des rencontres entre ces débris, les ont petit-à-petit regroupés. La faible gravitation les maintient maintenant ensemble. La cohésion d’un tel astéroïde est évidemment très faible, mais paradoxalement, il résiste mieux qu’un autre à un nouveau choc. Un astéroïde qui viendrait le percuter passerait entre les débris, serait freiné, et s’agglutinerait à l’ensemble sans y faire de dégats.

Observation

Par des méthodes d’occultations d’étoiles, on a pu obtenir des renseignements sur les astéroïdes : connaissant le mouvement de l’un d’entre eux, donc sa vitesse, il suffit de mesurer le temps pendant lequel il cache une étoile pour avoir une idée très correcte de son diamètre. Son diamètre ? Il est apparu que des mesures diverses d’un même objet ont donné des valeurs différentes ! Erreurs de mesure ? Non ! Toutes ces mesures étaient correctes, seulement elles s’appliquaient à différents axes de l’objet, qui ne sont pas égaux. En un mot, les petits astéroïdes ne sont pas ronds. Bien sûr, les plus grandes de ces planètes sont à peu près sphériques, comme les grosses. Mais les petits corps ne possèdent pas une gravité suffisante pour atteindre la forme sphérique, qui est une figure d’équilibre. Ce sont plutôt de grosses cacahuètes ! ou des patatoïdes…

Les occultations ont réservé une autre surprise : il est arrivé qu’une étoile disparaisse deux fois, à quelques secondes d’intervalle. L’explication est simple, certains de ces petits corps possèdent malgré tout des satellites ! C’est le cas de Ida, qui mesure 56 km × 21 km, et de Dactyle son satellite, qui ne fait que 1,5 km. Il orbite à 100 km de distance d’Ida. En mythologie, Ida est la nymphe qui a élevé Zeus. Des détails sont donnés plus loin sur certains astéroïdes.

Les orbites des astéroïdes ne sont pas toutes dans le plan de l’écliptique. Certaines s’en écartent même beaucoup. Par contre, le demi-grand axe de l’orbite est fortement contraint par la présence proche de Jupiter, qui par les perturbations qu’il produit interdit certaines orbites.

La sonde spatiale européenne, Rosetta, lancée le 2 mars 2004, à destination de la comète Churyumov-Gerasimenko, devait visiter au passage deux astéroïdes. Elle a photographié 2867 Steins en 2008. Mais on avait déjà des photos obtenues par la sonde américaine Galileo, qui en a croisé deux en allant vers Jupiter, Ida et Gaspra. Leur surface est cratérisée, malgré leur petite taille, prouvant que eux aussi ont reçu d’autres astéroïdes.

Types d’astéroïdes

L’observation spectroscopique a permi de séparer les astéroïdes en trois classes, correspondant à leur composition mnéralogique.

typecompositionalbedoproportion
SFe Ni + silicates Mg Fe0,10 à 0,2217 %
Cchondrites carbonnées0,0375 %
MFe Ni0,10 à 0,188 %

Les plus grosses petites planètes

nomdiamètre kmdemi grand axe UAexcentricitéinclinaison sur l’écliptique °
1 Cérès9102,770,09710° 30’
2 Pallas5202,770,18035°
4 Vesta5302,360,097
10 Hygeia4303,140,136
511 Davida3363,180,17116°
704 Interamnia3303,060,08117°
52 Europa3103,100,1197° 30’
15 Eunomia2702,640,14311° 45’
87 Sylvia2703,490,05110° 45’
16 Psyché2652,920,10
31 Euphrosyne2503,160,09926° 15’
65 Cybèle2453,430,1293° 30’
3 Juno2452,670,21813°
324 Bamberga2402,680,28511°
107 Camilla2403,490,08410°

Vesta présente des coulées de lave, et des bassins d’impact.

Les résonnances

Les Troyens sont objets circulant sur la même orbite qu’une planète, mais en avance ou en retard de 60°. On montre que de telles orbites sont stables : si l’objet s’en écarte un peu, les perturbations que lui fait subir la planète le ramènent à son point de départ.

