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Mis à jour
le 18/08/17
 Antares
 

Le nom ANTARES est un sigle pour Astronomy with a Neutrino Telescope and Abyss environmental RESearch. Il s’agit d’un détecteur de neutrinos, placé en Méditerranée, près de Marseille, sur des fonds de 2.500 m, à seulement quelques kilomètres de la côte. Cette configuration de la marge continentale a considérablement facilité la mise en œuvre de la partie immergée, limitant la longueur du câble et les déplacements des navires pour l’installation. La Méditerranée est en général assez calme, et ceci facilite le travail en mer. Notons toutefois qu’en mai 2008, l’installation des lignes 11 et 12 a été retardée pendant 10 jours pour cause de tempête.

Antarès vient après une tentative américaine, qui a échoué devant la violence de l’Océan Pacifique, dans lequel l’expérience devait être immergé. Les américains se sont alors tournés vers la glace, qui est plus calme. Leur expérience, Amanda, est installée dans la glace de l’Antarctique.

Pourquoi l’eau ou la glace ? Les neutrinos qui arrivent de l’espace peuvent parfois interagir avec la matière (protons par exemple) et produire par interaction faible des muons. Ces muons émettent, dans l’eau ou la glace, de la lumière Tcherenkov (voir plus bas), qu’on peut détecter grâce à des photomultiplicateurs. L’observation d’un photon Tcherenkov signe le passage d’un neutrino, si on prend les précautions suffisantes.

Astronomie des neutrinos

Ces expériences exploitent une source d’informations nouvelle, déjà utilisée uniquement pour le Soleil. Les premiers détecteurs ont montré que le flux de neutrinos reçu du Soleil était plus faible que prévu, ce qui a amené à découvrir l’oscillation du neutrino, donc un progrès en physique des particules.

Les données astronomiques (hors du système solaire, qui est étudié par des sondes in situ), nous viennent des photons, des noyaux atomiques, des neutrinos, des gravitons (par ordre d’entrée en scène : la lumière, les rayons cosmiques, les neutrinos, et les ondes gravitationnelles).

Antares est un véritable télescope à neutrinos, qui présente par rapport aux autres sources d’information astronomique, des avantages importants. Les photons, au-dessus d’une énergie de 100 TeV, ne peuvent traverser plus de 10 Mpc, par suite de leurs interactions avec le fond diffus cosmologique. Ceci s’explique par le fait qu’ils sont sensibles à l’interaction électromagnétique. Quand aux rayons cosmiques, l’effet GZK (Greisen-Zatsepin-Kuzmin) limite leur portée à 50 Mpc au-dessus de 100 EeV (100 Exa électrons-volts = 100 1018 eV).

Si un rayon cosmique (un proton p) possède une énergie au-dessus de l’énergie de masse d’un pion (π0, π+), il peut, par interaction avec un photon de basse énergie du fond cosmologique, créer un pion : p + γ → Δ+ → p + π0 ou bien p + γ → Δ+ → n + π+. Le proton a perdu dans cette réaction l’équivalent de l’énergie de masse du pion. Le neutron produit dans la seconde réaction se désintègre en proton en 14 minutes. L’une de ces réactions peut se reproduire tant que l’énergie du proton reste suffisante, et limite donc leur énergie à quelque 6 1019 eV.

La réaction peut se produire aussi entre le proton et un atome du milieu interstellaire.

Si un proton possède une énergie supérieure, il va la perdre au cours de son périple spatial. Si celui-ci dépasse les 50 Mpc, il y aura subi suffisamment d’intéractions pour perdre toute l’énergie au-dessus de la limite. Or il n’y a aucun objet émettant à de telles énergies dans un volume de 50 Mpc autour de la Terre. Donc, on ne peut pas observer de tels rayons cosmiques. Pourtant, on en a observé d’un peu plus de 1020 eV… Puisqu’il n’y a pas de sources à moins de 50 Mpc, le plus probable est que les rayons cosmiques en question soient des noyaux plus lourds que l’hydrogène (le proton, sur lequel on a étudié l’effet GZK), pour lesquels la limite ne s’applique pas au même niveau. On pourrait enfin envisager des particules interagissant très peu, et de très haute énergie. Elles seraient capables de traverser de grands espaces sans interagir, donc sans perdre leur énergie. Puis finalement produire les rayons cosmiques observés. Ceci expliquerait que ces particules soient produites en deça des 50 Mpc, sans qu’il y ait d’objet extraordinaire pour cela, mais on ignore ce que ces particules pourraient être.