Les premières planètes de ce type ont été découvertes sur l’orbite de Jupiter, et on leur a donné des noms de héros de la guerre de Troie. Ceux qui sont en avance sur Jupiter portent les noms des héros Grecs, alors que ceux qui sont en retard portent des noms de Troyens. Depuis, on a pris l’habitude de désigner sous le nom générique de troyens tous les objets qui circulent à 60° sur l’orbite d’une planète. Les troyens forment, avec leur planète et le Soleil, un triangle équilatéral.

5261 Eurêka est un Troyen de Mars à l’orbite stable.

En septembre 2004, Toutatis est passé à 0,0466 UA de la Terre, i.e. à peu près 7 millions de kilomètres, ou encore 18 fois plus loin que la Lune.

Familles de Hirayama

Les familles de Hirayama sont des groupes d’astéroïdes ayant une même origine. Ils proviennent de la fragmentation, due à un choc violent, d’un astéroïde parent. Les débris, ayant une faible vitesse relative, ne s’éloignent guère les uns des autres. Ils parcourent donc des orbites semblables autour du Soleil, et possèdent évidemment la même composition minéralogique.

3 sont identifiées avec certitude, car les éléments orbitaux sont identiques, et leurs compositions minéralogiques égales. Ce sont les familles de 24 Thémis, 221 Eos et 158 Koronis. Ida est de la famille Koronis.

nom de famillenombre de membrestypedemi grand axetaille de la planète mère
Thémisune centaineC3,13 UA300 km
Eosune centaineS 150 km
Koronisune cinquantaineS 90 km

Où la différence s’amenuise...

L’astéroïde 2060 Chiron est devenu la comète 95/P Chiron le jour où on lui a découvert une petite coma. Phaéton a du être une comète dans le passé. 107P/ Wilson-Harrington, comète en 1949, était un astéroïde en 1979…

On connait des comètes peu actives qui se déplacent sur des orbites d’astéroïdes dans la ceinture principale, et des astéroïdes qui ont des orbites cométaires très allongées. La distinction entre comètes et astéroïdes est donc de plus en plus difficile à faire. La logique tendrait d’ailleurs à l’atténuer, car lors de la formation du système solaire, il est bien évident que les glaces se sont accumulées en plus grande quantité loin du Soleil, et ceci sans transition brusque. Il est donc naturel qu’en considérant des objets de plus en plus loin du Soleil, on passe insensiblement des astéroïdes rocheux aux comètes glacées.

Les Centaures

Après la découverte de Chiron, avec ses propriétés surprenantes, on a trouvé d’autres astéroïdes, même plus gros que lui, et qui se situent dans la même région du système solaire. On leur a donné des noms qui les associent à Chiron : Chiron était, dans la mythologie grecque, un Centaure ; on nomme alors maintenant Centaures tous les astéroïdes qui croisent entre Jupiter et Neptune. Ils sont en général sur des orbites assez fortement elliptiques, dont la stabilité ne saurait excéder quelques milliers d’années avec la proximité inquiétante des grosses planètes. Voici les trois plus importants :

numéronomdiamètre
(km)
demi grand axe
UA
excentricitédécouverte
10199Chariklo21015,80,171997
5145Pholus17520,20,571992
2060Chiron17013,60,381977

Chiron, le premier découvert, n’est pas le plus gros. Ceci s’explique très bien car le diamètre intervient moins, dans l’éclat de l’objet, que la distance au Soleil et à la Terre (laquelle vue de Chiron, ne s’éloigne jamais beaucoup du Soleil). Les éléments orbitaux, assez variables, sont données avec une précision modérée. On remarque que les excentricités sont assez disparates : de 0,17 à 0,57, cette dernière étant extrêmement forte ! Les Centaures ne forment donc pas un groupe très homogène. Par contre, leur composition doit être assez semblable, à base de silicates et de beaucoup de glaces. Chiron, catalogué d’abord comme astéroïde, est peut-être la plus grosse comète connue à ce jour, bien que son activité cométaire soit particulièrement limitée à cause de sa grande distance au Soleil. Imaginons le spectacle que Chiron nous donnerait s’il s’approchait du Soleil !…

Les géocroiseurs

Ce sont les astéroïdes qui coupent plus ou moins l’orbite de la Terre. On les classe en trois sous-groupes, selon leurs caractéristiques orbitales :

Le principal astéroïde de chaque groupe lui a donné son nom, et on remarque que ce nom commence par un A ! On appelle alors l’ensemble des géocroiseurs les AAA.

Si on considère des astéroïdes 10 fois plus petits, on en observe 100 fois plus !

L’albédo moyen des astéroïdes diminue quand on s’éloigne du Soleil. Ceci ne signifie pas qu’ils sont moins éclairés par le Soleil, ce qui est évident, mais bien que leur pouvoir réfléchissant diminue. Ils sont de plus en plus sombres quand on s’éloigne du Soleil. Cette diminution de brillance est probablement liée à l’apparition à leur surface d’une couche d’hydrocarbures (goudrons...).

Les astéroïdes sont souvent recouverts de régolithe (poussière) produit par les impacts des météorites.

Les lacunes de Kirkwood

Ce sont des zones annulaires autour du Soleil dans lesquelles on trouve très peu d’astéroïdes. Si l’un d’entre eux s’y risque, il va subir des perturbations telles de la part de Jupiter (et un peu moins de Saturne), qu’il va être rapidement propulsé sur une orbite plus interne, ou sur une orbite plus externe. Puisqu’il passe un temps très bref dans cette zone, il y a peu de chances de l’y observer. C’est pourquoi cette zone apparaît comme une lacune.

Les lacunes de Kirkwood sont analogues, pour la ceinture des astéroïdes, aux divisions de Cassini et d’Encke dans les anneaux de Saturne.

Satellites

Un satellite peut rester en orbite stable autour d’un astéroïde si sa distance est inférieure à 100 fois son diamètre. Cette hypothèse théorique a trouvé une magnifique confirmation lorsque la sonde Galileo a survolé 243 Ida et découvert un petit satellite qui fut nommé Dactyl (Dactyl était, dans la mythologie, un magicien métallurgiste du mont Ida). Sa présence a permi de mesurer sa densité ; elle est de 2,7 comme les roches de l’écorce terrestre. Ida doit être de type S.

Depuis, on a trouvé de nombreux autres satellites d’astéroïdes.

Les astéroïdes de type C ont probablement une densité < 1.

Chaleur de différenciation produite par Al 26, et Fe 60 à courte période.

87 Sylvia

87 Sylvia est un tas de gravas, c’est-à-dire un astéroïde reconstitué. C’est l’un des plus gros de la ceinture principale, avec 280 km de diamètre. On lui connaissait déjà un satellite, mais on en a découvert un second dans la deuxième moitié de 2005.

Photo : image de la découverte du second satellite
Sylvia, image de la découverte
photo Marchis et al., 2005, Nature, UCB/IMCCE-Observatoire de Paris

Sylvia est la mère mythique de Rémus et Romulus, il a donc été facile de trouver des noms pour ces deux nouveaux astéroïdes. Romulus, le plus brillant, découvert au télescope Keck en 2001, mesure 18 km. Il tourne à 1.360 km de Sylvia, en 87,6 heures. Rémus a été observé en août 2005 par le télescope Yepun (VLT), grâce à l’optique adaptative qui y est installée. Il orbite à 710 km seulement, en 33 heures. Son diamètre est estimé à 7 km d’après sa magnitude apparente et un albedo estimé.

Photo : orbites des satellites de Sylvia
Sylvia, orbites des deux satellites
photo Marchis et al., 2005, Nature, UCB/IMCCE-Observatoire de Paris

La présence de satellites est très importante, car l’analyse des orbites permet de déterminer la masse de l’objet central. Et, mesurant ses dimensions, d’où son volume, on en déduit facilement la masse volumique, qui donne une indication précieuse sur la constitution interne. La masse volumique ainsi mesurée de Sylvia est de 1,2 g cm-3, ce qui est très faible. C’est ce qui permet d’affirmer que l’astéroïde est poreux, et donc qu’il n’est qu’un tas de gravas. Il a été pulvérisé par un impact très violent, sans que les débris ne soient dispersés. Continuant sur des orbites très voisines, leur attraction gravitationnelle mutuelle a fini, tout doucement, par les réunir. L’ensemble tient aujourd’hui sous l’effet de cette gravité, mais la force de liaison est vraiment faible.