Expérience EUSO (Extreme Universe Space Observatory). C’est un instrument qui devait voler sur la station spatiale internationnale en 2008. Il s’agit d’observer l’atmosphère de la Terre vue d’en haut, afin de voir les gerbes produites par des rayons cosmiques de très haute énergie, bien au-dessus de la limite GZK. Cet instrument doit déterminer la provenance des rayons cosmiques observés. A suivre…

Pour résumer, les neutrinos voyagent en ligne droite, et sur de très grandes distances. Ajoutez à cela qu’ils ont une probabilité élevée de traverser les milieux les plus denses, et vous aurez une source d’informations extraordinaire pour comprendre le fonctionnement intime de certains astres, inobservables autrement.

Les neutrinos sont observés depuis une trentaine d’années, dans des lieux souterrains : mine d’or désaffectée de Homstake dans le Dakota, LNGS (Laboratorio Nazionale del Gran Sasso) près de Rome, Kamiokande au Japon. Mais il s’agit de neutrinos de basse énergie : ceux produits au cœur du Soleil, et ceux provenant de SN 1987 A. Tous ces détecteurs sont sensibles aux neutrinos de basse énergie, produits par le Soleil et par les explosions de supernovæ.

Antarès

Antarès est un grand détecteur de lumière Tcherenkov, produite par des muons, eux-mêmes produits par des neutrinos de haute énergie.

La lumière Tcherenkov est produite par toute particule se déplaçant dans un milieu à une vitesse supérieure à la vitesse de la lumière : elle matérialise une onde de choc. Ceci n’est pas en contradiction avec la Relativité, qui pose la vitesse de la lumière comme vitesse maximum. En effet, dans tout milieu matériel, la lumière se déplace moins vite que dans le vide, et c’est donc la vitesse de la lumière dans le vide qui est la limite supérieure c. Dans l’eau, la lumière ne se déplace qu’à 225.000 km/s. Il est tous à fait possible qu’une particule soit animée d’une vitesse comprise entre 225.000 et 300.000 km/s. Si c’est le cas, elle va produire de la lumière Tcherenkov. C’est la lumière qui était émise par les piles-piscines, piles atomiques dans lesquelles les barres d’uranium étaient plongées dans l’eau, qui jouait le rôle de modérateur. Les neutrons émis par les désintégrations y étaient plus rapides que la lumière dans l’eau, et produisaient cette belle lumière bleue.

La lumière Tcherenkov, bien que faible, est très utilisée aujourd’hui dans de nombreuses expériences.

Objets étudiés

Les objets cibles de cette étude sont les noyaux actifs de galaxies, et les sursauts gamma, c’est-à-dire les objets dégageant des énergies énormes, pour lesquelles le détecteur est adapté.

Par quel mécanisme sont produits ces neutrinos ? Par des particules chargées, accélérées dans des événements énergétiques. Les noyaux actifs de galaxies, dont le moteur est l’absorption de matière par un trou noir très massif, en font partie, mais aussi les sursauts gamma, où l’on retrouve les trous noirs de plus petite masse. Ces phénomène sont susceptibles d’accélérer fortement des particules chargées, essentiellement des protons (qui produiront des neutrinos de hautes énergies). Mais Antarès pourrait aussi apporter des informations sur la matière noire, dans sa composante non baryonique constituée de WIMPS (Weakly Interacting Massive Particles). De telles particules sont neutres, assez semblables aux neutrinos, mais de grande masse. Aussi, elles sont sensibles au champ gravitationnel des étoiles et des planètes. Lorsqu’elles y tombent, elles peuvent s’y trouver par paire particule-antiparticule, et s’anihiler. Ce faisant; elles dégagent l’énergie correspondant à leur masse, et produisent des neutrinos.

Antarès couvre trois domaines de recherche :

La physique des particules est basée sur la notion de symétrie : si on change par exemple le temps t en -t (renversement du temps, les équations ne changent pas. Ces symétries expliquent beaucoup de choses, mais amènent à la séparation entre fermions et bosons.