951 Gaspra

L’astéroïde 951 Gaspra tient son nom d’une ville de Crimée. Il fait partie de la famille Flora : son périhélie est à 1,8 UA, et son aphélie à 2,6 UA (excentricité 0,17), son année s’étend sur 3 ans et 3 mois. Trop petit, il est loin de la sphère, et mesure 19 × 12 × 11 km. Il a été survolé par la sonde Galileo le 29 octobre 1991, et nous en avons maintenant des photos raprochées. Gaspra tourne sur son axe en à peu près 7 h. L’axe de rotation est perpendiculaire à la grande dimension de l’objet, et le pôle nord se trouve en haut et à gauche de l’image ci-dessous. La rotation se fait dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, ce qui veut dire que sur l’image, la pointe qui se trouve à droite s’éloigne.

Photo : Gaspra
Gaspra, vu à 5.300 km, résolution 54 m par pixel photo Galileo, NASA

C’est un astéroïde de type S. La surface est couverte de nombreux cratères, mais ne présente pas de cratère énorme, comme par exemple Phobos, satellite de Mars (cratère Stickney). On dénombre plus de 600 cratères de 100 à 500 m de diamètre. La nature et le comptage des cratères lui assignent un âge de l’ordre de 200 millions d’années.

La forme irrégulière de l’astéroïde suggère qu’il a été produit par un impact sur un corps plus important, dont il serait un débris.

On voit également deux réseaux de rainures, qui devraient correspondre à des fractures. Sous la force de l’impact qui aurait arraché l’astéroïde à un corps parent bien plus gros, il est tout à fait concevable que de telles fractures se soient produites. Elle mesurent de 100 à 300 mètres de large, et quelques dizaines de mètres de profondeur. Les deux systèmes n’ont pas exactement la même morphologie. De telles rainures n’étaient connue, jusque là, que sur Phobos. Encore une particularité qui renforce l’idée que Phobos serait un astéroïde capturé par Mars.

243 Ida

Le nom de cet astéroïde est celui de la nymphe qui a élevé Zeus. Mais c’est aussi une montagne dans une grotte de laquelle Zeus a vécu enfant. Et sur cette montagne vivaient des êtres mythologiques nommés Dactyli, qui l’ont protégé.

Photo: Ida et Dactyl
Ida et Dactyl, photo Galileo, NASA

La photo ci-dessus a été prise le 28 août 93 par la sonde Galileo, en route pour Jupiter.

L’orbite d’Ida est caractérisée par : demi grand-axe 2,86 UA, excentricité 0,046, aphélie à 2,99 UA, périhélie à 2,73 UA, période 4 ans et presque 10 mois. Comme ces données l’indiquent clairement, Ida appartient à la ceinture principale. Il mesure 56 km dans sa longueur, 23 dans l’autre dimension. Sa période de rotation est de 4h 38 minutes.

C’est un astéroïde de type S, ceux qui donnent les chondrites ordinaires.

Ida possède un petit satellite, nommé Dactyl (pour la raison exposée plus haut). Il ne mesure que 1,4 km de diamètre (remarquez que malgré sa taille minuscule, il est pratiquement rond). Dactyl orbite autour d’Ida à un peu moins de 100 km.

Ida fait partie de la famille de Koronis (famille de Hirayama). Cette appartenance limite l’ancienneté du système. En effet, l’attraction gravitationnelle entre les éléments de la famille est bien trop faible pour qu’ils restent liés à long terme. Lors de la collision, les vitesses d’éloignement initiales sont déterminantes. Si elles sont faibles, le groupe s’éparpillera lentement. Mais petit à petit, ces objets sont destinés à s’éloigner les uns des autres. Et leur groupement ne peut donc se manifester que peu de temps après la formation, quelques centaines de millions d’années. Donc, Ida et Dactyl se sont formés il y a peu de temps. Pourtant, leur surface est fortement cratérisée. L’explication pourrait être dans le bombardement des débris, juste après l’impact qui a arraché Ida à un corps plus gros.

2867 Steins

La sonde européenne Rosetta, en route vers la comète Churyumov-Gerasimenko, a croisé l’astéroïde Steins, et nous en a transmis des photos. Elle en est passé, au plus près, à 800 km. C’est la première fois qu’on s’approche d’un astéroïde de ce type rare. 18 des instruments de Rosetta et de l’atterrisseur, Philae, ont été conçus, totalement ou en partie, par des laboratoires français.

Steins fait 5,4 km dans sa plus grande dimension. Il est reconnaissable à sa forme qui évoque un diamant. Il appartient à la ceinture principale interne. On y remarque un énorme cratère (par rapport à sa propre dimension), qui a été produit par l’impact d’un objet de quelques 200 m de diamètre. Ce choc a presque détruit l’astéroïde. Au-dessous de ce gros cratère, on voit un chapelet de petits cratères, qui sont plutôt des effondrements que des cratères d’impact. Ils ont dû se former à la suite du choc. L’aspect de sa surface, aux bords nets, indique qu’il a été produit par un choc qui l’a arraché à un autre corps.

Photo : rotation de l'astéroïde Steins
Steins photo Rosetta, ESA ©2008 MPS for OSIRIS Team MPS/UPM/LAM/IAA

De plus, le choc a expédié beaucoup de poussières dans l’espace, et une partie est retombée. Cette poussière est composée d’enstatite, silicate très pauvre en métaux, avec quelques composés soufrés. Cette pauvreté est confirmée par l’absence de champ magnétique, notée par Rosetta. La surface est très homogène. La formation du grand cratère de cet astéroïde est datée d’à peu près 100 millions d’années. La présence de ce minéral définit le type E (pour enstatite) donné à ces astéroïdes exceptionnels. Ce type est représenté par seulement 0,02 % (1 pour 5.000) des astéroïdes. C’est donc une cible extrêmement intéressante à observer.

Tout comme les astéroïdes de type S correspondent aux chondrites ordinaires, les astéroïdes de type E correspondent sans doute aux aubrites : leur composition est très semblable.

433 Eros

Encore un astéroïde de type S. Eros a un demi grand-axe de 1,46 UA, mais avec une forte excentricté de 0,22 qui le fait errer entre 1,14 et 1,78 UA du Soleil. Au périhélie, il est donc assez proche de la Terre, ou tout au moins de son orbite (20 millions de km tout de même). Cette orbite en fait un NEA.

253 Mathilde

25143 Itokawa

L’astéroïde Itokawa a été pris pour cible par les japonais (JAXA) pour la première mission de retour d’échantillons depuis un astéroïde. La sonde qu’ils ont développée pour cela se nomme Hayabusa (le faucon pélerin en japonais, c’est l’oiseau au vol le plus rapide). Hayabusa a été lancée le 9 mai 2003, la capsule est retournée le 13 juin 2010. Elle s’est approchée automatiquement de l’astéroïde, guidée par un système utilisant une caméra et un lidar. Enfin, la sonde emportait également un imageur et un spectromètre infrarouge. La sonde est destinée à se poser sur le sol, pour y faire des analyses en divers endroits.

Cette sonde est avant tout un prototype technique, servant à tester de nombreux principes et dispositifs. La propulsion est mixte, avec des moteurs chimiques réservés aux manœuvres rapides, et des moteurs ioniques pour la propulsion. Les moteurs ioniques sont bien plus performants que les chimiques, leur rendement est 11 fois supérieur. La sonde était propulsée par un moteur ionique au xénon, ce qui n’est pas courant non plus. Elle a emporté 50 kg de xénon, qui lui ont donné une accélération de 3,5 km/s. Des panneaux solaires fournissaient l’énergie nécessaire à ce moteur ionique. Cette énergie limite l’usage de panneaux solaires pour alimenter le moteur, à des régions assez proches du Soleil.

Une autre performance a été la rentrée dans l’atmosphère terrestre directement depuis sa trajectoire interplanétaire, sans freinage actif auparavant, même si elle ne concernait que la capsule d’échantillons.