La supersymétrie est une théorie qui permet de désintégrer un fermion en un boson, et vice versa. Elle prédit l’existence de nouvelles particules, dont le neutralino. La masse estimée du neutralino en fait un candidat pour expliquer la matière noire, au moins en partie.

Toutes les particules supersymétriques restent à découvrir.

L’effondrement d’une étoile en étoile à neutrons (supernova) produit aussi énormément de neutrinos, mais dans un temps très bref. Un premier événement de ce type a été observé à Kamiokande en 1987, lors de l’explosion de la supernova SN 1987 A.

Les étoiles binaires, dont l’un des membres est évolué (objet massif), sous la forme d’une étoile à neutrons ou d’un trou noir. La matière de l’étoile compagnon, devenue géante rouge et remplissant son lobe de Roche, se déverse sur l’objet compact et s’y accrète. Au cours de la chûte, des protons sont accélérés à de très hautes énergies. Les interactions de ces protons avec la matière produisent des flux de neutrinos énergétiques.

Restes de supernovæ

L’explosion d’une supernova produit une enveloppe en expansion, qui donnera le reste de supernova (nébuleuse), qui produit des ondes radio, preuve d’une forte accélération de particules chargées. Le mécanisme de Fermi dans cette enveloppe turbulente peut expliquer une forte accélération. Si l’étoile n’a pas été complètement détruite, il reste un pulsar au centre. Ce pulsar présente un champ magnétique très intense, qui accélère encore les protons. Il peut aussi se produire une onde de choc très efficace dans la coquille.

Les protons ainsi accélérés heurtent la matière de la coquille en expansion, et produisent des pions. Ceux-ci, instables, se désintègrent rapidement en donnant des photons, pour les pions neutres, ou des neutrinos, pour les pions chargés. Les restes de supernovæ sont les émetteurs les plus probables de rayons cosmiques dans notre galaxie, mais on n’en a pas encore de confirmation. On a cependant observé des rayons gamma (108 eV), provenant de deux restes de supernovæ. Mais les rayons gamma, électromagnétiques, peuvent provenir d’électrons accélérés tout aussi bien que de protons. Si on pouvait observer les neutrinos éventuellement produits, on aurait la preuve que les particules source sont des protons, et de plus on en connaîtrait la direction. Il serait alors possible d’identifier la source.

Noyaux Actifs de Galaxies (AGN)

Ce sont les objets les plus énergétiques de l’Univers ( L de 1035 à 1041 W). On explique cette énergie par l’accrétion de quelques masses solaires par an, par un trou noir super-massif, de 106 à 1010 masses solaires. Certains AGN émettent des jets de particules opposés, au niveau des pôles de rotation. Ces jets accélèrent des électrons relativistes, qui en tourbillonant dans le champ magnétique, produisent un fort rayonnement synchrotron. On observe leur émission dans le domaine radio jusqu’à des distances supérieures à un parsec. Lorsque lejet est directement dirigé vers la Terre, on observe un objet de type Blazar. On ne s’attendait pas à ce qu’ils émettent des rayons gamma jusqu’à 1010 eV.

4 AGN ont été détectés par des télescopes Tcherenkov atmosphériques, comme émetteurs gammas à des énergies supérieures à 1012 eV. L’origine de cette énergie, ainsi que la composition du jet, font débat.

GRB

Les GRB (Gamma Ray Bursts, ou sursuats gamma) sont produits par deux mécanismes :

Dans les deux cas, il y a une émission de neutrinos de haute énergie.

Installation Antarès

Antarès a été conçu au CPPM (Centre de Physique des Particules de Marseille), sur l’initiative de Jean-Jacques Aubert. La conception et l’intégration des éléments s’est faite au CPPM.

Le cable arrive à La Seyne, à la Villa Pacha, où se trouvent les ordinateurs d’acquisition et de contrôle.

villa Pacha, télescope Antarès
La villa Pacha à La Seyne sur Mer photo J. Gispert

A l’époque où le réseau est roi, le contrôle peut éventuellement s’effectuer à distance.

Le détecteur Antarès est constitué de 12 lignes (plus une), chacune constituées de 25 éléments de trois capteurs. On totalise donc 300 éléments, et 900 détecteurs. La surface couverte par Antarès est de 0,1 km2.

élément optique du télescope Antarès
Un élément dans l’atelier du CPPM photo J. Gispert

Sur cette photo, on distingue la structure d’un élément en titane, avec au centre le tube contenant l’électronique, et les trois boules de verre contenant les scintillateurs et les photomultiplicateurs. En haut et en bas de la structure, on aperçoit les attaches sur le cable.

sphère de verre et scintillateur télescope Antarès
Sphère de verre contenant le scintillateur et le photomultiplicateur photo J. Gispert

Les sphères de verre sont des demi-sphères assemblées de manière assez sommaire, car la pression de l’eau assure une parfaite étanchéïté au fond. On remarque que les sphères sont dirigées vers le bas, pour détecter la lumière Tcherenkov venant du fond de la mer. Bien sûr, la lumière Tcherenkov venant du haut n’est pas totalement éliminée par cette position. Ce sont des algorithmes de traitement qu permettront de ne pas en tenir compte.

électronique du télescope Antarès
Conteneur électronique de démonstration photo J. Gispert

Le conteneur cylindrique vu au centre de chaque élément abrite l’électronique, permettant de regrouper les signaux parvenant de chacun des trois détecteurs. Pour simplifier le transport des informations vers la terre, l’électronique visible ici converti les signaux électriques en signaux optiques, qui sont expédiés sur une fibre optique. Chaque détecteur va produire une lumière de couleur différente, ce qui permet de faire voyager ces couleurs sur le même câble. A gauche, on voit les connecteurs des trois photomultiplicateurs, et à droite le branchement vers le câble, lui-même connecté à la base de la ligne.

télescope Antarès, écran de contrôle
Copie d’un écran de contrôle photo J. Gispert

Cet écran montre, à chaque instant, l’état des 12 lignes, et de chacun des photomultiplicateurs.

Sources de neutrinos

Electrons et protons sont probablement accélérés par le processus de Fermi du premier ordre. Dans les noyaux de galaxies actifs, qui ne présentent pas forcément de jets, des protons peuvent être accélérés par des ondes de choc dans la matière accrétée par le trou noir. Les interactions de ces protons avec le disque d’accrétion et avec le rayonnement produisent des neutrinos sans contre-partie en gamma. Si le noyau actif produit des jets, des protons y sont accélérés dans la partie centrale. Ils peuvent aussi produire des neutrinos par leurs interactions avec les rayonnements émis directement par le noyau actif, ou par le rayonnement synchrotron dans les jets.

Le mécanisme de Fermi peut également produire des protons de haute énergie dans les points chauds des sources radio puissantes. Mais dans ce cas, il y a un rayonnement gamma associé, et production de neutrinos.

Les observations de ces neutrinos doivent apporter de précieux renseignements sur ces objets, par ailleurs encore mal connus.

Gamma ray bursts

Les sursauts gamma sont des sources envisageables de neutrinos, dans les jets éjectés au-dessus des pôles.

L’avenir

Comme Amanda, Antarès est un prototype, dont la surface collectrice est trop petite pour assurer un taux d’événements suffisant. La solution viable devra couvrir une surface d’un km2 au minimum. C’est ce que proposent deux projets, l’un américain, successeur d’Amanada, et nommé Ice Cube, l’autre européen, successeur d’Antarès et nommé KM3. Au lieu des 200 m de diamètre d’Antarès, KM3 s’étendra sur 1,2 km. Il augmentera d’un facteur 30 à 40 l’efficacité d’Antarès.

IceCube est un observatoire de neutrinos constitué d’un réseau régulièrement espacé de 4.200 photomultiplicatuers au minimum. Il sera installé entre 1.450 et 2.450 mètres de profondeur dans la glace du pôle sud, comme Amanda. Il sera complété par IceTop, un détecteur de surface installé à l’aplomb d’IceCube. La surface totale couverte sera de l’ordre de 1 km2.

 

HESS (High Energy Stereoscopic System)

C’est un ensemble de 4 télescopes situés aux coins d’un carré de 120 m de côté, en Namibie. Ils observent la lumière Tcherenkov produite par les rayons gammas de haute énergie arrivant dans l’atmosphère de la Terre. Un cinquième télescope de 28 m de diamètre est prévu, pour observer dans une gamme d’énergie moindre (plus sensible).

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