La récupération des échantillons se fait de la manière suivante : la sonde atterrit à très faible vitesse (quelques centimètres par seconde) ; un cornet placé en-dessous entre en contact avec le sol de l’astéroïde ; une bille est tirée de l’intérieur à 300 m/s et son impact au sol provoque une éjection de poussières. Ces poussières sont canalisées par le cornet, et piégées dans le système de récupération. La sonde s’élève aussitôt, son contact avec le sol n’ayant duré que quelques secondes. Plusieurs atterrissages sont prévus. La sonde se comporte ainsi comme un faucon, qui attaque ses proies en piquant, les attrape dans ses serres, et repart aussitôt, ce qui justifie son nom.

Elle emportait un mini atterrisseur nommé Minerva, mais celui-ci, largué lors d’un atterrissage, n’a pu se poser sur le sol et a disparu dans l’espace. Malgré ce petit échec les japonais ont résolu de nombreux problèmes pour assurer le succès de leur expérience, et en ont certainement tiré de nombreux enseignement pour l’avenir.

Hayabusa a connu de nombreux problèmes ; chacun aurait pu compromettre la mission. Mais les japonais avaient conçu une sonde suffisamment flexible pour s’adapter à certaines situations. Par exemple, ils ont pu, par télémétrie, associer les composants intacts de deux moteurs ioniques en panne, pour reconstituer un moteur en état de marche ! Ceci est impensable avec des moteurs chimiques, la plomberie n’autorisant pas la flexibilité de l’électricité. Les phases d’atterrisage ont aussi été difficiles. Elles se produisaient en mode automatique (distance et délais de transmission obligent), et les difficultés sont grandes. Mais après plusieurs tentatives interrompues, deux atterrisages ont réussi. La première fois, la sonde s’est posée sur le côté, impossible de récupérer des échantillons. Mais la seconde a réussi. Beaucoup de problèmes de moteurs aussi, qui ont retardé le retour. Mais finalement, la sonde est revenu vers la Terre, a largué la capsule d’échantillons, puis s’est désintégrée (comme prévu) dans l’atmosphère.

Le principe de l’expérience est tout à la fois simple et hasardeux. La simplicité est un gage de réussite, car plus le système est compliqué, plus on multiplie le risque de pannes. Mais avec une technique trop simple, les risques de ne pas maîtriser tous les paramètres sont grands. Les japonais ont été capables de trouver le juste milieu, pour construire une sonde assez simple pour éviter les pannes techniques, et assez sophistiquée pour résoudre les problèmes avec un bon niveau de confiance. C’est un grand exploit d’avoir réussi cette expérience, et maintenant nous pourrons, après étude approfondie des échantillons, faire un lien direct, certain, entre les astéroïdes et les météorites. Les dernières proviennent des premiers, c’est bien évident, mais leur composition est-elle représentative ? Les études des astéroïdes faites depuis le sol sont spectroscopiques, les analyses des météorites sont chimiques et physiques. Maintenant, un même objet a été étudié par les deux méthodes.

Photo : astéroïde Itokawa
Itokawa photo Hayabusa, JAXA

Itokawa est un tout petit astéroïde de 535 × 294 × 209 mètres seulement. C’est une chondrite de type S. La densité des chondrites est de 3,2 g cm-3 et celle d’Itokawa mesurée par la sonde n’est que de 1,9 g cm-3. Ceci montre que l’astéroïde n’est pas plein, mais bien poreux. Il existe en son sein 40 % de vide, et par conséquent l’astéroïde n’est qu’un tas de gravas. On voit bien sur les images qu’il est constitué de deux parties accolées, grossièrement sphériques et de surface accidentée par des blocs atteignant 50 m. Entre les deux, un terrain bien plus lisse, constitué de régolithe. La particularité est le très petit nombre de cratères.

Photo : astéroïde Itokawa, autre vue
Itokawa photo Hayabusa, JAXA

C’est un NEA (Near Earth Asteroid) Apollo, dont l’apogée est légèrement au-delà de l’orbite martienne, et le périgée en-deça de l’orbite terrestre. Sa rotation s’effectue en 13 h 8 mn, et son axe est pratiquement perpendiculaire à l’écliptique. Un si petit corps a une gravité extrêmement faible (1/100.000e de celle de la Terre), ce qui complique la tâche au lieu de la simplifier. La moindre force exercée à la surface suffit à expédier le responsable dans les étoiles ! Et l’atterrissage doit être entièrement automatique, la sonde étant bien trop loin de la Terre pour autoriser un pilotage.

Photo : sol d'Itokawa
Surface de l’astéroïde Itokawa photo Hayabusa, JAXA

Les détails de surface visibles ici sont encore exceptionnels. On voit un sol de graviers poussiéreux, d’une taille centimétrique ou plus petits. La poussière est du régolithe, provenant de la fracturation des roches par les impacts de gros ou petits objets. Nous disposons aujourd’hui de photos équivalentes pour la Lune bien sûr (Apollo NASA, diverses sondes soviétiques), mais aussi pour Mars (Spirit et Opportunity, NASA), pour Titan (Huygens, ESA).

Photo : poussière d'Itokawa
Poussière d’Itokawa, microscope électronique photo Hayabusa, JAXA

Avant Hayabusa, le seul corps céleste dont nous ayons récupéré des échantillons est la Lune, toute proche. Les astronautes américains en ont recueilli, mais aussi le robot soviétique Lunokhod, qui a tout fait automatiquement.

Les poussières récupérées sont triées en trois catégories, selon la façon de les obtenir. La capsule de retour en contenait quelques 1.500. Les premières ont été prélevées sur une spatule en téflon. Bien que d’une taille inférieure à 40 µm, elles ont permi de faire des analyses chimiques et pétrologiques. Le tiers de ces poussières est constitué d’olivine, un autre tiers de pyroxènes, feldspath et sulfures, et le reste d’un mélange assez complexe (détails ci-dessous). La sonde avait déterminé sur place, par fluorescence X et analyse IR, une composition de type chondritique. Ceci est donc confirmé par l’analyse des poussières. Celles-ci sont anguleuses, et proviennent de la cassure de roches plus grosses.

nb. de particulescomposition
580olivine
118pyroxène pauvre en Ca
56pyroxène riche en Ca
172fledspath plagioclase
14fledspath potassique
113sulfure de fer
13chromite
10phosphate de calcium
3alliage FeNi
447mélanges

Le sulfure de fer est probablement de la troïlite. Les particules de FeNi contiennent les deux espèces kamacite et taénite. Toutes ces particules sont caractéristiques d’une composition chondritique de type LL. Les silicates présentent une composition homogène.

D’autres particules ont été récupérées sur le plancher de la capsule, et leur taille est supérieure à 100 µm. Ces particules n’ont pas encore été étudiées en détail, mais elles sont assez semblables aux précédentes.

4 Vesta

Vesta est le second astéroïde par la taille, et se trouve dans la ceinture principale entre Mars et Jupiter. Mais malgré sa (relativement) grande taille, on ne peut pratiquement pas voir de détails depuis la Terre, sauf les plus grandes structures ; et encore ne peut-on pas distingueur ce qu’elles sont. Le télescope spatial a produit la suite d’images ci-dessous, qui montre que l’astéroïde n’est pas vraiment sphérique, et présente quelques taches à la surface.

Photo : Vesta vue par le Keck
Vesta photo B. Zellner (Georgia Southern University) and NASA

C’est le mieux qu’on puisse faire depuis la Terre actuellement. Le télescope Keck, avec ses 10 mètres d’ouverture, donne la même résolution en utilisant l’optique adaptative (sans elle, on n’obtient qu’une grosse tache ronde floue).

Les astéroïdes étant des objets assez primitifs, inutilisés dans le processus de formation des planètes, sont intéressants pour apporter des données sur les briques qui ont constitué les planètes. Selon leur taille et leur localisation dans le système solaire (distance au Soleil), ils ont plus ou moins évolué. Vesta est un astéroïde ayant beaucoup évolué, grâce à sa taille importante. C’est donc une cible de choix pour une étude approfondie, et elle justifie la réalisation d’une sonde adaptée. C’est maintenant chose faite avec la sonde Dawn qui est en orbite autour et nous transmets des images de très bonne qualité. Un nouveau chapitre est consacré à Vesta, et évoluera à mesure des résultats scientifiques qui paraîtront.

21 Lutetia

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